Commande publique : deux décrets changent les règles à la marge
Par Franck Lemarc
Aggravation du déficit de l’État oblige, l’heure est aux économies. Peu avant son départ de Matignon, Michel Barnier appelait les ministères à n’engager aucune dépense nouvelle, et les collectivités sont priées de limiter leurs dépenses. Résultat : de nombreuses entreprises qui dépendent fortement de la commande publique, notamment dans le bâtiment et les travaux publics, craignent pour leur avenir. Les associations d’élus ne cessent de le répéter : imposer une cure d’austérité aux collectivités – qui représentent 70 % de l’investissement public – ferait courir un risque majeur au tissu économique du pays.
Marchés de travaux sans publicité : un an de dérogation en plus
Dans ce contexte, un relatif assouplissement des règles de la commande publique ne peut apparaître que comme un bol d’oxygène pour des entreprises particulièrement peu optimistes sur l’avenir. C’est l’objectif des décrets pris par le gouvernement, fin décembre. On est loin, bien sûr, de la grande réforme de la commande publique voulue par l’ancien ministre Bruno Le Maire, avant la dissolution : les règles ne font que changer à la marge.
Un premier décret est paru au Journal officiel du 29 décembre. Il prolonge d’un an la dérogation au Code de la commande publique dispensant de publicité et de mise en concurrence les marchés de travaux inférieurs à 100 000 euros hors taxe. Rappelons que le droit commun fixe ce seuil à 40 000 euros, depuis 2020. Mais pendant la crise du covid-19, le gouvernement a porté le seuil de dispense à 100 000 euros, dans le but d’aider les petites entreprises de BTP mises à mal par le ralentissement de l’économie. Cette première dérogation valait jusqu’à fin 2022. Fin 2022, du fait des difficultés nées de la crise de l’énergie, le gouvernement publiait un nouveau décret prorogeant la dérogation jusqu’au 31 décembre 2024. Le décret paru ce 29 décembre prolonge à nouveau la dérogation d’un an, jusqu’au 31 décembre 2025.
Il faut noter qu’il s’agit d’une demi-mesure : en effet, en novembre dernier (lire Maire info du 7 novembre), le gouvernement annonçait son intention de pérenniser ce seuil pour les marchés de travaux, c’est-à-dire de le fixer définitivement à 100 000 euros. Cela figurait en toutes lettres dans le projet de décret présenté alors par Bercy. Finalement, le gouvernement reste au milieu du gué en se contentant de prolonger la dérogation d’un an.
20 % de PME
Dans un second décret, publié le 30 décembre, plusieurs « mesures de simplification du droit de la commande publique » sont prises. Pour les « marchés innovants de défense et de sécurité », le seuil de dispense de publicité et de mise en concurrence est relevé – définitivement cette fois – à 300 000 euros HT.
Par ailleurs, ce décret fixe de nouvelles règles importantes pour les collectivités, visant là encore à soutenir les PME. Premièrement, la part que le titulaire d’un marché de travaux (marchés globaux, marchés de partenariat et contrats de concessions) doit confier à des PME ou à des artisans passe de 10 à 20 %.
La deuxième modification concerne le montant maximum de la retenue de garantie. Lorsque le titulaire est une petite ou moyenne entreprise, ce montant passe de 5 à 3 % du montant total du marché. Attention, cette modification ne concerne, toutefois, que les marchés passés par les grandes collectivités ou EPCI (dont le budget de fonctionnement est supérieur à 60 millions d’euros). Pour les autres, le montant maximum reste donc fixé à 5 %.
On ignore, à cette heure, les intentions du nouveau ministre de l’Économie, Éric Lombard, sur ce dossier de la commande publique – et s’il souhaite, comme Bruno Le Maire, engager une réforme d’ampleur. Chaque chose en son temps : la priorité est évidemment, pour l’instant, à l’élaboration et l’adoption d’un budget pour l’année 2025.
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