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Recul du trait de côte : aménager pour s'adapter, mais à quel prix ? 



Pris entre deux eaux – la mer et le ZAN –, les élus littoraux n’ont pas attendu l’État pour se préoccuper de leurs côtes. L’AMF non plus, avec son groupe de travail Littoral coprésidé par Dominique Cap, maire de Plougastel-Daoulas (29) et Yannick Moreau, maire des Sables d’Olonne (85), président de l’Association nationale des élus du littoral (Anel), tous deux présents ce 20 novembre, lors du forum dédié au 106e Congrès des maires. 

Au même moment, les deux associations d’élus lançaient un appel solennel « pour alerter sur l’urgence absolue de mettre en place un financement dédié à la gestion de la bande côtière » et exhorter l’État à assumer ses responsabilités. Car « sans une prise en charge nationale forte et pérenne, les communes littorales se verront bientôt incapables d’assurer la sécurité de leurs habitants et de préserver leurs infrastructures essentielles. ». 

Pour mémoire, la loi Climat et résilience de 2021 a transféré la charge du recul du trait de côte aux communes, tenues d’établir une cartographie des zones exposées et de se projeter aux horizons 30 et 100 ans. Mais à l’heure du budget 2025, la question du financement n’est pas tranchée. Comment alors réaménager les zones concernées, en conservant leur attractivité ? Qui doit payer les conséquences de ce phénomène mondial ? 

Coût de l’inaction

20 % des côtes françaises en recul, 500 communes et 16 000 ouvrages de protection concernés : les chiffres rappelés par Sébastien Dupray, directeur « Risques, eaux, maritime » au Cerema, donnent le tournis. Accessibles sur Géolittoral, les travaux du Cerema sur l’évaluation des enjeux exposés au recul du trait de côte ont permis d’établir des scenarii, selon le degré d’action à trois échéances : 2028, 2050 et 2100. 

« En 2100, si rien n’est fait, 450 000 logements, 55 000 locaux d’activité et 1 800 km de réseau routier seraient touchés (avec une montée du niveau de la mer d’un mètre, conjuguée à l’érosion côtière) ». Estimation du coût de l’inaction pour les seuls logements : 85 milliards d’euros (valeur vénale au prix du marché).

Stratégies locales

À Bidard, sur la côte basque, l’urgence est déjà là. « Depuis les grandes tempêtes de 2013, nous observons une accélération du phénomène, notamment sur les têtes de falaises, qui ont l’air bombardées. L’obligation de résultat est à court terme. Nous avons donc mis en place une stratégie de recul du trait de côte, et lancé de grandes opérations d’investissement pour relocaliser les activités concernées », a indiqué le maire, Emmanuel Alzuri. 

Des stratégies locales diverses, à l’image des territoires littoraux. « À nous de construire des stratégies adaptées ! Sur le trait de côte, l’échelle intercommunale est pertinente. Elle offre ingénierie en commun et partage des coûts », estime Sébastien Miossec, maire de Riec-sur-Bélon (29), président de Quimperlé Communauté, qui demande « de la souplesse et de la confiance » pour agir. « Il y a beaucoup de façons de rationaliser le sujet localement. Mais nous avons besoin de les conjuguer avec la stratégie nationale, encore en devenir. Le comité national de recul du trait de côté (mis en place en 2023) n’a pas encore accouché de sa stratégie juridique, ni de son cadre financier », a rappelé Yannick Moreau. 

Les Outre-mer sont particulièrement touchés. Madi Madi Souf, maire de Pamandzi et président de l’Association des maires de Mayotte, est venu parler de son île, Petite-Terre, qui s’enfonce peu à peu dans la mer – 7 cm en 100 ans. Depuis 2018, un nouveau phénomène lié au volcan sous-marin à proximité des îles de Mayotte fait remonter les eaux. L’équinoxe qui avait lieu en février et août se manifeste désormais tous les mois. « Des blocs de terre et de falaises tombent tous les jours dans la mer », témoigne l’élu. La catastrophe est déjà là. 

En Nouvelle-Calédonie, le changement climatique est aussi très concret. « L’île d’Ouvéa s’enfonce, et les cyclones sont de plus en plus fréquents et puissants », est venu exposer Wilfrid Weiss, le maire de Koumac.

Solidarité nationale

Éco-participation, fonds européens, droits de mutation : les pistes de financement du recul du trait de côte sont nombreuses – faute de fonds dédié, pérenne et fléché. Pourtant, « il est impératif que la solidarité nationale s’exerce pour les territoires littoraux, au-delà des seuls financements locaux ou sectoriels », plaident l’AMF et l’Anel dans leur appel solennel. 
Qui va donc payer ? Le contribuable ou l’usager ? Pour Dominique Cap, une « contribution ‘’solidarité littoral’’ pérenne pourrait être demandée aux plateformes de locations touristiques pour les 110 millions de nuitées passées dans les communes littorales. 50 centimes ou 1 euro par nuit ne serait pas choquant en tant que contribution touristique. ». 

De son côté, le maire de Bidard, Emmanuel Alzuri, a proposé d’augmenter la taxe de séjour sur les campings, pour la mettre au même niveau que l’hôtellerie. Dans la salle, le maire de Château-d’Oléron, Michel Parent, a pris le micro pour évoquer la mise en place d’une écotaxe sur le pont qui relie Oléron au continent, à l’instar de celle de l’île de Ré. 

« Nous subissons tous les conséquences d’un cadre juridique et financier imparfait. Le financement devait arriver avec la loi de finances pour 2025. On verra ce que nous dit le Premier ministre à l’issue du Congrès ! », a lancé Yannick Moreau. En attendant, la députée de la Gironde Sophie Panonacle, présidente du Comité national du recul du trait de côte, poursuit son engagement. Ses amendements au projet de loi de finances pour 2025 instaurant un fonds dédié, tombés avec le texte à l’Assemblée, « devraient être repris à l’identique par les sénateurs », a-t-elle annoncé hier. Abondé par une taxe additionnelle de 0,01 % aux droits de mutation et par une taxe de 1 % sur le chiffre d’affaires des exploitants de plateformes de locations touristiques, un fonds « érosion côtière » pourrait donc bien voir le jour.



Édition du jeudi 21 novembre 2024

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