Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 13 septembre 2023
Éducation

AESH : la question de la prise en charge pendant le temps périscolaire de nouveau en débat

La question de la prise en charge des AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) pendant les temps périscolaires reste, à ce jour, une pomme de discorde entre l'État et les collectivités territoriales. Une nouvelle proposition de loi a été déposée en juillet sur ce sujet, et le ministère de l'Éducation nationale, interpellé par un sénateur, vient de donner quelques précisions sur la gestion de cette question dans l'enseignement privé. 

Par Franck Lemarc

Depuis 18 années que la loi pour l’égalité des chances est entrée en vigueur, la question de la prise en charge des AESH sur les temps périscolaires se pose. Cette loi, qui a consacré le passage de l’obligation éducative à l’obligation scolaire pour les personnes handicapées, avait mis à la charge de l’État les moyens (financiers et humains) nécessaires pour scolariser les élèves handicapés en milieu ordinaire. Mais une nouvelle décision du Conseil d’État, le 20 novembre 2020, a bouleversé la donne, en affirmant définitivement que si la prise en charge des AESH est bien à la charge de l’État (c’est-à-dire de l’Éducation nationale) pendant le temps scolaire, il n’en va pas de même pendant les temps périscolaires (pause méridienne et activités périscolaires après l’école) : « il revient à la collectivité territoriale d’assurer la charge financière »  des AESH pendant ces temps, a tranché le Conseil d’État.  

Conventionnements 

Cette décision conduit à mettre en place des dispositifs particulièrement compliqués. En effet, pour des raisons pédagogiques évidentes, il est préférable que ce soit le même AESH qui accompagne l’enfant pendant les heures de cours et pendant les temps périscolaires. Il faut donc mettre en place des conventions entre l’État et les collectivités pour « mettre à disposition »  les AESH employés par l’Éducation nationale, pendant la pause méridienne par exemple, les collectivités étant obligées de les payer elles-mêmes pendant ce laps de temps. 

Dans une note envoyée aux recteurs d’académies en janvier dernier, le cabinet du ministre de l’Éducation nationale rappelait que si plusieurs options existent, il convient de privilégier cette mise à disposition des AESH aux collectivités, par conventionnement. Et d’éviter, autant que faire se peut, que l’AESH « contracte séparément avec la collectivité ». Cette solution est légale, et les collectivités peuvent y avoir recours si elles le souhaitent, mais le ministère ne le conseille pas : il est préférable que l’AESH soit « mis à disposition de la collectivité contre remboursement, pour un volume horaire forfaitaire », ce qui permet notamment aux AESH de n’avoir qu’un seul contrat de travail et une seule fiche de paye. Dans ce cas, l’État verse lui-même la part de salaire correspondant aux temps périscolaires, mais se les fait rembourser par les collectivités. 

Ces dispositions sont non seulement lourdes à mettre en œuvre mais, surtout, comme l’ont relevé récemment des membres de la commission éducation du Sénat, elles contreviennent totalement à l’esprit de la loi de 2005, dont l’objet était justement de faire reposer sur l’État la charge financière et humaine de l’inclusion scolaire. 

C’est la raison pour laquelle l’AMF demande de façon constante, depuis la décision du Conseil d’État de 2020, que l’État prenne directement en charge les AESH pendant les temps périscolaires. Cette demande est reprise dans une proposition de loi déposée en juillet dernier par les sénateurs centristes et LR : ce texte propose de modifier le Code de l’éducation en y inscrivant noir sur blanc que « les accompagnants des élèves en situation de handicap sont rémunérés par l’État sur le temps scolaire et sur le temps de pause méridienne ». 

Dans l’enseignement privé

Si cette question est déjà compliquée dans l’enseignement public, elle l’est encore plus dans l’enseignement privé sous contrat. En effet, dans ces établissements, la seule solution pour financer les AESH pendant le temps périscolaire est souvent de faire payer les familles. 

Le sénateur LR du Finistère Philippe Paul, co-signataire de la proposition de loi évoquée plus haut, a interpellé le ministre de l’Éducation nationale, en juillet, sur ce sujet, pour lui demander si des instructions complémentaires avaient été arrêtées en la matière pour l’enseignement privé. 

Gabriel Attal lui a répondu le 8 septembre dernier. Le ministre rappelle que dans l’enseignement privé sous contrat, il revient en effet aux familles de couvrir « les activités dépassant le champ du contrat d’association, dont les temps de restauration et périscolaire font partie ». Mais il est en revanche possible, rappelle le ministre, que les collectivités territoriales « qui le souhaitent »  prennent en charge les AESH dans ces établissements, « selon les mêmes modalités que dans l’enseignement public ». 

C’est en effet le cas, mais il faut insister sur le caractère totalement facultatif de cette décision, qui relève entièrement du libre choix de la commune.

L’AMF, sur ce sujet, est d’ailleurs opposée à toute modification du cadre légal qui ne prévoit aucune obligation de financement par les communes des dépenses périscolaires des écoles privées sous contrat. Or, le 17 mai dernier, le ministère de l’Éducation nationale et le secrétaire général de l’enseignement catholique (SGEC) ont signé un « Protocole d’accord sur la mixité », dans lequel l’État s’engage non seulement à « sensibiliser les collectivités territoriales pour ouvrir aux élèves des établissements d'enseignement privé les mesures sociales dont bénéficient les élèves des établissements publics »  ; mais même à « travailler avec les ministères concernés et les préfets sur les obligations légales et réglementaires des collectivités et des EPCI à l'égard des établissements privés sous contrat ». 

Tout récemment, le premier vice-président délégué de l’AMF, André Laignel, a rencontré le SGEC, et lui a rappelé à cette occasion que cet accord – conclu sans que les associations d’élus y soient associées – n’est en aucun cas opposable aux maires. Il s’agit de déclarations d’intentions rédigées sous forme de protocole, qui n’engagent que leurs signataires (État et enseignement catholique) et ne sauraient s’opposer au principe de libre administration des collectivités locales. 

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