Mineurs non accompagnés : l'État et les départements interpellés par le Défenseur des droits
Par Lucile Bonnin
Depuis 2012, le Défenseur des droits n’a cessé de faire l’objet de saisines pour atteintes aux droits de ces enfants que l’on appelle « mineurs non accompagnés » . Dans un rapport de 129 pages, rendu public jeudi dernier, Claire Hédon, Défenseure des droits, fait le bilan de 10 ans d’interventions et tire des conclusions sur ces enfants au statut particulier.
Il est notamment mis en avant dans le document que ces enfants ont tendance à être considérés par les institutions comme des migrants ayant atteint l’âge adulte. Or, la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ratifiée par la France, stipule que « tout enfant temporairement ou définitivement privé de son milieu familial, ou qui dans son propre intérêt ne peut être laissé dans ce milieu, a droit à une protection et une aide spéciale de l’État, y compris les enfants demandeurs d’asile, réfugiés ou migrants, sans considération de leur nationalité, de leur statut au regard de l’immigration ou de leur apatridie. »
Le Défenseur des droits le rappelle : un mineur non accompagné (MNA) qui arrive en France a le même droit à la protection que tout autre enfant, et c’est dans cette perspective que certaines recommandations pour respecter cette règle ont été émises à l’égard des départements et de l’État.
Un flou autour de la charge des départements
La Défenseure des droits signale d’abord aux départements « qu’ils sont liés par les obligations découlant de la Convention internationale relative aux droits de l’enfant à l’égard des mineurs non accompagnés comme ils le sont à l’égard de tout enfant présent sur leur territoire. » Elle rappelle enfin à l’État « la nécessité de soutenir les départements pour prendre en charge ces mineurs dans un contexte de saturation des structures d’accueil de la protection de l’enfance. »
ASE, centres départementaux de l’enfance, assistants familiaux : il faut rappeler que la loi de décentralisation de 1983 a fait de la protection des enfants une compétence départementale avec l’aide des services nationaux et territoriaux de l'État.
Ainsi, les coûts de prise en charge de ces enfants sont souvent décriés par les départements. Or, les dernières statistiques à ce sujet datent du 31 décembre 2019 où 30 009 MNA étaient pris en charge par les conseils départementaux. Pour les années 2020 et 2021, il n’y a pas de chiffres « clairs et consolidés » , ce que la Défenseure regrette.
Selon la DREES, en 2019, à peine 16 % des mineurs confiés à l’ASE étaient des mineurs non accompagnés. Au regard de ces chiffres, la Défenseure des droits relativise « le poids de la prise en charge financière de ces enfants sur les dépenses d’aide sociale des départements, d’autant plus lorsqu’on évalue plus finement le coût de leur prise en charge, très inégale selon les départements et selon les dispositifs dans lesquels ils sont accueillis. »
Encore une fois, ces constations concernent uniquement la prise en charge des MNA et non les autres cas comme les enfants placés, les pupilles de l'État, etc. Il est aussi important de rappeler que ces analyses sont antérieures au vote de la loi relative à la protection des enfants que nous avons évoquée cette semaine dans Maire info.
« De nombreuses difficultés »
À partir des observations faites sur le terrain depuis plusieurs années, Claire Hédon atteste dans le rapport qu’un MNA qui arrive sur le territoire devrait être immédiatement admis et recueilli provisoirement dans le dispositif de protection de l’enfance.
De la même manière, ces enfants doivent pouvoir avoir accès à un administrateur ad hoc (AAH) pour le représenter dans toutes les procédures relatives à son entrée sur le territoire, notamment la demande d’asile. L’administrateur ad hoc est désigné par le procureur de la République après avoir été avisé par les services de la police aux frontières de la présence d’un mineur isolé en zone d’attente. Le Défenseur des droits dénonce d’ailleurs, et ce depuis de nombreuses années, les obstacles qui empêchent les mineurs d’avoir accès à la procédure de demande d’asile en France.
L’accès à l’asile est d’ailleurs encore plus complexe lorsque le MNA n’est pas pris en charge dans le dispositif de protection de l’enfance. D’où l’importance, selon la Défenseure des droits, de rappeler que ces jeunes doivent « jouir immédiatement des droits et de la protection s’y rattachant, le cas échéant jusqu’au prononcé d’une décision judiciaire définitive » . Elle rappelle à ce titre la nécessité que leur situation soit examinée dans les meilleurs délais par l’autorité judiciaire saisie. Elle regrette que les examens d’âge osseux ne soient pas proscrits par la loi au regard de l’atteinte à la dignité qu’ils représentent et de leur manque de fiabilité.
Plus d’implication départementale, plus de soutien de l’État
De nombreuses recommandations sont à retrouver dans le rapport à destination des départements qui sont appelés à jouer un rôle encore plus proactif. Il est par exemple recommandé « aux préfectures et aux départements, en lien avec les parquets, d’impulser des dynamiques proactives auprès des associations qui œuvrent dans le domaine des droits de l’enfant (..) pour leur offrir la possibilité de se proposer comme administrateur ad hoc. » Les départements sont aussi encouragés à déployer des dispositifs « adaptés aux mineurs en situation de rue, des maraudes aux centres sécurisés et sécurisants, et de former de manière adaptée les travailleurs sociaux au repérage et à l’accompagnement des mineurs victimes de traite des êtres humains. »
Sur cette question fondamentale d’accès aux droits et à la protection de l’enfance, la Défenseure des droits souligne l’importance du rôle de l’État comme soutien et régisseur. Elle considère que l’État pourrait « participer davantage en mettant notamment à la disposition des départements, des structures ou des bâtiments pouvant accueillir, dans des conditions dignes et adéquates, des jeunes en recueil provisoire d’urgence. »
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