Implantation des antennes-relais : des clés pour préserver les paysages et la biodiversité
Par Lucile Bonnin
Alors que le déploiement de la 5G gagne du terrain au sein des territoires, la question de l’implantation des antennes-relais fait l’objet de plus en plus de débats au sein des communes. La raison principale : certains projets de construction peuvent être considérés comme préjudiciables pour le paysage et la biodiversité d’un territoire.
Le 22 avril dernier, le Programme France Mobile de l’ANCT et le ministère de la Transition écologique ont publié à ce sujet un guide pratique intitulé Antennes relais, un guide pratique pour l’intégration paysagère et la prise en compte des enjeux de biodiversité. Il s’adresse aux opérateurs mobiles et d’infrastructures mais aussi aux collectivités locales « qui instruisent les autorisations requises pour l’installation de ces antennes. »
Il est précisé par les auteurs que ce document n’a pas de valeur juridique et implique plutôt des recommandations d’ordre général pour répondre à ces problèmes d’intégration d’ordre urbanistiques et environnementaux.
Un seul mot d’ordre : mutualiser
Le but de ce guide est d’abord d’encourager une implantation d’antennes-relais sans impact sur l’environnement. Car, dans de nombreux territoires, on constate malheureusement une sorte d’invasion d’antennes-relais. C’est ce que rapportait notamment le député de la Haute-Garonne Joël Aviragnet à l’occasion d’une question adressée à l’Assemblée nationale : « Les différents opérateurs de réseaux mobiles implantent chacun des antennes-relais sur différents terrains afin d'obtenir la meilleure couverture possible. Cette situation entraîne une multiplication des installations, qui portent atteinte au paysage et peuvent provoquer des craintes et des mécontentements de la part des habitants des communes concernées. »
Le guide insiste donc sur le fait qu’il faille installer les antennes-relais en priorité sur les supports existants. Si cette recommandation semble relever du bon sens, il est plus difficile de l’observer en application. En effet, les opérateurs se sont lancés dans une course effrénée pour assurer rapidement la meilleure couverture à leurs clients dans tous les territoires. Résultats : certaines conceptions de projets seraient bâclées et décriées par de nombreux collectifs et associations qui se sont récemment créés en France. Le guide conseille donc l’étude de « toutes les solutions techniques pour identifier celle qui permettra la meilleure intégration paysagère. »
Il y a deux ans, la sénatrice Annick Billon constatait déjà que « chaque opérateur cherche à s'implanter sur la meilleure parcelle afin d'obtenir la meilleure couverture réseau possible. Or, une telle situation concourt à une dispersion des installations portant atteinte au paysage, allant jusqu'à provoquer des conflits de voisinage. » Ainsi, si « aucun support existant ne peut accueillir le projet, il convient de définir la localisation en s’appuyant sur une analyse croisant les enjeux paysagers avec les contraintes techniques liées à l’implantation de l’antenne » , est-il indiqué dans le guide.
Respect du patrimoine paysager et naturel
Comme le rappelle l'Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), « les antennes ne sont pas installées, ni mises en service, librement. Chaque projet d’implantation est soumis à plusieurs réglementations complémentaires parmi lesquelles on compte notamment les aspects « droits des sols, urbanisme et protection des sites » [qui] relèvent des autorités locales (notamment mairie) ou étatiques (Directions départementales de l’équipement, Architectes des bâtiments de France) dans le cadre de la déclaration de travaux ou de la demande de permis de construire, selon les caractéristiques des sites concernés. »
Les sites classés ou inscrits font l’objet de protections spécifiques : « Tous les travaux susceptibles de modifier l’aspect ou l’état d’un site (classé, inscrit ou en instance de classement) sont soumis au contrôle du ministre chargé des sites ou du préfet de département. » Dans ces cas, les porteurs de projets sont encouragés à se rapprocher des services locaux de l’État. Il est rappelé aussi qu’en site classé, les nouveaux réseaux électriques et téléphoniques doivent obligatoirement être enfouis.
En ce qui concerne le patrimoine naturel, les classements comme les parcs naturels régionaux (PNR), le réseau Natura 2000, les parcs nationaux, les réserves naturelles, les espèces protégées et les arrêtés préfectoraux de protection (APP), sont à prendre en compte dans le déploiement d’un projet d’implantation d’antennes-relais. Les auteurs du guide recommandent en général une consultation très en amont des projets. C’est notamment lors de l’étape de la consultation publique que les opérateurs informent les communes de leur projet et que les enjeux paysagers locaux et stratégies définies doivent être prises en compte. « Cette étape est l’occasion pour les élus locaux d’identifier les difficultés qui pourraient ralentir la réalisation du projet » , peut-on lire dans le guide.
Les compétences des maires éludées
Le guide peut se résumer ainsi : l'implantation d'antennes-relais doit se faire « en harmonie » avec les paysages et la biodiversité des territoires. Il exclut cependant la question des revendications des habitants et l’avis des élus des territoires concernés (certains redoutent la nocivité des ondes par exemple).
Le sénateur Hervé Maurey soulignait en février 2020 au Sénat que les pouvoirs des maires étaient « limités » en matière d'implantation d'antennes-relais. « Le maire peut principalement refuser ou imposer des prescriptions spéciales » à un projet d’installation mais « s'agissant des risques sanitaires, le juge administratif a constamment rejeté les restrictions d'implantation définies par les maires, en l'absence d'éléments circonstanciés faisant apparaître, en l'état des connaissances scientifiques, des risques. » Il défendait alors, « notamment pour améliorer l'acceptabilité de ces implantations », la possibilité de « donner au maire plus de pouvoirs ou a minima de lui permettre de peser davantage dans le choix du site d'implantation d'une antenne-relais. »
Plus récemment encore, le député Joël Aviragnet faisait remarquer à l’Assemblée nationale que « les maires (…) ne disposent d'aucun pouvoir de contrôle ni d'autorisation concernant ces installations ; la compétence du maire est complètement inactive lorsque l'implantation est projetée sur un domaine privé. » Le député avait alors envisagé la possibilité pour le gouvernement d’élargir « les compétences des maires pour leur permettre d'exercer en responsabilité les arbitrages entre les exigences d'aménagement du territoire et celles de préservation de l'environnement ; cette compétence leur permettra d'associer la population et de redonner aux collectivités locales la maîtrise de ces implantations. »
La réponse du gouvernement avait été négative dans les deux cas et cette problématique de gouvernance n’a pas fait l’objet d’un point dans ce nouveau guide qui rappelle avant tout les obligations juridiques des opérateurs et les bonnes pratiques à mettre en œuvre.
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