Des exploitants et des élus demandent « un plan national » de développement des gares routières
Par Franck Lemarc
On le savait depuis la réforme qui a mis en place, en 2015, la libéralisation du transport longue distance par autocar et les « SLO » (services librement organisés) : les gares routières étaient le « maillon faible » de la réforme. L’expression, utilisée par France stratégie dans une étude de 2017 (lire Maire info du 28 juillet 2017) reste d’actualité. Dès le départ, les opérateurs ont en effet fermement rejeté l’idée de financer eux-mêmes tout ou partie des gares routières – financement qui est donc retombé sur les collectivités.
Dès 2017, France stratégie avait pointé le « faible niveau d’équipements et de service » des gares routières et leur extrême diversité, celles-ci allant « du simple arrêt le long d’un trottoir à des gares offrant certains services » … mais aucune, y compris dans les plus grandes villes, n’offrant un service comparable à celui d’une gare ferroviaire ni, a fortiori, d’un aéroport, contrairement à ce qui se trouve dans plusieurs capitales européennes.
« Décision irrémédiable »
La gare routière de Paris-Bercy est tout à fait caractéristique de ces manquements. Située en plein cœur de la capitale et très facile d’accès pour les autocars, puisque située le long des voies sur berge, elle est aujourd’hui la plus importante gare routière du pays, avec près de 5 millions d’usagers par an. Mais elle suscite, aussi, d’innombrables critiques, souvent violentes, de la part des usagers, l’adjectif le plus souvent utilisé étant celui de « honteux » : cette gare souterraine ne comporte aucun service ni commerce, elle est sale, mal éclairée, inconfortable, et génère de surcroît un important sentiment d’insécurité. D’où la « décision irrévocable » de la mairie de Paris, annoncée en septembre dernier, de la fermer à la fin de l’année 2024, c’est-à-dire après les JO.
Arguments de la mairie de Paris : la gare est « minée par les nuisances » et « structurellement inadaptée » ; et surtout, elle concentre le trafic des cars « Macron » sur la ville de Paris. L’entourage de la maire de la capitale estime au contraire qu’il faut « se répartir la charge » et que les communes de banlieue doivent prendre leur part. La ville ne se dit donc pas fermée à l’idée d’une nouvelle gare routière intra muros, mais souhaite que d’autres gares s’implantent en périphérie.
Bas niveau de services
Quant aux autres gares du pays, le tableau n’est pas beaucoup plus riant que celui dressé en 2017 par France stratégie. Certes, leur nombre a augmenté : de 204 en 2017, elles sont aujourd’hui au nombre 327, selon les derniers chiffres de l’Autorité de régulation des transports. Mais si l’on regarde de près ces données, on note que moins de la moitié de ces gares ont une salle d’attente, que 49 % d’entre elles n’ont pas de toilettes, et que moins d’un quart d’entre elles proposent un accès WiFi. Seules 53 des 327 gares proposent un service de restauration, et 56 % d’entre elles n’offrent même pas un distributeur de boisson !
Il reste donc bien encore un très important travail à faire pour améliorer le niveau de service de ces gares.
Plan national et « gouvernance repensée »
C’est ce que demandent les signataires d’une tribune parue dans Le Monde du 11 novembre, qui sont autant des représentants professionnels (comme les patrons de Blablacar et de Flixbus) que des représentants des usagers (Fnaut) ou des élus, comme Christophe Bouillon, président de l’APVF et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires.
Ces signataires dénoncent la fermeture de la gare routière de Paris-Bercy, estimant qu’elle pourrait avoir « des conséquences très négatives », comme « le report vers des modes de transport plus coûteux et plus polluants ». C’est le résultat, écrivent-ils, de « l’oubli originel » de la loi Macron de 2015 qui n’a « pas prévu la création d’un réseau national de gares routières ». Résultat : « Alors que l’autocar est maintenant plébiscité par des millions de Français, le manque d’infrastructures empêche le développement de cette solution de mobilité partagée. »
Les auteurs de la tribune réclament donc la création d’un « plan national » s’appuyant sur les standards élaborés par le Cerema afin d’assurer l’homogénéité d’un futur réseau des gares routières : emplacement en centre-ville, multimodalité, haut niveau de service et de sécurité, hygiène, etc.
Ils réclament également une « gouvernance repensée », c’est-à-dire qui ne repose pas sur la seule décision des collectivités locales. « Jamais un aéroport ou une gare ferroviaire ne pourrait être supprimé sur simple décision d’un exécutif local », remarquent les signataires, qui souhaitent que cette nouvelle gouvernance « impose la consultation de toutes les parties prenantes avant toute suppression ou déplacement ».
Les signataires proposent de se saisir de l’opportunité que va représenter la création des Serm (services express régionaux métropolitains) ou RER métropolitains, pour créer « de véritables pôles d’échanges multimodaux ». Ils rappellent également que des financements européens sont mobilisables – notamment l’enveloppe de 7 milliards d’euros de l’UE pour les infrastructures de transport « et notamment les pôles d’échanges multimodaux ». « Ces pôles devront être des lieux d’avitaillement (biocarburants et recharge électrique) tout autant que des lieux de vie urbains, notamment à Paris, qui ne peut pas être la seule grande capitale européenne dépourvue d’une gare routière digne de ce nom », concluent les signataires.
Deux parlementaires (le sénateur Jean-François Longeot et le député Jean-Marc Zulesi) figurent parmi les signataires. Peut-être que cela présage, dans les temps à venir, une proposition de loi sur ce sujet épineux.
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