Gilles Carrez, nouveau président du Cnen : « La simplification doit être un objectif collectif ! »Â
Par Xavier Brivet
Dans un entretien accordé à Maires de France, le nouveau président du Conseil national d'évaluation des normes (Cnen), Gilles Carrez, s'est notamment dit favorable aux « clauses guillotines » qui consisteraient à supprimer des normes inutiles et coûteuses.
Vous présidez depuis début décembre le Cnen. Quelles sont vos priorités d’action ?
Le Cnen a examiné un flux de 1 160 textes entre 2019 et 2022. Nous devons en priorité réguler ce flux avec une exigence absolue : la protection des finances publiques locales. Nous devons éviter de créer des normes qui entraineront des dépenses supplémentaires pour les collectivités, dans un contexte où leurs budgets sont fragilisés notamment à cause de la perte d’une partie de leurs recettes fiscales. Les normes ont coûté environ 2,5 milliards d’euros aux collectivités pour la seule année 2022. C’était principalement lié à l’application de la règlementation sur l’isolation thermique des bâtiments publics. Mais cela montre la nécessité de réduire l’impact budgétaire des textes règlementaires. On ne peut plus se permettre cette dérive inflationniste. Il y a un consensus sur le sujet mais, curieusement, nous assistons depuis des années à une tendance inverse.
Comment comptez-vous réguler ce flux ?
L’Etat et le Parlement doivent moins légiférer et moins règlementer. Il faut revenir à une certaine sobriété en la matière. Et la loi ne doit pas tout prévoir, elle ne doit pas être trop précise car sinon, elle corsète l’action locale. Les Etats-généraux de la simplification, organisés en mars 2023 par le Sénat et le Cnen, ont abouti à la signature avec le gouvernement d’une charte d’« objectifs communs pour simplifier les normes applicables aux collectivités territoriales ». Nous allons travailler dans ce cadre et signer une charte similaire avec l’Assemblée nationale.
Quelles mesures proposez-vous ?
Le travail en amont est essentiel. Le Cnen va exiger que le gouvernement annonce à l’avance, au moins sur l’année à venir, les projets de textes législatifs et règlementaires en préparation dans les ministères et les administrations centrales, susceptibles d’avoir des incidences budgétaires pour les collectivités locales. Ceci permettra d’anticiper, de recenser les textes déjà existants sur tel ou tel sujet.
Nous voulons aussi que l’Etat produise des études d’impact plus approfondies sur les projets de loi car certaines étaient manifestement insuffisantes ces dernières années. Le Secrétariat général du gouvernement, le Cnen et le Conseil d’Etat doivent être beaucoup plus exigeants sur ce sujet.
Je propose également que les rapporteurs des textes de loi au Parlement participent aux réunions du Cnen lorsqu’il examine les décrets d'application de ces lois, afin de vérifier leur pertinence.
Le Sénat évoque un stock de 400 000 normes environ. Que faire ?
Nous devons développer les études « ex-post » permettant de faire le point sur l’application des textes législatifs et règlementaires, comme le Sénat le propose. Nous allons définir un certain nombre d’indicateurs clés permettant de mesurer s’il y a une disproportion entre les objectifs et leur coût budgétaire. Je suis favorable aux « clauses guillotines », proposées par le Sénat, qui consisteraient à supprimer des normes inutiles et coûteuses notamment dans le domaine du logement, de l’urbanisme et de l’aménagement.
Le Cnen peut être un catalyseur, autrement dit réunir les administrations centrales, les parlementaires, les élus locaux pour faire ce travail d’inventaire et d’évaluation. La simplification doit être un objectif collectif !
Vous souhaitez agir notamment dans le secteur du logement. Pourquoi ?
Je propose de suspendre l’application d’un certain nombre de normes coûteuses ou qui retardent la réalisation des projets portés par les élus. L’urgence concerne effectivement le secteur du logement : face à la crise de l’offre, il ne faut pas entraver et renchérir les projets de construction portés par les collectivités. Le parc de logements existants est aussi concerné.
Etes-vous favorable à une adaptation de la norme aux réalités locales ?
Oui mais cela suppose un Etat véritablement déconcentré avec un vrai pouvoir d’adaptation, voire de dérogation, confié au préfet, lequel devrait avoir autorité sur l’ensemble des administrations déconcentrées de l’Etat et ses multiples agences. Ces conditions sont essentielles pour entamer un dialogue avec les élus locaux permettant d’adapter l’application d’un texte. Chacun devrait aussi assumer la part de risque lié à cette application dérogatoire de la norme et assumer ses responsabilités.
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