Régionales : abstention « abyssale » et prime aux sortants
Par Franck Lemarc
Est-ce la fin du « dégagisme » ? Après plusieurs séquences électorales marquées par une volonté des électeurs de « sortir les sortants », le scrutin d’hier a donné, très clairement, une prime aux sortants. Si le taux d’abstention extrêmement élevé ne permet pas de faire de pronostics sérieux sur le résultat du second tour, la plupart des présidents de région qui se représentent arrivent largement, voire très largement en tête du premier tour.
Abstention : + 33 % en 17 ans
En moins de vingt ans, les chiffres de la participation aux élections régionales se sont inversés. Aux élections de 2004, 66 % des électeurs se sont déplacés ; en 2021, 66 % des électeurs sont restés chez eux – une abstention qualifiée « d’abyssale » par le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal.
Ce chiffre est évidemment la donnée essentielle de ce premier tour. La carte ci-dessous montre que d’un bout à l’autre de la France, à quelques points près, le taux d’abstention a été, partout, impressionnant, à l’exception de la Corse où l’on a plus voté qu’ailleurs (abstention de 43 %). C’est dans le Grand est que l’on a le moins voté, avec un taux d’abstention dépassant les 70 %.
Comme souvent, le taux d’abstention est plus élevé dans les territoires les plus pauvres, même s’il reste élevé y compris dans les communes les plus riches : à Neuilly-sur-Seine, en région parisienne, on s’est abstenu à 62 %, ou encore à 59,5 % au Vésinet ; à Croix, dans le Nord, à 69 %. Mais dans les communes les plus populaires du pays, les taux d’abstention explosent : 76 % à La Courneuve et 81,7 % à Stains, en Seine-Saint-Denis ; presque 80 % à Creil, dans l’Oise ; l’abstention frôle même les 90 % à Vaulx-en-Velin, dans le Rhône (88,34 %) !
Autre élément marquant : la jeunesse s’est totalement désintéressée de ces scrutins, puisque selon les enquêtes des instituts de sondage, près de 8 jeunes sur 10 ne se sont pas déplacés.
Dans ces conditions, il est hasardeux de faire des pronostics sur l’issue du second tour. Quand près de 7 Français sur 10 ne vont pas voter, tout peut arriver au second tour si la mobilisation évolue en une semaine.
Prime aux sortants
Les présidents de région sortants sont les grands vainqueurs de ce premier tour, qu’il s’agisse de Xavier Bertrand (Hauts-de-France), Valérie Pécresse (Île-de-France), Laurent Wauquiez (Aura), Hervé Morin (Normandie) ou Jean Rottner (Grand Est), à droite, ou de Carole Delga (Occitanie), Marie-Guite Dufay (Bourgogne-Franche-Comté), François Bonneau (Centre-Val-de-Loire) ou Alain Rousset (Nouvelle-Aquitaine), à gauche. C’est seulement en région PACA que le président sortant, Renaud Muselier, se retrouve en difficulté, au coude à coude avec le candidat du Rassemblement national, Thierry Mariani. Le résultat du second tour, dans cette dernière région, est rendu d’autant plus hasardeux que la liste écologistes et de gauche conduite par Jean-Laurent Felizia (qui a obtenu presque 17 % des suffrages) a annoncé en fin de soirée qu’elle se maintenait, contre l’avis des états-majors nationaux de ces partis.
Si les résultats du second tour devaient être conformes à ceux du premier, il n’y aurait donc quasiment pas de renversement gauche-droite dans l’exécutif des régions de France. Il reste à savoir si l’appel à la mobilisation lancé, en particulier, par le Rassemblement national, aura de l’effet dimanche prochain.
Le Rassemblement national très en dessous des prévisions, camouflet pour la majorité
La surprise de ce premier tour vient du Rassemblement national, à qui les sondages promettaient d’être en tête dans 6 régions sur 13. Au final, le parti de Marine Le Pen n’emporte le premier tour que dans une seule région (PACA), et d’une courte tête. Il n’est en position de se maintenir au second tour que dans huit régions. L’enjeu de la semaine à venir est donc crucial pour le parti d’extrême droite, dont les responsables ont multiplié, depuis hier soir, les appels à la « mobilisation », estimant que leur réservoir de voix est suffisant pour changer la donne dimanche prochain. Reste que c’est une première depuis plusieurs années : l’électorat Rassemblement national est lui aussi touché par la vague abstentionniste, ce qui peut signifier que ce parti est maintenant, lui aussi, assimilé par une partie de l’électorat au « système » qu’il dit combattre.
Coup dur aussi pour la majorité présidentielle, qui réalise des scores extrêmement faibles, y compris là où elle avait jeté des ministres dans la bataille. Le plus dur camouflet lui a été infligé dans les Hauts-de-France, où la liste conduite par Laurent Pietraszewski, avec 9,14 % des suffrages, n’est pas qualifiée pour le second tour. En Île-de-France, la « surprise de juin » espérée pendant la campagne par Marlène Schiappa, ministre candidate, n’a pas eu lieu : le député Laurent Saint-Martin ne recueille que 11,76 % des voix. Petite humiliation supplémentaire pour La République en marche : les ministres qui ont obtenu les scores les moins mauvais ne sont pas issus de ses rangs, mais de ceux du MoDem, comme Marc Fesneau en Centre-Val-de-Loire (16,65 %).
Notons enfin que la dynamique du vote écologiste, constatée aux européennes de 2019 et, dans une moindre mesure, aux municipales de 2020, ne s’est pas réellement confirmée lors de ce scrutin : à part en Île-de-France, où la liste de Julien Bayou a devancé d’une courte tête celle du PS et celle de la France insoumise et du Parti communiste, les écologistes ne seront pas, ailleurs, en mesure de mener des listes d’union de la gauche.
Le ministère de l’Intérieur devrait publier en milieu de journée les résultats consolidés globaux des élections départementales et régionales. Maire info reviendra demain plus en détail sur ces résultats.
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