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Édition du mardi 23 juillet 2024
Social

Le risque de la précarité, de génération en génération

Les personnes ayant vécu dans une situation de précarité à l'adolescence ont davantage de risque d'être pauvres devenues adultes, selon une étude qui confirme le phénomène de reproduction sociale, et l'importance, pour l'éviter, de favoriser mixité et accompagnement scolaire, plaident les associations.

Par Céline Cornu (AFP)

Parmi les anciens adolescents précaires, presque un sur quatre est pauvre adulte, contre environ un sur dix chez les ex-ados non précaires, soit un risque de pauvreté 2,25 fois plus élevé, d’après cette étude de France Stratégie publiée lundi et réalisée sur un échantillon de quelque 5  500 adultes âgés de 30 à 54 ans en 2019.

À environnement familial comparable à l’adolescence (niveau de diplôme des parents, origine migratoire, type de ménage, etc.), le risque de pauvreté reste 1,6 fois plus élevé. Avec un risque encore plus important pour les femmes (1,9 fois par rapport à une adolescente non précaire) que pour les hommes (1,2).

« Effectivement, on a malheureusement au quotidien de nouvelles familles ou d’anciens jeunes qui arrivent, issus de familles qu’on avait aidées par le passé », confirme auprès de l’AFP Jean Stellittano, secrétaire national du Secours populaire français. « La pauvreté entretient la pauvreté, de génération en génération ».

Les adolescents en situation de précarité, selon France Stratégie, subissent au moins deux critères sur les quatre suivants : sentiment de précarité financière, incapacité à partir en vacances, manque quotidien de protéines et manque de matériel scolaire.

Ils vivent dans des environnements moins favorables : mère souvent inactive, ménage monoparental, un parent absent ou décédé, famille nombreuse. Des écarts importants sont aussi liés au fait de ne pas d’avoir de parent diplômé du supérieur, deux parents immigrés ou d’être né à l’étranger.

 « Décrochage » 

La reproduction de la pauvreté s’explique notamment par le parcours éducatif: près d’un ancien adolescent précaire sur quatre n’a obtenu que le brevet ou moins, contre un sur dix pour les autres, et ils sont deux fois moins nombreux à être diplômés du supérieur.

Des études qu’ils peuvent être obligés d’arrêter faute de moyens: « Dans nos antennes étudiantes, on observe des décrochages, parce que les jeunes sont obligés de travailler, pas seulement pour financer leurs études mais aussi pour subvenir aux besoins de la famille », raconte Jean Stellittano. « Et au bout d’un moment, il y a échec scolaire et ils abandonnent ».

Plus de six anciens adolescents précaires sur dix sont aujourd’hui employés ou ouvriers, contre environ quatre sur dix chez les autres. Et nombreux sont ceux qui continuent à vivre dans des types de ménages associés à un risque accru de pauvreté (ménage monoparental, famille nombreuse, etc.) 

Chez les femmes, la probabilité pour les anciennes adolescentes précaires d’être en situation de monoparentalité est ainsi de quelque 40 % supérieure aux autres.

« Autres vies possibles » 

Pour leur 40e campagne cet hiver, les Restos du Coeur, « extrêmement préoccupés par la jeunesse des personnes qu’ils accueillent »  – 50 % ayant moins de 25 ans –, mettront la priorité sur les familles monoparentales et les bébés de moins de trois ans. 

« L’objectif, c’est que ces 126 000 bébés ne soient pas dans 20 ans 126 000 adultes qui viendront aux Restos », explique le porte-parole de l’association, Yves Mérillon. Citant une étude de l’OCDE de 2018, montrant qu’en moyenne, il faut six générations pour que quelqu’un de la classe populaire accède à la classe moyenne, il estime nécessaire de développer l’accompagnement scolaire, comme le font les Restos.

Selon Jean Stellittano, il faut aussi travailler sur la mixité sociale, notamment scolaire, « vraiment mise à mal »  en France avec « les pauvres (qui) restent entre pauvres », les riches entre riches.

Une mixité que le Secours populaire tente de favoriser, avec les vacances qu’elle organise, en soulignant les « effets positifs qu’elle peut avoir sur les jeunes en termes d’ouverture, de culture générale ou en leur permettant de réaliser qu’il y a d’autres vies possibles »  que les « petits boulots »  de leur père, mère ou voisins.

Car selon l’étude de France Stratégie, si près d’un ancien adolescent précaire sur trois a un niveau de vie parmi les 20 % les plus faibles à l’âge adulte, 30 % parviennent au contraire à se situer parmi les 40 % les plus aisés.
 

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