Vaccination : pourquoi trois régions doivent arrêter la primo-vaccination
Cela a commencé, hier, avec un mail du directeur général de l’Assistance publique Hôpitaux de Paris, rapidement diffusé sur Twitter : « La semaine prochaine, à compter de mardi, nous ne pourrons plus pratiquer (…) dans tous les établissements de santé de la région Île-de-France, que des deuxièmes injections, pour les professionnels comme pour les patients. » L’ARS francilienne a confirmé l’information : à partir du 2 février, aucune primo-vaccination ne sera plus effectuée « compte tenu de la situation extrêmement tendue sur les doses de vaccin ». Après l’Île-de-France, les ARS de Bourgogne-Franche-Comté et des Hauts-de-France ont pris la même décision.
Annulations des rendez-vous
Conséquence : en Île-de-France par exemple, l’ARS se voit obligée de demander l’annulation, ou plutôt le « report » de quelque 20 000 rendez-vous pris pour administrer des premières doses. Tout en assurant que ces rendez-vous ne seront décalés que d’une quinzaine de jours. En Bourgogne-Franche-Comté, l’ARS indique également que « certains rendez-vous », sans les chiffrer, seront décalés de « quelques jours à quelques semaines ». Dans les Hauts-de-France, « l’ensemble des rendez-vous de primo-vaccination prévus jusqu'au mardi 2 février inclus seront déprogrammés et immédiatement reprogrammés à partir de la première semaine de mars. »
L’explication est simple : les livraisons de vaccins, à l’échelle nationale, sont inférieures aux prévisions, et il devient urgent de procéder au rappel (deuxième injection) pour toutes les personnes ayant été vaccinées depuis début janvier. En effet, la deuxième injection doit avoir lieu au maximum 28 jours après la première, faute de quoi le vaccin pourrait perdre de son efficacité. S’il n’y a pas assez de doses pour, à la fois, maintenir le rythme de la primo-vaccination et procéder à toutes les secondes injections, ce sont donc logiquement les primo-injections qui sont sacrifiées.
Cette situation commence à se voir clairement dans les données sur les prises de rendez-vous que le gouvernement a ouvertes cette semaine. Le très net coup de frein sur les prises de premier rendez-vous est évident, alors même que les dernières données mises à jour datent du 25 janvier – avant les annonces d’hier, donc. Pour ne prendre que l’exemple de la région Bourgogne-Franche-Comté (voir graphique ci-dessous), alors plus de 23 000 rendez-vous pour une primo-vaccination avaient été pris la semaine du 18 janvier, il n’y en a plus que 249 pour la semaine du 22 février, contre presque 20 000 deuxièmes rendez-vous.
Objectifs impossibles à tenir
Conséquence : les objectifs attendus par le gouvernement ne pourront être atteints, et le rythme de la vaccination, qui était censé accélérer de mois en mois, va en réalité ralentir : alors qu’environ 1,5 million de personnes auront reçu une première injection sur l’ensemble du mois de janvier, ce chiffre pourrait tomber sous le million pour le mois de février. Et le gouvernement, qui espérait pouvoir élargir la vaccination aux personnes âgées de 65 à 74 ans dès le mois de février, ne pourra probablement pas tenir ce calendrier. Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau et président de la Fédération française hospitalière, estimait ce matin sur Public Sénat que cette nouvelle étape ne pourrait sans doute pas démarrer avant « fin mars », « sauf à croire qu’une pluie de vaccins va tomber sur la France, ce qui est peu probable ».
Les chiffres quotidiens de vaccination montrent d’ailleurs ce relatif ralentissement dans l’administration des doses : alors que, pendant la semaine du 18 janvier, un pic a été atteint, avec un record de presque 139 000 vaccinations le 21 janvier, les chiffres sont retombés sous les 100 000 vaccinations par jour depuis.
Selon des informations données hier à l’AMF par le ministère de la Santé, ce sont 2,43 millions de doses (Pfizer et Moderna) qui ont été livrées à la France à ce jour.
Retards cumulés
Les retards que connaît la campagne ont une cause bien identifiée : les difficultés d’approvisionnement rencontrées par Pfizer d’abord, mais également maintenant par Moderna. La semaine du 18 janvier, le géant pharmaceutique a livré 140 000 doses de moins que prévu, avant, semble-t-il, de reprendre les livraisons normales cette semaine (autour de 500 000 doses par semaine). Mais c’est maintenant au tour de Moderna, a confirmé hier le ministère de la Santé, de revoir ses estimations à la baisse : l’industriel va réduire d’un quart le nombre de doses livrées en février.
La situation devrait s’améliorer avec l’autorisation de mise sur le marché espérée pour aujourd’hui du vaccin d’AstraZeneca. Si des discussions sont encore en cours sur les conditions d’administration de ce vaccin (il y a encore des débats sur son efficacité pour les plus de 65 ans), le ministère a indiqué à l’AMF hier que plus de 700 000 doses devraient être livrées la semaine du 8 février et 1,8 million la semaine du 22 février, ce qui constituera évidemment une bouffée d’oxygène pour les centres de vaccination. Normalement, une réunion du comité technique vaccination de la Haute autorité de santé aura lieu lundi prochain, qui devrait aboutir à la publication d’un décret autorisant l’utilisation de ce vaccin en France.
Une autre bonne nouvelle : une première étude à grande échelle dans un pays qui a largement vacciné – Israël – indique que le vaccin PfizerBioNtech est efficace « à 92 % » : sur les 163 000 personnes vaccinées faisant l’objet de l’étude, seules 31 ont contracté le virus. Dans un groupe de 163 000 autres personnes qui, elles, n’ont pas été vaccinées, 6 437 ont contracté le virus pendant la même période.
Autre nouvelle rassurante : selon les dernières données publiées par l’industriel, le vaccin de Pfizer serait efficace contre les nouveaux variants du covid-19 – tout comme, apparemment, celui de Moderna.
Franck Lemarc
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