ZFE : non, le gouvernement n'a pas « reculé »
Par Franck Lemarc
Assouplissement ou simple changement « sémantique » ? Christophe Béchu, dans la présentation qu’il a fait hier, s’est voulu clair : il ne s’agit que de « préciser les choses » , parce qu’il ne se « résoud pas aux fake news » qui prétendent que les ZFE vont priver des millions de Français du droit de se déplacer.
« Territoires de vigilance »
Le principal changement annoncé hier est, en effet, un changement de vocabulaire : jusqu’à présent, il était acquis qu’à partir de 2025, toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants devront mettre en place une ZFE (zone à faibles émissions). Pour une grande partie d’entre elles, le terme de ZFE va être gommé et remplacé par celui, moins clivant, de « territoires de vigilance ». Par ailleurs, le nombre de métropoles dans lesquelles des restrictions vont être imposées va diminuer, mais sans pour cela changer la loi. Explications.
Pour comprendre le débat, il faut rappeler deux éléments : les critères fixés par la loi pour imposer des ZFE, et le calendrier imposé par les lois Lom et Climat et résilience.
Le point essentiel à comprendre est que l’instauration d’une ZFE n’est pas forcément synonyme de restrictions. Dans l’état actuel du droit, la création d’une ZFE est obligatoire à partir d’un certain seuil (150 000 habitants, dès 2025), mais la mise en place de restrictions de circulation dans les ZFE n’est obligatoire qu’à partir du moment où l’agglomération concernée dépasse des valeurs limites de qualité de l’air. Autrement dit, une agglomération peut être une ZFE mais n’instaurer quasiment aucune restriction, si la qualité de l’air y est satisfaisante. Seule exception : les véhicules immatriculés avant le 31 décembre 1996 seront systématiquement interdits dans toutes les ZFE.
Quant au calendrier prévu, il est le suivant : d’abord, les 10 agglomérations où un dépassement régulier des valeurs limites de qualité de l’air a été constaté en 2020. Il s’agit de Paris, Lyon, Aix-Marseille, Toulouse, Nice, Toulon, Strasbourg, Rouen, Montpellier et Grenoble. Ces métropoles sont déjà obligées de mettre en place une ZFE, et toute l’ont fait, sauf Toulon.
Ensuite, viennent toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants (il y en a 37). La loi les oblige à mettre en place une ZFE au plus tard le 31 décembre 2024.
Mais qu’il s’agisse des premières ou des deuxièmes, les restrictions ne sont obligatoires dans la ZFE que si, et seulement si, la qualité de l’air est toujours insatisfaisante.
En d’autres termes : si la mauvaise qualité de l’air persiste, la collectivité devra décider de restrictions de circulation ; si la qualité de l’air s’est améliorée, les restrictions ne sont pas nécessaires (en dehors de celle des véhicules immatriculés avant 1996, dits véhicules non classés).
5 agglomérations « sortent » des restrictions
Or, a expliqué hier Christophe Béchu, sur les 10 première métropoles concernées, cinq ne dépassent plus les valeurs limites à ce jour. Elles « sortent » donc de l’obligation d’instaurer des restrictions de circulation. Seules 5 agglomérations restent soumises à ces contraintes : Paris, Lyon, Aix-Marseille, Rouen et Strasbourg. Ces agglomérations devront, a minima, interdire les automobiles Crit’Air 4 le 1er janvier prochain et Crit’Air 3 le 1er janvier 2025.
Les autres – et c’est cela le changement essentiel annoncé hier – ne s’appelleront donc plus des ZFE mais des « territoires de vigilance ». Elles n’auront pas d’autre obligation que d’interdire la circulation des véhicules non classés. Pour être précis, signalons que sur ces 37 agglomérations, 6 ont déjà créé une ZFE, et n’auront donc rien à faire. Il reste donc 31 agglomérations qui devront créer non plus une ZFE mais « un territoire de vigilance » d’ici au 1er janvier 2025.
Christophe Béchu a été on ne peut plus clair, hier : « Qu’est-ce que c’est qu’un territoire de vigilance ? C’est un territoire dans lequel je ne dépasse pas les seuils, et dans lequel la nature de mes obligations n’est pas la même que quand je dépasse les seuils » . Bien évidemment, la situation n’est pas figée : si les seuils de qualité de l’air évoluent à la baisse, dans le temps, un « territoire de vigilance » pourra se voir obligé de passer en ZFE, avec obligations de restrictions.
« Tout cela est très exactement ce qu’il y a dans la loi de 2019 et dans la loi de 2021, sans aucun changement », a martelé le ministre. « Sauf celui du nom, pour qu’on arrête de [désigner] comme réalité unique des choses qui n’ont rien à voir » . Le ministre espère que ce changement sémantique permettra « d’éviter les rumeurs sur les exclusions sociales ».
Il a également clairement précisé que les élus locaux, dans les territoires de vigilance ou les ZFE, sont « parfaitement en droit » d’imposer des restrictions plus strictes, « mais ce n’est en aucun cas une obligation légale ».
Respect de la loi
Ce que dit Christophe Béchu est exact : tous les textes mentionnant les ZFE (Lom, loi Climat et résilience et décret n° 2020-1138 du 16 septembre 2020 précisent que les restrictions de circulation ne sont légalement obligatoires que lorsque les territoires concernés « ne respectent pas de manière régulière les normes de qualité de l’air ».
Ces normes sont clairement établies : il s’agit du dépassement, « au moins trois années sur les cinq dernières années civiles », des valeurs limites des émissions de dioxyde d’azote ou de particules fines.
On peut donc considérer qu’il n’y a, dans les annonces d’hier, ni « recul » ni « assouplissement » , mais une application stricte de la loi, assortie d’un simple changement de vocabulaire.
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