Cités éducatives : un dispositif encore trop « flou » selon l'Injep
Par Lucile Bonnin
Depuis leur lancement en 2019, les cités éducatives se sont multipliées dans les territoires mais ne semblent pas tout à fait avoir trouvé leur raison d’être. Aujourd’hui, 200 cités éducatives sont à dénombrer en France, « englobant un million de jeunes de 0 à 25 ans, 323 collèges et 600 écoles. »
« Basées sur une expérimentation locale dans la commune de Grigny (91), les Cités éducatives ont pour objectif de renforcer la prise en charge pédagogique et éducative des jeunes habitants des quartier prioritaires dans et autour de l’école. L’ANCT et la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO) ont la charge d’animer ce dispositif qui vise surtout à être construit et développer localement entre acteurs locaux de l’éducation. »
La particularité de ce dispositif est qu’il repose sur des alliances éducatives qui se forment dans des territoires pour penser un programme éducatif commun. Ces alliances sont dotées de moyens humains et financiers apportés par leurs co-financeurs (ministère de l’Éducation nationale, ministère de la Ville et collectivités) avec un budget moyen attribué par l'État s'élevant à un million d'euros pour trois ans.
« Le programme des cités éducatives s’inscrit au croisement de la politique de la ville et des politiques éducatives, des questions scolaires et territoriales » , est-il rappelé dans un rapport d’évaluation publié par l'Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire (Injep), qui considère que ce dispositif rencontre encore trop d’obstacles pour être pleinement efficace.
« Clarifier les attentes et priorités nationales »
Le premier élément relevé par l’Injep est lié au pilotage tripartite de ces cités éducatives (collectivités, État, Éducation nationale). Ce cadre a en effet été pensé pour que le programme n’oriente pas « de manière rigide les actions ou les axes à développer » mais donne plutôt « de grandes orientations aux cités qui les approfondiront en fonction des besoins et priorités de leur territoire ».
Le problème est que « ce flou conceptuel », comme indiqué dans la note, « ne facilite pas l’appropriation du programme par les acteurs de terrain et révèle des divergences entre institutions. »
Les acteurs locaux souhaiteraient donc plus de clarifications sur les attentes et priorités nationales liées au dispositif. Le rapport indique que la dimension expérimentale du programme « appelant les cités à s’approprier les axes nationaux en les adaptant à leur contexte local, n’a pas toujours été bien saisie par les territoires, qui craignent de ne pas répondre à toutes les attentes nationales et ne s’autorisent pas toujours à prioriser les actions en fonction des ressources et du contexte local. »
Cette liberté d’adaptabilité dans le déploiement du programme doit être précisée. Dans un communiqué publié en février dernier, l’Unsa Éducation indiquait par exemple que « dans certaines cités, ce sont les comités de pilotage qui permettent ces échanges, ailleurs ce sont des séminaires des acteurs de la cité qui sont organisés. Chaque cité définit ces modalités de fonctionnement et d’intervention, au regard de ces besoins et de l’existant. »
Appropriation du programme
« À travers les trois thématiques de la continuité éducative, de l’orientation-insertion et de la place des familles, les équipes d’évaluation ont mis en évidence des résultats sur l’appropriation générale du programme, les freins et les facteurs facilitants » , peut-on lire dans le rapport.
Concrètement, l’Injep remarque que pour certaines cités éducatives, « le manque de perspectives à long terme associé au manque de moyens humains pour engager une démarche de fond limite le programme au rôle de levier financier. » Même si dans « certains territoires, les conditions sont réunies pour que le programme puisse se déployer comme initialement pensé » , cette politique publique menée sur un temps déterminé (contractualisation des cités éducatives jusqu’en 2025) se déploie de façon hétérogène.
En fait, les principaux obstacles à la réussite de ce dispositif sont institutionnels et opérationnels : « Les pilotes ont eu tendance à flécher les fonds et à choisir les actions pour respecter les contraintes de temps (ainsi que leurs objectifs institutionnels) plutôt que de soutenir le déploiement de logiques collégiales qui prennent nécessairement plus de temps. »
Coordination entre les acteurs
Les cités éducatives ont permis un renforcement de partenariats locaux qui existaient déjà mais n’ont pas encouragé à la création de nouvelles dynamiques de coopération. Les collectivités par exemple sont bien représentées dans les programmes d’action mais les associations et surtout les parents et familles sont moins impliqués.
Les cités éducatives existantes se concentrent davantage sur les actions à mener (« via la hausse de leur fréquence, du volume de personnes touchées ou l’élargissement de leur périmètre » ) que sur la forme que peuvent prendre ces actions, « notamment en ce qui concerne la thématique de la place des familles. »
Ainsi, le rapport conseille de mettre en place des postes de « coordinateurs thématiques » ou « d’ambassadeurs » , de développer « des actions de coordination entre les acteurs pour les cités qui en développent peu à ce stade » et encourage le développement de « démarches d’animation territoriale globales qui combinent appels à projets, accompagnement des porteurs de projets, coordinateurs thématiques et groupes de travail ».
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