Les dispositions sur le ZAN n'ont pas de caractère inconstitutionnel, juge le Conseil d'ÉtatÂ
Par Franck Lemarc
Depuis 2010, tout un chacun peut entamer une procédure pour remettre en question le caractère constitutionnel d’une disposition législative. Cette procédure s’appelle la QPC (question prioritaire de constitutionnalité), et répond à des règles strictes : la question doit d’abord être transmise au Conseil d’État ou à la Cour de cassation, qui l’examine et choisit de la transmettre, ou pas, au Conseil constitutionnel. Dans le cas où ce dernier est saisi, il a ensuite trois mois pour se prononcer. S’il déclare la disposition concernée non conforme à la Constitution, celle-ci est immédiatement abrogée.
Pour choisir de saisir ou non le Conseil constitutionnel, le Conseil d’État ou la Cour de cassation doivent notamment vérifier que la disposition contestée n’a pas déjà été déclarée constitutionnelle, et que la question posée revêt un caractère « nouveau » et « sérieux ».
Tout récemment, une telle procédure a par exemple conduit à l’abrogation, par le Conseil constitutionnel, d’une disposition qui réservait aux seules communes de plus de 50 000 habitants le droit de moduler les indemnités de fonction des conseillers municipaux en fonction de leur assiduité (lire Maire info du 7 juin). Cette abrogation a été le fruit d’une QPC déposée par une commune du Nord, et que le Conseil constitutionnel a couronné de succès.
Pas d’atteinte à la libre administration
C’est dans le Nord encore qu’une commune a tenté sa chance, sur le ZAN cette fois, mais sans rencontrer le même succès.
La commune de Cambrai a contesté, dans sa QPC, la constitutionnalité d’une partie de l’article 194 de la loi Climat et résilience du 22 août 2021. Cet article, extrêmement important, est celui qui fixe l’essentiel des règles du dispositif Zéro artificialisation nette, qui a fait couler tant d’encre depuis.
La QPC concernait une phrase particulière de cet article 194 : « La consommation des espaces naturels, agricoles et forestiers [Enaf] est entendue comme la création ou l'extension effective d'espaces urbanisés sur le territoire concerné ». Pour la commune de Cambrai, cette phrase est contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales. En effet, elle estime que cette définition « aurait pour effet de porter atteinte au zonage défini dans les documents d'urbanisme locaux, en tant notamment qu'elle conduirait à inclure dans le périmètre des Enaf certaines parcelles aujourd'hui situées en zones urbaines ».
Le Conseil d’État n’a pas du tout partagé ce point de vue, dans sa décision rendue le 24 juillet : d’une part, il juge que ces dispositions « se bornent à donner une définition des Enaf » et « n’emportent pas, par elles-mêmes, d'incidences directes sur les choix qu'opèrent les collectivités territoriales compétentes dans le zonage réglementaire figurant dans leurs documents d'urbanisme ». Quant au fond, les magistrats rappellent que si la Constitution dispose bien, à l’article 72, que les collectivités « s’administrent librement par des conseils élus », le même article ajoute qu’elles doivent le faire « dans les conditions prévues par la loi » . Or, poursuit le Conseil d’État, la loi fixe désormais une trajectoire de réduction de moitié de la consommation d’Enaf d’ici à 2031, ce qui est un objectif « d’intérêt général » . En définissant les modalités de cet objectif dans la loi, le législateur n’a pas porté atteinte à la libre administration des collectivités, estime le Conseil d’État. La question ne présente donc pas de « caractère sérieux ».
Les magistrats n’ont pas davantage retenu le deuxième argument de la commune de Cambrai, selon lequel ces dispositions porteraient atteinte « au droit de propriété » , dans la mesure où « elles auraient pour effet de rendre inconstructibles certaines parcelles situées en zones urbaines » . L’argument était fragile, là encore, dans la mesure où cette simple définition des Enaf « n’emporte pas, par elle-même, d’incidence directe sur le zonage réglementaire figurant dans les documents d’urbanisme » et n’a, comme l’écrit le Conseil d’État, « ni pour objet ni pour effet d’affecter le droit de propriété ».
Conclusion du Conseil d’État : il n’y a pas lieu de transmettre cette QPC au Conseil constitutionnel.
Accéder à la décision du Conseil d’État.
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