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Maire-info

Les employeurs territoriaux dénoncent les décisions du gouvernement sur la fonction publique, tant sur le fond que sur la forme



C’est sous la forme d’un « forum interactif » que la question des maires employeurs a été évoquée hier au congrès, en présence de très nombreux maires appelés à répondre en direct à un questionnaire sur leur smartphone. Réponses sans appel : les moyens financiers et les règles juridiques constituent les principaux freins pour recruter. De nombreux autres sujets ont été évoqués : l’apprentissage, la rénovation des concours, l’évolution du statut de la fonction publique. 

Mais c’est évidemment la question de l’augmentation massive des cotisations employeur à la CNRACL (caisse de retraites des agents territoriaux), ainsi que la question des jours de carence, qui ont enflammé les débats. Le ministre de la Fonction publique, Guillaume Kasbarian, qui a participé au forum, a tenté de déminer le débat : « Nous sommes tous sur le même bateau. On fait Nation. On ne peut pas appeler à la responsabilité budgétaire et augmenter le point d’indice, la Gipa, etc. Je sais que c’est très dur pour les communes. Nous devons faire des efforts pour préserver la santé financière de notre pays. » Une déclaration qui a fait bondir la secrétaire générale de l’AMF, Murielle Fabre, maire de Lampertheim. « Tous dans le même bateau ? Le budget de l’État n’est pas le budget des collectivités territoriales. Nous demandons un dialogue. Si nous sommes sur le même bateau, il faut des échanges. Nous avons besoin de payer justement, et non pas grassement comme on semble nous le reprocher, nos agents ».

Lors de ce forum – dont le compte rendu sera disponible sur le site de maires de France – Guillaume Kasbarian n’a certes pas tari d’éloges tant envers les employeurs territoriaux qu’envers les agents… sans pour autant revenir sur les décisions qui mécontentent et les uns, et les autres. 

S’attaquer aux « causes » de l’absentéisme

Pas question en effet pour le ministre de revenir sur la hausse brutale des cotisations CNRACL pour les employeurs (4 % en plus chaque année pendant trois ans), ni sur le passage d’un à trois jours de carence et la diminution de 10 % des indemnités en cas d’arrêt-maladie pour les agents. Interrogé un peu plus tard par la rédaction de Maire info, le ministre dit « assumer » : « On est dans une situation économique et financière qui est difficile. On a besoin de diminuer la dépense publique. Nos décisions ne sont pas simples à prendre mais je les assume. (…) Il y a un problème structurel d’absentéisme. » Guillaume Kasbarian a néanmoins indiqué qu’il n’entendait pas n’utiliser que la sanction, mais aussi s’attaquer « aux causes de l’absentéisme », saluant le travail de « beaucoup de maires » qui œuvrent à l’amélioration des conditions de travail. « Je veux faire en sorte que les agents vivent mieux demain », a affirmé le ministre. Interrogé sur l’attractivité de la fonction publique, Guillaume Kasbarian estime qu’elle ne tient pas seulement à la question du point d’indice. « Il y a la question des primes, de la valorisation de l’engagement, la question des grilles qui sont parfois un peu obsolètes, un peu baroques ». Il a particulièrement insisté sur la question du logement, « qui peut être un vrai plus pour attirer de nouveaux fonctionnaires », et dit sa volonté de « résoudre cette question et permettre aux employeurs de proposer plus de logements pour leurs agents »

« Remettre à plat » le système de retraites

Le ministre n’a toutefois pas convaincu un certain nombre d’élus, ni sur ce point ni sur l’augmentation des cotisations CNRACL. Philippe Laurent, maire de Sceaux et porte-parole de la coordination des employeurs territoriaux, l’a expliqué à Maire info : « Ce qui s’est passé n’est pas normal. Le problème [de l’absentéisme] n’est pas si crucial qu’on nous le dit, et surtout la méthode a été assez choquante. Qu’on examine les causes, de façon concertée, c’est normal. Mais qu’on propose [des mesures] avant même d’avoir analysé les causes, c’est un peu ennuyeux ». 

Philippe Laurent a rappelé que « chez nous, dans la fonction publique territoriale, ce sont les employeurs eux-mêmes qui financent les 100 % de salaire au moins pendant les trois premiers mois. Aujourd’hui, les employeurs disent clairement qu’ils sont prêts à la poursuivre. » Si les trois jours de carence sont appliqués demain, « on doit pouvoir nous donner la possibilité de rémunérer nos agents pendant ces jours de carence, c’est une question d’autonomie de gestion des employeurs territoriaux ». 

Sur les cotisations CNRACL, Philippe Laurent a rappelé que cette caisse « souffre de multiples contraintes » : problème démographique, utilisation des fonds de la caisse « pour financer d’autres régimes de retraites » (100 milliards d’euros prélevés, « payés par les agents et les employeurs »).  « Il faut remettre à plat tout le système, estime le maire de Sceaux. Certes, il faudra peut-être augmenter les cotisations, mais nous demandons a minima un étalement plus important. »

La CET choquée par les méthodes du gouvernement

En fin de journée, hier, la Coordination des employeurs territoriaux (1) a publié un communiqué résumant ces positions. Elle déplore que le ministre de la Fonction publique ait « proposé un agenda social sans prendre la peine au préalable de rencontrer » les employeurs. Elle dénonce les efforts « sans précédent » demandés à ceux-ci, qui « pèseront indéniablement sur l’emploi territorial ». La coordination s’étonne des discours gouvernementaux qui « viennent dégrader l’image de la fonction publique et de ses agents » : « Il y a là une profonde contradiction à tenir ces discours et à prétendre continuer de proclamer l’attractivité comme priorité. » Et de s’alarmer : « Sans argent et sans agents, (…) la  prochaine étape sera inévitablement la suppression de services publics ». 

La CET demande donc « la remise à plat dans sa globalité » du système de retraite des agents territoriaux, mais aussi une réflexion en profondeur sur les conditions de travail et de carrière des agents, avec « des parcours professionnels dynamiques » et un travail sur l’usure professionnelle. Elle exhorte le gouvernement à transposer « enfin » dans la loi l’accord sur la protection sociale complémentaire signé entre employeurs et syndicats en 2023 – le ministre s’y est formellement engagé hier. 

Afin « d’écrire une nouvelle page de la fonction publique », les membres de la CET « se tiennent à la disposition du Gouvernement pour répondre à ces enjeux dans le cadre d’une pleine association des élus locaux aux actions à mener ». 

(1)    AMF – Départements de France - Régions de France – Intercommunalités de France - France urbaine - Villes de France - APVF - AMRF - CNFPT - FNCDG - collège employeurs du CSFPT.



Édition du jeudi 21 novembre 2024

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