Distribution du matériel électoral : graves dysfonctionnements et situation « inacceptable » pour les associations d'élus
Par Franck Lemarc
Le maire de Marsac-en-Livradois (Puy-de-Dôme), Michel Sauvade, membre du comité directeur de l’AMF, n’a pas décoléré depuis la semaine dernière. Samedi, veille du scrutin, il twittait : « Toujours rien dans les boîtes aux lettres. Je le dénoncerai dans le procès-verbal de l’élection. Mépris total des électeurs, des candidats, des communes centralisatrices, de leurs personnels et de leurs élus. » Hier soir, il ironisait, toujours sur twitter, à destination du ministre de l’Intérieur : « Et donc, les résultats électoraux de la commune je les transmets ce soir au bureau centralisateur de la commune voisine par l’intermédiaire d’Adrexo ? » – du nom de la société privée qui a été chargée, après appel d’offres, de distribuer la propagande électorale dans près de la moitié des départements.
Cela faisait plusieurs jours que de nombreux maires s’inquiétaient de cette situation (lire Maire info du 17 juin), au point que le ministre de l’Intérieur avait dû en répondre devant les sénateurs, mercredi dernier, reconnaissant que la société Adrexo avait « particulièrement mal distribué le matériel électoral ».
La situation ne s’arrangeant pas à la veille de l’élection, les trois associations nationales d’élus (AMF, Régions de France et Assemblée des départements de France) ont publié un communiqué samedi après-midi pour dénoncer « une situation inacceptable et qui ne peut qu’alimenter l’abstention ». « Malgré les nombreuses alertes qui sont remontées au comité de suivi des élections mis en place par le ministère de l'Intérieur et les assurances qui ont été apportées, la défaillance du service public national des élections est inacceptable », écrivent les associations, qui poursuivent : « Ce service public, qui reposait naguère sur les préfectures et La Poste a été en grande partie privatisé, mais les prestataires ne semblent pas avoir d'obligation de résultat garantissant que tous les électeurs reçoivent en temps et en heure, peu avant le dimanche du vote, l'ensemble des informations nécessaires ».
« Ça s’est bien passé »
Interpellés par tous les candidats, hier soir sur les plateaux de télévision, les représentants du gouvernement ont cherché à minimiser le problème, expliquant par exemple qu’aux dires d’Adrexo, plus de « 99 % » du matériel électoral était bien arrivé à destination. Marlène Schiappa, sur le plateau de TF1, a par exemple expliqué que seuls « 21 000 électeurs » n’auraient pas reçu la propagande électorale, ce qui semble en contradiction absolue avec les nombreuses remontées de terrain, du Puy-de-Dôme à la Haute-Loire, de l’Orne au Maine-et-Loire.
Si la société Adrexo va bien être convoquée ce matin au ministère de l’Intérieur pour « explications », le ministre de l’Intérieur lui-même, Gérald Darmanin, a adopté la même ligne de défense, ce matin, sur France 2, estimant que « ça s’est bien passé hier », même si la société Adrexo « n’a pas correctement fait son travail ». « On ferait mieux de remercier les maires de France » qui ont « tenu la barre », a lancé Gérald Darmanin. Interrogé sur le fait que les « maires de France », justement, ont protesté par la voix de leur principale association sur ces dysfonctionnements, le ministre de l’Intérieur a répondu, non sans un certain aplomb, à propos du communiqué des associations d’élus : « Je ne partage pas cette attaque contre les fonctionnaires de notre pays ». Le communiqué des associations, que le ministre a certainement lu, est pourtant parfaitement clair : il n’attaque aucunement les « fonctionnaires », mais la société privée qui n’a pas rempli ses obligations et le gouvernement qui a choisi de privatiser cette activité pourtant stratégique.
Craintes sur le second tour
Cette situation a de quoi inquiéter, davantage encore à l’approche du second tour. Car pour le premier, les listes étaient connues depuis plusieurs semaines et le prestataire a eu tout le temps d’acheminer les plis. Pour le second tour, il n’en ira pas de même, puisque les candidats doivent déposer leur liste avant mardi 18 h ce qui, eu égard aux délais d’impression, signifie que la distribution ne commencera pas avant jeudi. Vu ce délai « particulièrement contraint », l’AMF, l’ADF et Régions de France appellent instamment le ministre de l’Intérieur à « se saisir de toute urgence de cette question et à mobiliser des moyens exceptionnels afin de satisfaire aux règles élémentaires de la démocratie ». Le ton employé ce matin par le ministre et l’affirmation selon laquelle tout « s’est bien passé » ne sont pas, pour l’instant, de nature à rassurer les élus.
Hier, plusieurs députés ont dit leur intention de diligenter une enquête parlementaire sur ce sujet, afin de comprendre les raisons de ce qu’ils ont appelé « un scandale démocratique ».
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