Recours aux cabinets de conseil : en commission, les députés ajournent l'encadrement visant les collectivités
Par A.W.
« Nous avons tourné la question dans tous les sens. Aucune solution n’est satisfaisante. » Le député communiste du Cher, Nicolas Sansu, l’a répété : la proposition de loi (PPL) encadrant l’intervention des cabinets de conseil privés dans les politiques publiques - et dont il est le corapporteur - ne peut intégrer convenablement les collectivités dans son champ d’application.
« Aucune réelle dérive constatée »
Adopté en octobre 2022 par les sénateurs, ce texte est finalement arrivé ce mercredi à l’Assemblée, en commission, après avoir vu le jour à la suite des révélations sur l’influence croissante des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques, et notamment les « manquements » et le « manque de transparence » dans les administrations centrales. Un « phénomène tentaculaire », selon les termes du rapport de la commission d’enquête sénatoriale sur le sujet.
« Au regard de l'ampleur du sujet », la commission d'enquête a ainsi centré ses travaux sur le recours aux cabinets de conseil par l'État, excluant les collectivités territoriales de son champ d'investigation. Une question est alors devenue centrale, lors des débats qui se sont déroulés mercredi en commission : fallait-il aussi encadrer le recours des collectivités locales aux cabinets de conseil ?
L'un des arguments qui a décidé les rapporteurs de ne pas intégrer en urgence les collectivités dans ce texte, c’est qu’« aucune dérive réelle n'a été constatée en matière de recours aux prestations de conseil ». En outre, « les associations d'élus ont toutes insisté sur les difficultés que représenterait pour elles une transposition trop mécanique du texte qui semble inadapté à leurs enjeux », a ainsi souligné l’autre corapporteur du texte, le député des Yvelines Bruno Millienne (MoDem).
Amendements rejetés
Malgré tout, les députés socialistes et ceux du Rassemblement national ont tenté, en vain, d'intégrer les collectivités territoriales dans le champ de la proposition de loi (les députés Insoumis ayant pour leur part retiré leurs amendements).
Outre les régions et les départements, les premiers ont ainsi voulu inclure dans le dispositif d’encadrement les communes et les EPCI de plus de 100 000 habitants, quand les seconds préféraient le restreindre aux seules communes de plus de 350 000 habitants.
A l’instar des administrations centrales, ces dernières sont « concernées » par « les enjeux et problématiques relatifs aux recours aux cabinets de conseil » et disposent « de moyens budgétaires permettant le recours aux cabinets de conseil pour des prestations significatives » , ont justifié les députés RN.
Même raisonnement de la part de la députée socialiste de Saône-et-Loire Cécile Untermaier qui précise, dans son amendement, que « l’externalisation des compétences à l’échelon territorial conduit les collectivités territoriales au recours accru aux prestations de conseil sur de l’élaboration et l’évaluation de politiques publiques, de la gestion des ressources humaines, du marketing territoriale ou des conseils en urbanisme et aménagement du territoire ».
Assurant que les cabinets de conseil « ne sont pas les ennemis de l’action publique » et que « l’Etat recommande même parfois aux collectivités » - voire les « oblige » - à « avoir recours aux cabinets de conseils », elle a expliqué, lors des débats, qu’elle « ne comprendrai[t] pas que nous ne puissions envisager des mesures d’encadrement pour [la] propre sécurité » des collectivités.
Intégrer les collectivités selon les mêmes modalités que l’Etat, « ça n’a pas de sens », a rétorqué Nicolas Sansu puisqu’elles « ne peuvent pas être mises sur le même plan que les administrations centrales » : « Quand une prestation y est commandée, vous devez passer par l’assemblée délibérante, par une procédure formalisée, un appel d’offres, vous avez le contrôle de légalité, vous avez la chambre régionale des comptes, vous avez un compte administratif… Il y a donc déjà des documents ».
« Il faudra se saisir du problème »
Sans compter que « les amendements qui se basent sur les seuils de population ne tiennent pas », a renchéri Bruno Millienne. « Il nous faut plus de transparence, on le sait, mais le texte tel qu’il est issu du Sénat ne peut, en aucun cas, être appliqué aux collectivités. Il faut que ce soit un texte à part », les solutions étudiées par les rapporteurs n’ayant pas été satisfaisantes et risquaient de déséquilibrer la PPL dans son ensemble.
« Il n’empêche, il faudra trouver des solutions pour que les collectivités mettent plus de transparence et de règles déontologiques, comme dans le cas des conflits d’intérêts », a indiqué le député du Cher, tandis que son collègue des Yvelines a demandé que, « dès cet été, il faudra se saisir du problème et entamer une mission spécifique ».
Dans ce cadre, les députés ont décidé que le gouvernement devra remettre au Parlement, « avant le 31 décembre 2024 et après consultation des associations nationales d’élus locaux », un rapport étudiant « l’impact d’une éventuelle extension des dispositions de la présente loi aux collectivités territoriales et à leurs groupements sur le fonctionnement de ces collectivités et groupements ainsi que sur le marché du conseil au secteur public local ».
Pour rappel, une mission flash sur le champ d'application de la PPL avait conclu « qu'aucune donnée suffisamment précise n'existe actuellement pour estimer le montant global des prestations de conseil effectivement réalisées au bénéfice des collectivités locales ». La nature de ces prestations recouvrirait, par ailleurs, « une très grande diversité, en raison de la variété de leurs compétences ».
Reste que les auteurs de ce document ont pu entrevoir que « le recours par les collectivités locales à des prestations de conseil externes a fortement progressé au cours des dernières années et représente un enjeu non négligeable pour les finances publiques locales ».
Consulter le texte adopté en commision.
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