Les propositions de France Stratégie pour mettre en oeuvre la planification écologique
Face à la « triple crise, écologique, sociale et démocratique (que) nous traversons », France Stratégie souhaite, dans un rapport publié hier, « rénover la fabrique de l’action publique » afin de répondre aux nombreux défis interdépendants qui pèsent sur le pays et sur « l’humanité ».
Initié avec la crise des Gilets jaunes, puis alimenté par la crise sanitaire, ce rapport pointe « les difficultés à concilier les enjeux de transition écologique et de justice sociale dans la conception et la conduite de l’action publique ».
Impasses et conflits de soutenabilités
Bien que la politique de lutte contre le réchauffement soit « urgente » et « requière des actions de grande ampleur, des investissements lourds, des changements d’habitudes dans nos vies quotidiennes », rappellent les auteurs de ce travail débuté il y a deux ans, cette politique est vouée à « échouer » si « elle ne s’accompagne pas de justice et de progrès social » et si « les citoyens ont le sentiment de ne pas avoir de véritable choix, de perspective d’avoir leur mot à dire sur les options qui engagent leur avenir ».
Or le pays doit faire face à des « conflits de soutenabilités », selon eux. C'est le cas du « modèle social », qui se voit bousculé par des « bouleversements démographiques » tels que « le vieillissement » et « les migrations », du modèle économique français, dont la soutenabilité est « corrélée à une croissance suffisante de notre PIB » qui a « structurellement ralenti », ou encore des réponses environnementales qui se voient ralenties par « des tensions, voire des crises (géo)politiques internationales » qui « contrai(gnent) à réviser les trajectoires de la transition écologique ».
« Nous savons que les coûts de l’inaction ne feront que croître, et pourtant nous réagissons souvent trop lentement et trop peu face à ces défis », estiment-ils, en rappelant qu’à ces multiples « impasses » s'ajoute une « grande défiance démocratique ».
En effet, ces « immenses défis apparaissent d’autant plus difficiles à relever » que « les inquiétudes sur la soutenabilité de nos modèles économique et social, les fragilités et les inégalités, réelles et perçues, qu’aggrave la crise environnementale, mettent en tension la démocratie en contribuant à miner l’adhésion au contrat social et politique ».
Ainsi, pour « bon nombre de citoyens », « la capacité de l’État à mettre en œuvre des orientations qui résultent de l’expression des préférences collectives et d’une appréciation des besoins communs » reste ainsi très « limitée ».
Planification
Pour sortir de ces impasses, France Stratégie juge que le pays a besoin « d’un nouveau contrat qui mobilise et engage tout le corps social autour de la réorientation de notre modèle de développement ».
L'Institution de prospective rattachée à Matignon estime ainsi qu’il faut « revoir en profondeur les procédures administratives de fabrique et de pilotage des politiques publiques » ainsi que les outils et les indicateurs qui les sous-tendent.
Pour y parvenir, l'organisme propose d’adopter « une approche qui couvre large ("orchestrer") et qui voit loin ("planifier") », le rapport insistant longuement sur l'importance de la « planification ». Il recommande ainsi « un nouveau référentiel de l’action publique » : « Une vision de long terme, qui répond aux besoins d’aujourd’hui sans oublier les intérêts des générations futures, qui dépasse les divisions traditionnelles de l’action publique en silos (l’environnement, la santé, le social, l’éducation, les politiques économiques, industrielles, agricoles…), et qui, à chaque étape, veille à la bonne articulation de toutes les formes de la démocratie ».
Une approche qui serait « durable, systémique et légitime », selon France Stratégie qui souhaite la mise en place de nouveaux outils et modes d’organisation.
En pratique, cette approche pourrait se décliner à travers une « stratégie nationale des soutenabilités », qui devrait concilier protection de la planète, progrès social et développement économique.
Mais cette feuille de route ne serait pas décidée seulement par le gouvernement. Le « renforcement démocratique » serait nécessaire et la « participation citoyenne » devrait être prise en compte. « Il s’agit de mettre en place un continuum délibératif qui repose à la fois sur la participation citoyenne, sur l’amélioration du travail parlementaire (études d’impact, etc.) et sur une meilleure articulation entre les deux », expliquent les auteurs du rapport.
Orchestration et réseau de référents dans les territoires
Pour organiser tout cela et éviter la concurrence entre les ministères notamment, ils préconisent la création, auprès du Premier ministre d’un « orchestrateur » des soutenabilités. Une proposition qui rappelle celle d'Emmanuel Macron, lors de la campagne, promettant de nommer un Premier ministre « directement chargé de la planification écologique ».
Reste que ce « pilote clairement identifié » devra garantir la conciliation des différents objectifs sur le long terme. Celui-ci aurait ainsi pour responsabilités « l’élaboration de la stratégie nationale, l’expertise et la prospective, le conseil et l’arbitrage, la coordination des feuilles de routes sectorielles et territoriales, l’évaluation, l’animation du débat public et la constitution d’un centre de ressources ».
Cet orchestrateur serait « par nature collaboratif » et devrait agir « à la fois en complément et en relation avec les administrations des ministères, des collectivités territoriales mais aussi avec tout l’univers des opérateurs et agences aux périmètres et missions tangentes aux enjeux de soutenabilités ».
« La dimension collaborative de l’orchestration des soutenabilités pourrait également se traduire par la création d’un réseau de référents ou points de contacts, aux moyens dédiés, dans chaque ministère et opérateur concerné, ainsi que dans les territoires (en préfecture et/ou dans les collectivités) », propose France Stratégie.
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