Emmanuel Macron : le renouvelable et le nucléaire, « en même temps »
Par Franck Lemarc
Depuis le mois d’octobre et la parution du rapport Futurs énergétiques 2050 de RTE (lire Maire info du 27 octobre 2021), on attendait les arbitrages de l’Élysée. Le rapport proposait en effet plusieurs scénarios pour l’horizon énergétique du pays, allant de l’abandon total du nucléaire jusqu’à un mix 50/50 nucléaire-énergies renouvelables.
En déplacement à Belfort, hier, Emmanuel Macron a fait connaître ses arbitrages : pas question de passer au « tout-renouvelable », les capacités nucléaires vont, au contraire, être fortement développées.
« L’impasse des stratégies uniques »
Le chef de l’État a rappelé que l’objectif de la politique énergétique de l’État est la « décarbonation », c’est-à-dire le fait de sortir, à plus ou moins long terme, des énergies productrices de CO2 que sont le pétrole, le gaz et le charbon. La stratégie retenue tient donc en trois volets : moins consommer, s’appuyer davantage sur le nucléaire (qui ne produit pas de CO2) et développent « massivement » les énergies renouvelables.
Le premier « grand enjeu » est de « poursuivre le mouvement de diminution des consommations », a expliqué le chef de l’État. La « mutation du parc automobile » pour aller vers le développement des voitures électriques et la rénovation thermique des bâtiments sont les deux axes essentiels de cette stratégie, mais le chef de l’État a également mis l’accent sur la décarbonation des grandes industries (notamment la sidérurgie et les cimenteries) et celle « des travaux publics ».
Mais le grand chantier, « le chantier du siècle », ce sera celui du nucléaire, ou plutôt d’un co-developpement massif du nucléaire et du renouvelable. Emmanuel Macron a clairement rejeté « l’impasse des stratégies uniques » – c’est-à-dire le 100 % renouvelable ou le 100 % nucléaire. « La réalité c’est que nous n’avons d’autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers, c’est le choix le plus cohérent d’un point de vue écologique, le plus opportun d’un point de vue économique et le moins coûteux d’un point de vue financier ».
Accélération sur l’éolien en mer et le solaire, ralentissement sur l’éolien terrestre
Le développement « massif » du renouvelable est une nécessité pour « répondre à nos besoins immédiats », a détaillé le chef de l’État, parce qu’il faut « 15 ans pour construire un réacteur nucléaire ». Le pays « a pris du retard » dans ce domaine, « parce que nous n’avons pas toujours su convaincre et surmonter les réticences ». Le président de la République a également reconnu la complexité administrative de ces dossiers : « Nous avons multiplié les couches réglementaires qui ont retardé ces projets ». « Sept ans de procédures pour un parc éolien, de tels délais ne sont pas supportables ». Emmanuel Macron souhaite donc « lever toutes les barrières réglementaires à partir du moment où les projets sont acceptés localement ». On peut espérer que cette expression de « lever toutes les barrières réglementaires » est un excès de plume.
La « priorité » sera donnée au solaire, avec un objectif de décuplement de la puissance installée, « en veillant à un juste équilibre des installations en toiture et de celles au sol ». L’État va notamment ouvrir un certain nombre de terrains militaires à l’installation de panneaux solaires.
Deuxième pilier : l’éolien en mer. 40 GW devront être en service d’ici 2050, soit « une cinquantaine de parcs ». Le premier parc éolien ouvrira « dès cette année » au large de Saint-Nazaire. « Une planification maritime des zones de développement des parcs » va être engagée, avec « tous les acteurs de la mer, en particulier les pêcheurs ».
Enfin les éoliennes terrestres sont « indispensables ». « Je sais les controverses, les rejets, les réticences », a déclaré le chef de l’État. Mais « il est possible de concilier développement de l’éolien et protection de nos paysages ». Il faut pour cela être « raisonnables » et « étaler dans le temps » les projets : le doublement de la puissance installée ne se fera plus à horizon 2030 mais à horizon 2050. Là encore, la « planification » est mise en avant, « planification territoriale » cette fois pour mieux répartir les projets sur le territoire. Il faut sur ce sujet « faire davantage confiance à nos élus, en particulier les maires », ce qui, a rappelé Emmanuel Macron, a été fait dans le projet de loi 3DS.
« La renaissance du nucléaire français »
L’autre pilier de la stratégie énergétique sera le nucléaire. Après Fukushima, « certains pays ont fait le choix de sortir du nucléaire. La France n’a pas fait ce choix », a poursuivi le chef de l’État mais, devant les doutes, elle a « gelé » ses investissements. Le choix de l’État, aujourd’hui, c’est « la renaissance du nucléaire français ».
Deux « décisions fortes » ont été prises par Emmanuel Macron : la première est de « prolonger tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être ». « Je souhaite qu’aucun réacteur en capacité de produire ne soit fermé à l’avenir », a poursuivi le chef de l’État, qui estime que c’est une réponse à la hausse des prix de l’énergie sur le marché international et de celle des besoins électriques. Il a demandé à EDF d’étudier les possibilités de prolonger la durée de vie des centrales « au-delà de 50 ans ».
Deuxième décision : « Nous allons lancer dès aujourd’hui un programme de construction de centrales nucléaires. » Une nouvelle technologie, EPR2, plus « simple » que l’EPR de Flamenville – qui a pris des années de retard – a été mise au point par EDF. « Je souhaite que 6 EPR2 soient construits, et que nous lancions les études sur la construction de 8 EPR2 additionnels ». Les chantiers préparatoires seront lancés dès les prochaines semaines, avec notamment la décision, après débat public, du lieu d’implantation des 6 premières centrales, qui seront bâties en trois fois, par paires. Le début du chantier est programmé pour 2028 pour une première mise en service en 2035.
Un appel à projets d’un milliard sera également lancé pour faire émerger les « petits réacteurs modulaires » (SMR). Le chef de l’État a fixé l’objectif d’un premier prototype dès 2030.
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