Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 14 avril 2023
Eau et assainissement

Un rapport des inspections générales prône des mesures anti-sécheresse plus radicales que celles du gouvernement

Malgré les pluies de mars et avril, le niveau des nappes phréatiques est très préoccupant. Le gouvernement a choisi ce moment pour publier un rapport fort intéressant sur la gestion de la sécheresse... dont il n'a tenu que peu tenu compte dans son Plan eau. 

Par Franck Lemarc

Le Bureau de recherches géologiques et minières vient de publier sa dernière carte sur la situation des nappes phréatiques, au 1er avril. Et la situation n’est guère réjouissante : les pluies relativement abondantes du mois de mars « ont eu peu d’impact sur le niveau des nappes », qui étaient particulièrement bas en fin d’hiver. 

Pourtant, note le BRGM, le cumul de précipitations en mars « a été excédentaire sur une grande partie du territoire ». Mais pas assez pour recharger suffisamment les nappes phréatiques : « Les pluies ont d’abord permis d’humidifier les sols secs puis ont permis à la végétation de sortir de sa dormance avant de réussir à s’infiltrer en profondeur. »  Résultat : au 1er avril, 75 % des nappes sont « sous les normales mensuelles ». Si la situation est à peu près normale en Bretagne, dans le sud-ouest et le Rhône, les niveaux sont « modérément bas, bas ou très bas »  sur le reste du territoire. Conclusion du BRGM : sauf « événements pluviométriques exceptionnels », la vidange des nappes va se poursuivre dans les mois qui viennent, et  « de nombreux secteurs présentent un risque avéré de sécheresse durant la période estivale ». 

Améliorer l’anticipation

Dans ce contexte, le gouvernement vient de permettre la publication d’un rapport rendu en mars et réalisé par plusieurs administrations centrales, dont les inspections générales de l’environnement et de l’administration. Ce rapport, consacré à la gestion de la sécheresse durant l’été dernier, pointe « des vulnérabilités dans notre système de production et de distribution d’eau potable face au changement climatique ». Le rapport note que l’été dernier, certaines grandes villes « ne sont pas passées loin »  de la rupture d’alimentation – environ 550 petites communes ayant, en revanche, été dans l’incapacité de fournir de l’eau au robinet. 

Le rapport pointe les conséquences de cette sécheresse : mortalité piscicole dans les quelque 1 200 cours d’eau totalement à sec, biodiversité détruite de façon « potentiellement irréversible », baisse importante des rendements agricoles. 

Dans un contexte où la sécheresse en 2023 pourrait s’avérer pire que celle de 2022, la mission fait l’état des lieux de la gestion de crise et propose un certain nombre de recommandations « pour améliorer l’anticipation et la gestion pluriannuelle de ces épisodes de sécheresse, connaître en temps réel les impacts et les réduire, et enfin objectiver les enjeux de partage et prévenir les conflits d’usages de l’eau ». Les rapporteurs insistent sur la nécessité urgente d’un « changement radical dans nos modes de gestion de l’eau »  et de la prise de « mesures structurelles ».  

« Manque de moyens » 

La mission note d’abord « l’insuffisance des moyens »  matériels et surtout humains qui existe dans le domaine de la surveillance et plus généralement de l’ingénierie sur l’eau. Alors que la surveillance est un outil clé de la prévention et de l’anticipation des épisodes de sécheresse. Parmi les premières préconisations, on trouve « le suivi en temps quasi-réel des prélèvements », en rendant obligatoires les compteurs permettant de relever précisément les niveaux d’eau prélevés, et ce pour tous les usages (« eau potable, industriels ou agricoles » ). La mission demande également « la recherche et la régularisation des forages non déclarés », avec « pose obligatoire d’un compteur ». 

La mission insiste sur les lacunes des mesures de restriction telles qu’elles existent aujourd’hui : notamment l’impossibilité de mesurer leur efficacité. Elle propose de développer « une méthode permettant l’évaluation de l’efficacité des mesures de restriction en temps quasi-réel », et de tester cette méthode dans quelques départements dès l’été prochain. Les rapporteurs estiment également que le respect des mesures de restriction est aujourd’hui mal contrôlé, et peu le non-respect peu sanctionné. D’où la proposition « d’élaborer une politique pénale et des mesures de polices administratives et judiciaires adaptées ». 

La mission insiste également sur la nécessité d’engager une politique ambitieuse de « sobriété », avec un objectif de - 10 % de consommation dès 2024 et - 25 % en 2034. Elle demande une accélération de la politique réutilisation des eaux usées traitées, avec la publication « d’une liste positive d’usages autorisés ». 

Enfin – et c’est l’un des points les plus importants pour les communes –, la mission demande que l’État « mobilise l’ensemble des leviers », notamment financiers, pour « encourager la réalisation de diagnostics de vulnérabilité de l’alimentation en eau potable, la conception et la mise en œuvre des investissements nécessaires à la sécurisation de l’approvisionnement ». Notons que la mission va bien plus loin que ce qu’exige la loi Notre, en demandant que le regroupement pour l’exercice de la compétence eau puisse se faire à l’échelle départementale. Sans toutefois prôner d’obligation en la matière. 

Il faut noter que peu des mesures prônées dans ce rapport se retrouvent dans le Plan eau présenté par le gouvernement (lire Maire info du 31 mars), ou alors de façon assez édulcorée. On n’y retrouve en particulier rien sur le renforcement des contrôles en cas de restrictions, et pas grand-chose de concret sur ce qui est un point-clé, pour la mission, à savoir la nécessité d’aider l’agriculture à assurer sa transition vers davantage de sobriété. On notera également que les objectifs de sobriété fixés par le gouvernement (- 10 % en 2030), sont très en-deçà de ce que recommande la mission. De même, on ne trouve guère de trace dans le Plan eau d’un renforcement sérieux des moyens humains des agences de l'État, qui ont été victime de coupes budgétaires sévères et de suppressions de postes par centaines depuis 2017. 

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