Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 19 mai 2020
Décentralisation

Décentralisation : le projet de loi « 3D » refait surface

Le projet de loi « 3D »  (décentralisation, différenciation, déconcentration), que d’aucuns considéraient tombé dans les oubliettes, revient dans l’actualité. Auditionnés conjointement, le 18 mai, par la Commission du développement durable et la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, les ministres Jacqueline Gourault et Sébastien Lecornu ont évoqué ce texte sans préciser cependant son contenu ni son calendrier. « Je ne peux pas vous donner de date car je n’en avais pas non plus avant le confinement, mais la crise a montré que les thématiques de ce texte sont d’actualité », a souligné la ministre de la Cohésion des territoires et des Relations avec les collectivités. Quelques heures plus tôt, le président de l’AMF, François Baroin, avait plaidé sur Europe 1 pour une « grande politique »  de décentralisation. « La santé est un sujet. Il faut en confier une bonne partie de la gouvernance (aux collectivités), conserver une ligne nationale de protection contre les épidémies et une adaptabilité, une territorialisation (...) On peut avoir le même raisonnement pour le logement, pour la culture, le sport  », estime François Baroin. Devant les députés, Jacqueline Gourault a admis que « les conseils départementaux doivent voir leur compétence élargie dans le domaine de la santé, par exemple dans le domaine de la médecine scolaire »  et annoncé que le ministre de la santé doit « lancer prochainement un '"Ségur de la santé" pour aborder ces sujets »  (le terme de « Grenelle », un peu trop utilisé ces derniers temps, laissant donc la place à « Ségur », du nom de l'avenue parisienne où se situe le ministère de la Santé). La ministre a « constaté que la compétence environnement est assez partagée entre les niveaux de collectivités. La loi 3D devra mieux préciser les choses dans ce domaine ». Elle souhaite définir avec les élus « le bon niveau de subsidiarité. Il faut aussi que les collectivités apprennent à travailler horizontalement, par délégation. Nous devons retravailler ces sujets ». Le ministre chargé des Collectivités a pour sa part souligné que ce futur texte devra permettre de répondre à une question : « Comment concilier libertés locales et égalité républicaine ? ». Une certitude, le projet de loi ne devrait pas revenir sur la répartition des compétences fixée par la loi Notre dans le domaine économique : « La loi Notre s’applique, un conseil départemental ne peut pas verser directement une subvention à une entreprise ou à un commerce, a-t-il rappelé. On y perdrait en lisibilité pour les chefs d’entreprises. Les départements qui l’ont fait ont reçu une lettre d’observation du préfet, qui ne défère pas leur décision mais leur rappelle la loi ». 

Le plan petite ville présenté « avant l’été » 
Les deux ministres ont abordé par ailleurs les sujets relatifs à l’aménagement du territoire et aux finances locales. Sur le premier thème, Jacqueline Gourault a souligné que « la différenciation est un moyen de lutter contre les inégalités territoriales »  en indiquant que les futurs contrats de plan Etat-régions « vont faire partie du plan de relance économique et devront être adaptés aux caractéristiques locales », en croisant « les priorités de l’Etat et celles des collectivités ». « Les préfets ont reçu des pré-mandats pour dialoguer avec les élus. Le Premier ministre a donné son accord pour que des projets prêts à être lancés soient inscrits en priorité dans cette contractualisation ». La relance économique s’appuiera aussi sur les « 144 territoires d’industrie »  et sur « la mise en œuvre du plan Action cœur de ville doté de 5 milliards d’euros. Nous avons engagé 1,3 milliard d’euros, il y a donc encore de la réserve ! », a indiqué la ministre. L’Etat lancera le « plan petite ville avant l’été », a-t-elle affirmé. Elle souhaite également « la finalisation du déploiement de la fibre optique dans les vingt départements en retard ». « Il faut aussi reprendre les contrats de ruralité »  et « redéployer les zones de revitalisation rurale »  (ZRR), a-elle estimé sans plus de précision alors que l’Etat doit annoncer un nouveau zonage en la matière (lire Maire info du 9 décembre 2019).

Finances : des réponses à court et à moyen terme
Sur le volet financier, Sébastien Lecornu s’est refusé à chiffrer l’impact de la crise sur les finances locales, renvoyant aux travaux de la mission confiée par le gouvernement à Jean-René Cazeneuve qui doit présenter ses premières conclusions et propositions fin mai. Le ministre a affirmé qu’« aucune collectivité n’est en panne actuellement »  sur le plan financier, l’Etat procédant à des avances de dotation et de fiscalité le cas échéant (ce qui n'est, en réalité, pas toujours le cas, lire article-ci-dessous). « Le vrai sujet, ce sont les pertes notamment sur les impôts de production en 2021 », a-t-il souligné. A court terme, l’Etat devrait répondre « aux urgences »  dans le cadre d’un troisième projet de loi de finances rectificative pour les collectivités qui ont des pertes de recettes immédiates (communes touristiques, celles abritant un casino, communes de plus de 5 000 habitants perdant des DMTO…). Les solutions « de moyen terme »  devraient figurer dans le projet de loi de finances pour 2021, notamment pour pallier la baisse des recettes de fiscalité économiques et celle des DMTO des départements « que nous ne laisserons pas tomber », a-t-il assuré. S’agissant des dépenses engagées par les collectivités pour faire face à l’épidémie, Sébastien Lecornu a indiqué qu’une instruction comptable permettra d’affecter ces dépenses sur un compte dédié, « ce qui permettra de les lisser sur plusieurs exercices ».

Xavier Brivet

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