Secrétaires de mairie : le gouvernement souhaite interdire le recrutement en catégorie C
Par Franck Lemarc
C’est l’une des conséquences de l’usage de l’article 49.3 par le gouvernement sur les textes budgétaires : alors que tout le mois de novembre et une partie de décembre auraient dû être occupés, à l’Assemblée nationale, par le débat sur les projets de loi de finances, ceux-ci ont été terminés en quelques jours. Résultat : le calendrier parlementaire a été bousculé et les députés ont le temps d’examiner plus vite que prévu des propositions de loi en « navette ».
« Deux grands défis »
C’est le cas, notamment, de la proposition de loi transpartisane adoptée par le Sénat le 14 juin dernier et visant « à revaloriser le métier de secrétaire de mairie ». Ce texte a été examiné par la commission des lois de l’Assemblée nationale le 18 octobre, où une belle unanimité a été constatée – tous les groupes ayant annoncé leur intention de la voter, avec plus ou moins d’enthousiasme.
La rapporteure du texte à l’Assemblée nationale, Marie-Agnès Poussier-Winsback, a rappelé à cette occasion les enjeux : « La profession fait face à deux grands défis que la proposition de loi souhaite relever. Tout d’abord, un manque de reconnaissance et de visibilité. Ainsi, les missions correspondent souvent à un niveau de catégorie B, alors que 60 % des secrétaires de mairie appartiennent à la catégorie C. Leur évolution vers la catégorie B est l’un des principaux objectifs de la proposition de loi. Ensuite, ce métier en tension fait face à une crise d’attractivité. Il manque près de 2 000 secrétaires de mairie en France, et la pyramide des âges de la profession aura pour conséquence qu’un tiers des secrétaires de mairie partiront à la retraite d’ici 2030. »
Dans le texte adopté par le Sénat, plusieurs articles permettent en effet de faciliter la progression de carrière des secrétaires de mairie, notamment en instaurant une voie de promotion exceptionnelle permettant à ces agents, lorsqu’ils sont en catégorie C, d’être promus en catégorie B, « sans qu’une proportion de postes ouverts à la promotion soit préalablement déterminée » et jusqu’au 31 décembre 2028.
Le texte du Sénat dispose que dans les communes de moins de 3 500 habitants, le secrétariat de la mairie est assurée ou bien par un agent de catégorie C, en tant que « secrétaire de mairie », ou bien par un agent de catégorie B ou A, en tant que « secrétaire général de mairie », « sauf si un agent de catégorie A occupe les fonctions de directeur général des services ».
Autre article important de ce texte : il serait désormais possible de recruter des agents contractuels à temps plein en tant que secrétaire de mairie dans toutes les communes de moins de 2000 habitants (contre 1000 aujourd’hui).
D’autres articles concernent la formation des secrétaires de mairie (éventuelle création d’une filière universitaire dédiée). Le texte dispose également que « les agents exerçant les fonctions de secrétaire de mairie bénéficient d’un avantage spécifique d’ancienneté pour le calcul de l’ancienneté requise au titre de l’avancement d’échelon ».
La rapporteure a souligné que, lors des auditions, de nombreuses voix se sont élevées pour demander qu’à l’avenir, les secrétaires de mairie ne puissent être recrutés qu’en catégorie B ou A. Il a néanmoins été impossible pour les membres de la commission d’instaurer cette réforme par amendement, car elle amènerait mécaniquement une hausse des charges pour les communes, ce que la Constitution ne permet pas.
Consensus
Les députés des différents groupes se sont exprimés en commission pour soutenir ce texte, tout en en soulignant, pour certains, « le manque d’ambition ». Karen Erodi, du groupe LFI, a estimé que ce texte contient « des angles morts sur les revendications salariales ou la création d’un statut unique ». Philippe Gosselin (LR), a lui aussi estimé que ce texte « ne suffirait pas à résoudre la crise des vocations ». Les députés socialistes ont demandé au gouvernement de se pencher sur la question du recrutement obligatoire en catégorie B. Le groupe Liot a estimé que ce texte « reste timide » sur la question de la revalorisation indemnitaire.
Autrement dit, comme l’a résumé Cécile Untermaier (PS), « ce texte fait l’objet d’une double unanimité, quant à son caractère nécessaire mais aussi quant à son caractère insuffisant ».
Parmi les principaux amendements adoptés en commission, il faut retenir le retour à une qualification unique : les députés ont préféré revenir à une rédaction ne faisant pas de différence entre les catégories : « Le maire nomme un agent aux fonctions de secrétaire général de mairie, sauf s’il nomme un agent pour occuper les fonctions de directeur général des services. »
Catégorie B ou A obligatoire
Plusieurs députés, en commission, ont exprimé le souhait que le gouvernement traite la question d’un recrutement obligatoire en catégorie B des secrétaires de mairie – même si plusieurs ont fait remarquer qu’une telle décision devrait s’accompagner d’une aide financière pour les communes.
Le gouvernement a, semble-t-il, décidé de s’emparer du sujet. Il a déposé un amendement, qui va être débattu en séance publique, imposant qu’un agent recruté comme secrétaire général de mairie relève « d’un corps ou cadre d’emplois classé au moins dans la catégorie B », et ce à partir de 2028. « Le recours à des agents de catégorie C pour exercer ces fonctions ne doit plus être permis », estime le gouvernement dans l’exposé des motifs de cet amendement. Mais en revanche, cet amendement n’aborde nulle part la question de la charge supplémentaire pour les communes et de son éventuelle compensation.
Il faut également noter que le gouvernement va demander la suppression de l’article 2 ter du texte de la commission, qui « impose aux présidents des centres de gestion de la fonction publique territoriale de veiller à ce que les listes d’aptitude comprennent une part, fixée par décret, de fonctionnaires exerçant les fonctions de secrétaire de mairie ». Pour le gouvernement, cette disposition est « contraire au principe constitutionnel d’égalité ». En effet, elle aboutirait à « accorder un traitement différent à des agents pourtant placés dans une situation comparable à celle d’autres agents publics dont les emplois souffrent eux aussi de pénurie de recrutement ». Par ailleurs, une telle disposition, juge le gouvernement, générerait « des difficultés pratiques importantes ».
Il reste à voir le sort qui sera fait à ces amendements, aujourd’hui, en séance.
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