Équipements sportifs : pourquoi le guide du ministère sur la reprise des activités est « inapplicable », selon l'AMF
Très encadrée ces deux derniers mois, la pratique sportive est, depuis le 11 mai, de nouveau autorisée « de manière individuelle et en extérieur » sans limite de temps. Les équipements sportifs de plein air peuvent être rouverts. Fermés, pour l’essentiel, « au moins jusqu’au 2 juin » en revanche, les équipements sportifs couverts (salles à usage multiple, salles de danse, salles de remise en forme, piscines) rouvriront, quant à eux, si le « couple maire-préfet » en était d’accord mais dans certaines limites.
Une instruction, publiée ce matin et en téléchargement ci-dessous, rappelle, en effet, quelles sont les lignes rouges. « La pratique du sport dans les lieux couverts n’est pas autorisée sauf pour certaines activités à caractère scolaire ou périscolaire » et les sports collectifs ou de contacts sont à bannir « jusqu’à nouvel ordre ». De leur côté, les plages, lacs et plans d’eau font, pour leur part, « l’objet d’une ouverture sur proposition des maires et sur approbation des préfets ».
« De nombreuses recommandations » du ministère contraires à celles du Conseil scientifique
Quelques jours plus tôt, le 15 mai, et avec, entre autres, l'Association nationale des élus en charge du sport (Andes) et celle des directeurs et intervenants d’installations et des services des sports (Andiiss) - aucune association nationale représentative des collectivités n'a été associée -, le ministère des Sports a dévoilé un guide comprenant ses recommandations aux exploitants « pour permettre un fonctionnement optimisé des espaces, compte tenu de la permanence du risque sanitaire sur le territoire », entre le 11 mai et le 2 juin (première période du déconfinement progressif). Un guide « inapplicable », dixit l’AMF, pour qui « de nombreuses recommandations contenues (y) sont en contradiction avec les avis du Haut Conseil scientifique et du Haut Conseil à la santé publique », comme par exemple, l’utilisation du gel hydroalcoolique alors qu’il est « fortement déconseillé pour les enfants » ou « l’interdiction d’utiliser des sèche-cheveux et sèche-mains ».
Modalités de décision de réouverture des équipements imprécises
On apprend, dans ce guide, qu’un « délai de 10 jours ouvrables pourrait être nécessaire entre la décision et la date d’ouverture au public » pour les locaux et équipements sportifs couverts. Afin de « s’assurer du bon fonctionnement des installations », « de la formation des personnels sur les nouvelles procédures d’organisation », « de la mise en application des protocoles de désinfection des espaces » ou encore, pour les piscines, « de la vidange annuelle si nécessaire » et de la « qualité de l’air et de l’eau ».
Or, selon l’AMF, les modalités de décision de réouverture des équipements sportifs mériteraient encore d’être précisées. Préalablement à toute réouverture, on sait simplement qu’un protocole écrit « type », validé par le maire et le préfet, sera à établir par chaque exploitant.
Pas de consensus sur le protocole de nettoyage et de désinfection
« Pour les piscines collectives, ce protocole sera à faire valider par le préfet et par arrêté municipal ou l’autorisation d’ouverture par l’autorité territoriale, afin de permettre à la collectivité d’exercer les pouvoirs de police et disposer des moyens de le faire respecter (exclusions, amendes, poursuites) », précise le ministère qui recommande également « l’affichage public » d’un autre protocole, celui de nettoyage / désinfection des équipements concernés.
L’AMF juge sévèrement, au sujet de la fréquence des nettoyages et des désinfections, les recommandations du ministère : elles sont au choix « imprécises, difficiles à mettre en œuvre et inutilement coûteuses ». Selon l'association d'élus, « des consignes de désinfection et de nettoyage des locaux basées sur les mêmes règles que pour les écoles et les crèches auraient permis d’éviter le surcoût lié aux normes Afnor et auraient facilité leur mise en œuvre pour les gestionnaires d’équipements, au lieu de se voir imposer des consignes de nettoyage et de désinfection différentes selon les établissements. »
Matériel de protection, formation des personnels… le ministère et l’AMF en décalage
Commentaire similaire en ce qui concerne le matériel de protection à fournir aux personnels des équipements sportifs, « responsables » de l’application de ces protocoles (notamment le respect des règles d’hygiène et de distanciation). Pour l’AMF, ce matériel est « très lourd » : « il ne correspond pas à l’état d’esprit général des recommandations sanitaires élaborées par le gouvernement », regrette l'association d'élus, dont l’appréciation est également en décalage avec le ministère au sujet de la formation des personnels. « Une formation spécifique à l’usage des équipements de protections leur est assurée par leur employeur avant la première ouverture au public », recommande le ministère quand « une seule réunion d’équipe pour organiser la réouverture et diffuser les consignes sanitaires pourrait suffire », commente l'AMF.
Un traçage des usagers injustifié ?
Les usagers, de leur côté, pourront être tracés à leur arrivée dans un équipement sportif, indique le ministère. Dans les faits, « le gestionnaire du site ou de l’équipement pourra inscrire dans son règlement intérieur spécial covid des procédures de vérifications et de contrôle des usagers (qui suivront les prescriptions de la Cnil) par ses représentants, présents lors des séances ». Ainsi, « toute entrée pourra être nominative, pour cela le gestionnaire sera amené à développer les outils numériques et digitalisés : réservation des créneaux, achats d’entrée unitaire, rechargement de carte d’abonnement en ligne. Ou plus simplement enregistrement sous forme déclarative par un agent des usagers sur un document papier ou numérique ». Là encore, l’AMF y voit une mesure injustifiée.
Vers un accueil différencié des publics dans les piscines ?
S’agissant particulièrement des piscines, le ministère propose qu’une dizaine d’équipements de métropole et d’outre-mer soient retenue pour des phases de test. « Les horaires pourront être fractionnés, segmentés, séquencés dans la journée pour permettre l’accueil de publics différenciés et intercalés de phases de désinfection plus poussées. Une journée de fermeture, voire une demi-journée, peut être planifiée pour permettre des interventions de nettoyages et désinfections en profondeur, en fonction des moyens mobilisables par l’exploitant », écrit le ministère. Qui fixe la fréquentation maximum à une personne pour 4 m² de surface ouverte au public, pelouses, plage (les surfaces à prendre en compte sont celles accessible au public hors hall, vestiaires douches et sanitaire). À ce sujet, les élus de l’AMF soulignent que la réouverture des piscines, sans que le grand public puisse y accéder, sera compliquée, notamment en cas de période caniculaire.
À l’accueil, dans les bassins (pas de regroupements ou de discussions de plus de deux personnes sur les plages autour des bassins), partout la distanciation physique devra être respectée. Une distanciation, qui s’imposerait même, selon le ministère, entre une victime inconsciente et un sauveteur. « Face à une victime inconsciente, le sauveteur secouriste recherche des signes de respiration en regardant si le ventre et/ou la poitrine de la personne se soulèvent. Il ne place pas sa joue et son oreille près de la bouche et du nez de la victime ». Une recommandation « inadaptée », selon l’AMF.
Précisons enfin que l’Agence nationale du sport mène actuellement une enquête afin de mesurer l’impact de la crise sanitaire sur la pratique du sport pour tous et sur les équipements sportifs. Les maires sont invités à répondre à un questionnaire en ligne (accessible ici), avant le vendredi 29 mai.
Ludovic Galtier
Télécharger le guide du ministère des Sports.
Télécharger l'instruction.
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