Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du jeudi 5 septembre 2024
Transports

Pénurie de chauffeurs de cars scolaires : une réduction des postes vacants mais encore des défis à relever

Alors qu'il manquait 8 000 conducteurs de cars scolaires en 2022, 3 000 postes sont à pourvoir en cette rentrée 2024. La situation s'améliore alors que plusieurs mesures ont été mises en place pour renforcer de l'attractivité du métier. Les acteurs du secteur ne comptent pas relâcher leurs efforts.

Par Lucile Bonnin

C’est une question qui inquiète à chaque rentrée depuis des années parents et collectivités : celle du ramassage scolaire. En 2022, la situation était particulièrement alarmante puisque 8 000 conducteurs de cars scolaires manquaient à l’appel. L’année dernière, en 2023, la situation était toujours inquiétante puisque 6 000 postes de conducteurs étaient vacants. 

En cette rentrée, « une amélioration notable dans le recrutement des conducteurs de cars scolaires depuis deux ans »  est observée par la Fédération nationale des transports de voyageurs (FNTV) et France Travail (ex-Pôle emploi). 3 000 conducteurs sont recherchés actuellement. « Il reste encore des efforts à fournir, mais c’est très positif », résume Ingrid Mareschal, déléguée générale de la FNTV interrogée par Maire info. 

Une crise exacerbée depuis 2020 

Comme beaucoup de secteurs, celui des transports – et plus particulièrement des conducteurs de cars scolaires – a souffert de la crise sanitaire liée au covid-19. « L’âge moyen d’un conducteur étant de 50 ans, beaucoup ont eu peur pour leur santé après le confinement et ont décidé d’arrêter. Il faut aussi rappeler qu’il y a eu un arrêt des activités avec la fermeture des écoles pendant plusieurs mois. Certains ont eu besoin de travailler à 100 % plutôt que de toucher le chômage partiel. » 

Au total, entre 2020 et 2021, 5 000 conducteurs ont cessé leur activité. Les départs en retraite sont aussi nombreux et les personnels qui restaient habituellement pour des compléments de revenus ont préféré partir par peur du virus et/ou préfèrent réaliser des livraisons. 

Horaires atypiques, journées morcelées, contrat à mi-temps, salaire relativement bas : au cœur de la crise, il y a également des difficultés de recrutement structurelles. « Le métier est à temps partiel et donc il est difficile de trouver un complément d’activité qui corresponde aux horaires de ramassage, notamment en milieu rural » , observe Ingrid Mareschal. 

Les salaires sont aussi souvent peu attractifs. Les acteurs du secteur y travaillent, assure la déléguée générale de la FNTV, soulignant que tous les ans les salaires sont revalorisés et qu’un effort a été fait au cours de trois dernières années pour augmenter la rémunération d’environ 20 %. En janvier dernier, les rémunérations conventionnelles ont par exemple été revalorisées de 4,3 %.

L’adoption de la loi Notre du 7 août 2015 n’a pas non plus facilité les choses. Pour rappel, la loi a entre autres instauré le transfert de la compétence transport scolaire des départements aux régions. Un bouleversement dont le temps d’adaptation a pu influencer indirectement la crise. « Le centre de décision s’est éloigné du terrain, observe Ingrid Mareschal. Les appels d’offres et marchés publics sont beaucoup plus importants et donc les discussions sont moins faciles avec les collectivités régionales que ça pouvait l’être avec les départements qui connaissaient les transporteurs par cœur. Il y a eu au début des problèmes de paiements des services qui prenaient beaucoup de retard. C’est maintenant installé, les directeurs transports des régions sont opérationnels mais on a besoin de davantage d'échanges qu'auparavant pour adapter les services aux besoins des populations locales. »  

Défis du recrutement 

Par ailleurs, « c’est un métier pour lequel il n’y avait pas de filière d’apprentissage scolaire notamment puisqu’on ne pouvait pas passer le permis de transport en commun avant 21 ou 24 ans [permis D1 ou permis D] » . En 2021, le gouvernement a décidé d’abaisser l’âge d’accès au permis D à 18 ans. Ce premier pas pour recruter et rajeunir un secteur vieillissant s’accompagne d’autres mesures. Depuis la rentrée 2023, « les jeunes peuvent choisir ce métier dès l’orientation et non plus seulement dans le cadre d’une reconversion professionnelle »  puisqu’un nouveau CAP a été créé dans ce sens avec plus d’une vingtaine de sections ouvertes en France. 

D’autres expérimentations ont été menées dans le cadre d’un plan interministériel, pour optimiser les personnels et les volumes horaires des conducteurs. Par exemple, la région Grand-Est a expérimenté l'adaptation des horaires et du fonctionnement des établissements scolaires sur le réseau du Haut-Rhin dès l’année dernière. L'objectif : desservir davantage d'établissements avec moins de cars. 

Autre mesure : un décret publié en décembre 2022 permet aux agents de la fonction publique de conduire des cars en plus de leur travail (lire Maire info du 4 janvier 2023). Selon Ingrid Mareschal, cette expérimentation prévue sur trois ans permet en effet « de combler certains postes vacants ». Cela fonctionne notamment avec les personnels de la restauration scolaire, les cantonniers ou encore les jardiniers des collectivités par exemple. « Certains maires des collectivités font l’effort d’adapter leurs horaires. C’est de la dentelle et peut être une solution pour des situations spécifiques. » 

En attente d’un décret 

Selon la FNTV, le principal défi à relever au plus vite est d’ordre administratif. « Depuis des années, nos conducteurs qui ont réussi nos formations attendent plusieurs mois avant de recevoir le permis de conduire et de pouvoir travailler, déplore la déléguée générale. On forme des personnes qui ne peuvent pas travailler en septembre car elles n’ont toujours pas reçu leur permis ». Le délai de délivrance des permis est un frein majeur pour les acteurs du secteur.

Selon le député Fabien Di Filippo, l’année dernière, « le délai entre la délivrance de l'attestation de réussite au diplôme de conducteur routier et la capacité pour les récipiendaires de conduire des véhicules est de 3 à 4 mois en moyenne », selon les départements. Une situation fortement préjudiciable en temps de pénurie. 

Ainsi, un décret serait en cours de préparation « pour que des attestations provisoires puissent être délivrées aux conducteurs pour leur permettre de travailler tout de suite. »  Ce décret, comme on l’explique à la FNTV, a été transmis pour examen au Conseil d’État. Avant publication, il devra être signé par des ministres, ce qui, en ce moment, est compliqué du fait du caractère démissionnaire du gouvernement (lire Maire info du 22 juillet). Du côté des acteurs du secteur, on craint de devoir réexpliquer à un nouveau gouvernement la nécessité de ce décret et l’urgence de sa publication. 

Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2