Des maires et adjoints à la santé qui parlent à bâton rompu avec des directeurs(trices) d'agences régionales de santé. L'occasion est suffisamment rare pour être relevée. Cela s'est passé vendredi 21 juin, dans les locaux de l'AMF. La commission santé, commune entre l'AMF et France urbaine, avait invité les ARS à se mêler aux élus locaux pour parler des relations entre les élus et les ARS puis d'un sujet d'actualité, le projet de loi Santé, adopté en commission mixte paritaire et qui devrait être prochainement promulgué.
«
Une première réunion commune a eu lieu il y a trois ans. La commission santé de l'AMF s'était déplacée au ministère de la Santé. Nous constations que le dialogue entre nous n'était pas toujours à la hauteur de nos souhaits. C'est ce que nous souhaitons dépasser en organisant de nouveau cette rencontre », a expliqué Isabelle Maincion, maire de La Ville-aux-Clercs et rapporteure de la commission santé de l'AMF, aux 17 directeurs d'ARS réunis. «
Nous ne devons pas attendre les difficultés pour nous rencontrer », a acquiescé la secrétaire générale des ministères chargés des affaires sociales, Sabine Fourcade.
Un partenariat souhaité par les élus locaux et les ARS
Le projet de loi Santé prévoit justement une nouvelle instance, la commission de coordination des politiques publiques de santé. Elle aura notamment pour rôle de traiter de l'organisation territoriale des soins, avec une concertation renforcée au niveau départemental. De bon augure pour nourrir ce dialogue selon les ARS. La quarantaine d'élus locaux présents, maires, adjoints à la santé, conseillers municipaux, ont rappelé, par la voix de de Nicolas Sansu, maire de Vierzon, référent ville-hôpital de l'AMF, que «
si les élus souhaitent être informés, ils souhaitent surtout être entendus ». L’AMF avait d’ailleurs plaidé pour que le nouveau cadre d’échanges entre les ARS et les élus locaux, prévu par le projet de loi, ne se limite pas à une réunion annuelle d’information mais permette au contraire un dialogue équilibré.
Une série de témoignages ou d'interpellations d'élus a justement illustré ce sentiment des élus d'être insuffisamment écoutés et entendus et trop peu soutenus. C'est le cas de Jean-Bernard Jarry, maire de Magnac-Laval, en région limousine. Dix ans après avoir parlé des problèmes de son territoire en termes d'accès aux soins au directeur général de l'ARS, il constate que «
rien n'est réglé ». Que l'ARS n'a pas franchement facilité les initiatives locales, comme la mise en place d'un SOS Médecin rural. «
Je n'ai pas été épaulé », conclut-il.
Autre témoignage, celui d'un maire de Rhône-Alpes. «
La question est celle du pouvoir au sein de ces commissions. Et des financements qu'on peut y obtenir », a-t-il expliqué, constatant par ailleurs que les maires ne s'y déplacent plus toujours.
«
Si les élus ne viennent plus aux commissions c'est peut-être qu'ils n'en voient plus l'utilité », a surenchéri Isabelle Maincion, pour expliquer la perplexité des élus aux ARS. Une main tendue pour que cette future instance de concertation ne devienne pas une coquille vide. «
Le premier travail de ces commissions sera justement de fixer les modalités de travail entre nous », a répondu un directeur d'ARS, ouvrant la voie à un dialogue renouvelé.
Vigilance et regrets
Dans un communiqué publié hier, l’AMF et France urbaine saluent la création de cette commission de coordination sur l’organisation territoriale des soins avec les élus, de niveau départemental (article 19), mais elles «
seront toutefois attentives à ce que ses missions ne soient pas confondues avec celles de commissions déjà existantes ». Plus globalement, les deux associations d'élus indiquent «
l’urgence à trouver ensemble des solutions pour assurer une meilleure couverture en offre de soins sur le territoire et répondre à une préoccupation majeure des citoyens ». Cela «
impose une coordination renforcée et équilibrée entre tous les acteurs intervenant dans l’élaboration et/ou la territorialisation des politiques de santé à quelque niveau que ce soit ».
Questions sur les hôpitaux de proximité
Le sujet des hôpitaux de proximité est considéré comme un «
axe prioritaire de travail commun afin de répondre aux très vives inquiétudes des élus locaux en matière de fermetures de services » insiste le communiqué de presse. Ce sujet d'inquiétude est en effet largement revenu sur la table lors de la commission santé. Le projet de loi prévoit la labellisation de 600 établissements – un nombre qui laisse dubitatif les maires, voire les inquiète car cela pourrait se traduire par la fermeture de services de chirurgie et de maternité et donc une dégradation de l'offre de soins dans ces territoires. L'adjointe à la directrice générale de l'offre de soins (DGOS) a eu beau expliquer que ce nombre n'était qu'une estimation – ne provenant d'ailleurs pas du ministère de la Santé – et non un quota à tenir absolument, cela n'a pas suffi à rassurer les maires présents.
Emmanuelle Stroesser