Un Fonds vert qui fond de plus en plus
Par Franck Lemarc
L’annonce, dans le cadre des 10 milliards d’économies annoncés en février, d’une diminution de 430 millions d’euros du Fonds vert avait déjà fait l’effet d'une douche froide, au moment où les rapports, études et alertes se multiplient sur l’urgence d’adapter la société au changement climatique.
Pour mémoire, rien que cette semaine, une étude de l’Agence européenne de l’environnement a publié un rapport particulièrement alarmant sur le fait que « l’Europe n’est pas du tout préparée à la multiplication des catastrophes climatiques qu’elle va devoir affronter », et pointant quelque « 36 risques climatiques majeurs qui pèsent sur l’écosystème, l’alimentation, la santé, les infrastructures et l’économie » et nécessitant des actions « urgentes et immédiates ». Et la Cour des comptes, elle, a choisi d’axer la presque totalité de son rapport annuel sur le même sujet : l’urgence de réorienter l’action publique vers la préparation au changement climatique.
Gel et « surgel »
Dans ce contexte, le fait que le ministère de la Transition écologique soit, et de loin, celui qui paye le plus lourd tribut à la première salve d’économies budgétaires a de quoi surprendre. Mais il semble que ce ne soit pas tout. Avant même la deuxième salve d’économies, bien plus importante encore (20 milliards d’euros), qui sera annoncée dans le cadre de la préparation du budget pour 2025, le gouvernement a semble-t-il décidé de diminuer de 430 autres millions le Fonds vert sur l’enveloppe prévue par la loi de finances pour 2024.
C’est en tout cas l’information qu’il a livrée aux parlementaires dans un document qui a été révélé la semaine dernière par le site Contexte. Selon ce document, les 430 millions en question (qui s’ajoutent aux précédents) seraient « mis en réserve de précaution », c’est-à-dire gelés. Soit, donc, un total de 860 millions d’euros qui pourraient être retirés du Fonds du vert dès cette année.
Cette somme apparaît considérable si on la compare aux crédits que le gouvernement avait effectivement prévus d’engager en 2024 dans le Fonds vert (ou plus exactement, le « Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires », le nom sous lequel il figure dans la loi de finances) : s’il était bien prévu presque 2,5 milliards d’euros en autorisation d’engagement (lesquelles peuvent être étalées sur plusieurs années), les crédits qui peuvent être effectivement payés en 2024 (crédits de paiement) sont de 1,124 milliard d’euros. Si l’on devait retrancher 860 millions d’euros à cette somme, on n’aboutit plus qu’à un total de 264 millions d’euros, soit au final… dix fois moins que les « 2,5 milliards » annoncés à grand son de trompe par le gouvernement. Ce qui semble dérisoire au regard des besoins d’investissements dans les collectivités sur la transition écologique. Le Fonds vert, comme l’indique Intercommunalités de France dans un communiqué publié avant-hier, semble bien « se réduire comme peau de chagrin ».
1,1 milliard d’euros en moins sur deux ans
Ces chiffres alarment également la FNTP (Fédération nationale des travaux publics), qui a elle aussi communiqué le 12 mars pour dénoncer une « douche froide pour le financement de la transition écologique ». Alors que le Fonds vert « constitue aujourd’hui le principal levier de financement des projets en faveur de la transition écologique par les collectivités locales », son ambition serait « totalement compromise », selon la FNTP, si le gouvernement confirmait le « surgel » de 430 millions d’euros supplémentaires.
La Fédération calcule en effet que cette évolution va conduire à « un milliard d’euros d’investissement en provenance de l’État en moins (…) entre 2023 et 2024 ». c’est même un peu plus : dans le budget pour 2023, 500 millions d’euros étaient affectés en crédits de paiement au Fonds vert, portés à 1 125 millions dans le budget 2024, soit 1,625 milliard sur les deux années. Pour 2023, seuls 300 millions sur 500 ont réellement été distribués (financés en outre sur le différentiel de compensation de la CVAE), et pour 2024, avec le gel et le « surgel », il ne resterait plus que 264 millions d’euros en crédits de paiement – soit 564 millions à consommer sur deux ans.
Sachant, comme le rappelle la FNTP, que grâce à l’effet levier, « les collectivités investissent en moyenne 3 euros » quand l’État apporte un euro, « ce sont au total 4 milliards d’euros d’investissement sur deux ans qui risquent d’être empêchés ».
On comprend, dans ces conditions, que la FNTP, dont l’activité dépend très fortement des investissements des collectivités, se fasse du souci. « Les projets d’infrastructures nécessitent de la planification et de la stabilité financière. Si le gouvernement continue ainsi, nous irons assurément droit dans le mur ! », assure Alain Grizaud, président de la fédération, dans le communiqué.
Parce que les collectivités ont en effet besoin de visibilité pour pouvoir lancer des projets d’investissement, le gouvernement serait bien avisé de préciser ses intentions, et non d’éluder la question, comme il l’a fait le 6 mars devant la commission des finances du Sénat. Interrogé par une sénatrice sur le « surgel » de 430 millions supplémentaires, le ministre chargé des Comptes publics, Thomas Cazenave, s’est contenté d’une réponse particulièrement évasive : « Il y a un travail de reprogrammation en cours, y compris sur la réserve et le gel, qui permettra d’ajuster les choses. » On n’en saura pas plus pour l’instant.
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