Proposition de loi contre le frelon asiatique : les sénateurs veulent que le rôle du maire soit reconnu
Par Lucile Bonnin
Déposée en février dernier par le sénateur de Lot-et-Garonne Michel Masset, la proposition de loi visant à endiguer la prolifération du frelon asiatique et à préserver la filière apicole a été approuvée à l’unanimité par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable au début du mois d’avril (lire Maire info du 5 avril).
Quelques jours plus tard, il est discuté au Sénat et est enrichi de 9 amendements. En séance, le sénateur de la Mayenne, Guillaume Chevrollier, a rappelé que la prolifération de ce frelon asiatique à pattes jaunes « nous oblige à faire face à trois enjeux majeurs : un problème sanitaire pour les apiculteurs ; la protection de la biodiversité face aux espèces exotiques envahissantes ; la protection de la population face aux attaques de frelons » . C'est le but de l'instauration d'un plan national de lutte porté par ce texte.
Et pour « apporter des réponses locales cohérentes et coordonnées » , la proposition de loi vise à instaurer une organisation efficiente dans les territoires et de redonner à l’État un rôle de chef d’orchestre dans la mise en œuvre d’actions de lutte.
L'État responsable de l'élaboration de la stratégie nationale
« L'État n'a pas pris les mesures nécessaires pour résister à sa progression de 78 km par an » , a déclaré en séance Jean-Yves Roux, rapporteur de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable. Ainsi, les sénateurs proposent « un plan de lutte décliné en plans départementaux, avec des financements mutualisés de l'État, des collectivités et de la filière ».
Un amendement adopté en séance au Sénat vise à « assurer le caractère multipartite du financement (État, collectivités et acteurs concernés) du plan de lutte contre le frelon asiatique ». Le but : allouer de façon coordonnée des financements qui aujourd'hui sont versés en ordre dispersé, sans acteur pour veiller à leur mise en cohérence.
Un autre amendement, relatif au pilotage du plan de lutte, a été voté par les sénateurs. Il précise que le plan de lutte doit être établi par les ministres chargés de l'agriculture et de l'environnement. L’État serait alors « responsable de l'élaboration de la stratégie nationale à la désignation des deux ministres nommément désignés, pour une meilleure imputabilité et répartition des rôles ».
Déclarer les nids directement auprès de la commune
« Le préfet de département nous semble la personne la plus à même d'agir. Le rôle des maires, dans la proximité, doit aussi être reconnu » , a déclaré Nicole Bonnefoy, sénatrice de la Charente. En effet, le texte élaboré par la commission prévoit une obligation, pour tout propriétaire, de déclarer la présence de nids de frelons asiatiques à la préfecture du département. Leur destruction serait prise en charge par la préfecture qui « détermine s’il y a lieu de faire procéder à la destruction du nid au regard du danger qu’il représente pour la santé publique et du cycle biologique de l’espèce ».
Un sous-amendement déposé par la sénatrice de la Charente et adopté par les sénateurs a précisé que ce signalement peut être établi par l’intermédiaire du maire de la commune où est situé le nid de frelons asiatiques à pattes jaunes ou d’un membre du conseil municipal désigné par lui. Comme l’explique Nicole Bonnefoy, cette disposition « tend à reconnaître le rôle du maire et des élus communaux dans le dispositif de lutte contre le frelon asiatique. Comme nous le savons tous, les maires sont bien souvent aux avant-postes de la lutte contre cette espèce invasive et représentent les interlocuteurs de proximité privilégiés des habitants. Aussi connaissent-ils bien le sujet, d’autant que de nombreuses communes participent déjà aux frais de destruction et à la prévention. »
Il semblait en effet relativement plus complexe d’imposer aux particuliers de signaler un nid de frelons seulement auprès du département qu’auprès des maires qui sont « les interlocuteurs privilégiés de nos concitoyens ». Les deux sont désormais possibles. Le maire devra donc, s’il est sollicité par un citoyen, se charger de « transmettre la déclaration au préfet de département afin de procéder, le cas échéant, à la destruction du nid ».
Les collectivités déjà au fait
Lors des débats, les sénateurs n’ont pas manqué de rappeler que si désorganisation il existe, les collectivités n’ont pas attendu l’État pour agir contre la prolifération du frelon. C’est ce qu’a fait notamment Guillaume Chevrollier, qui a souligné que « certaines collectivités territoriales sont déjà engagées sur ces questions » prenant l’exemple de la région des Pays-de-la-Loire, « où une organisation est en place grâce à un maillage associatif efficace. Je pense aussi au réseau Polleniz, un organisme à vocation sanitaire, qui guide efficacement les particuliers et les entreprises vers des professionnels de l’éradication du frelon ».
Le sénateur de la Mayenne a cependant indiqué être « inquiet quant au risque de sur-administration (…) qui perturberait une organisation efficiente dans un certain nombre de départements » . Un amendement a alors été présenté pour « permettre aux organisations à vocation sanitaire de poursuivre le travail efficace qu’ils réalisent en se faisant le relais des préfectures » . La proposition n’a pas été votée par les sénateurs.
Le Sénat a enfin adopté un amendement qui « vise à ce que les procédures de signalement et de destruction des nids de frelons asiatiques soient déterminées à l’échelle de chaque plan départemental, plutôt que de manière homogène au plan national, comme le prévoyait initialement la proposition de loi, résume Jean-Yves Roux, rapporteur du texte. Cette solution présente l’avantage de la souplesse, en laissant aux acteurs le soin de déterminer les procédures adéquates pour lutter contre les frelons asiatiques en fonction des réalités territoriales et des pressions de prédation qui ont été constatées ».
Le gouvernement semble également vouloir prendre le chemin de la simplicité : « Nous voulons éviter toute sur-règlementation, a indiqué le secrétaire d'État auprès du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, chargé de la Mer et de la Biodiversité. Il importe de laisser les acteurs locaux s’organiser et agir le plus rapidement possible. Ce n’est pas la même chose selon que vous vivez dans une métropole ou dans un territoire rural comme le mien, où les intercommunalités ont un rôle plus important à jouer ».
Après ce vote à l’unanimité au Sénat, le texte devra être discuté à l’Assemblée nationale.
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