Bon départ pour le Fonds vert
Par Franck Lemarc
Le Fonds vert connaît un démarrage fulgurant. Le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, s’en est félicité, mercredi, en répondant aux questions des sénateurs : six jours après la mise en ligne des formulaires permettant de candidater au Fonds vert, « 1 800 collectivités ont déposé un dossier ». La preuve, selon le ministre, « de la volonté des collectivités de se saisir de la transition énergétique ». Christophe Béchu a précisé que les axes « éclairage public » (350 demandes) et surtout « rénovation thermique des bâtiments » (800 demandes) étaient les plus sollicités, mais que « toutes les lignes font l’objet d’ouverture et de demandes ».
Le filet de sécurité peu utilisé
Le même ministre s’est également exprimé, hier, devant la Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de l’Assemblée nationale, en introduisant un débat sur « l’investissement des collectivités territoriales dans la transition énergétique » . Il a répété ces chiffres sur le Fonds vert, précisant que le ministère reçoit en moyenne « 300 demandes par jour ». Christophe Béchu a donné à cette occasion une précision intéressante sur les enveloppes départementales – c’est-à-dire la ventilation des deux milliards d’euros du fonds dans les différents départements : « Tous les préfets de département connaissent les chiffres depuis le début du mois de janvier. » Il ne serait pas inutile, à des fins de transparence, que ces chiffres soient publiés, tout comme les critères qui seront mis en avant dans chaque département, puisque l’on sait que les préfets auront « toute latitude » pour déterminer quels sont les axes qu’ils souhaitent prioriser.
Si le Fonds vert connaît un succès important, il n’en va pas de même pour le « filet de sécurité » voté en loi de finances. Le ministre s’est dit frappé par le « faible nombre » de dossiers qui ont été déposés à ce jour, environ 4 100 – soit moins de 12 % des communes. Ce chiffre n'étonnera pas l'AMF, qui estime depuis le début que les critères d'accès au filet sont trop restrictifs.
Christophe Béchu estime, lui, que ce nombre assez faible s’explique par le fait que les communes n’ont, globalement et même si cela apparaît « contre-intuitif », pas de difficultés majeures de trésorerie – rappelons pour mémoire que le filet de sécurité s’applique selon un critère de baisse de l’épargne brute. Début 2023, les dépôts des communes au Trésor étaient « en hausse », a révélé le ministre. Cette déclaration peut surprendre : le ministre, ancien maire, ne peut ignorer que trésorerie et épargne sont deux choses très différentes.
Il a en tout cas exprimé la crainte que les crédits du filet de sécurité ne soient pas consommés. « Il serait souhaitable de se demander comment les réaffecter si c’était le cas, plutôt que de se retrouver dans une situation où il y aurait une reprise par Bercy, au détriment de l’investissement des collectivités locales. »
« Quoi qu’il en coûte »
Christophe Béchu a également évoqué la question des « budgets verts ». « Je vous invite à une chose, a-t-il demandé aux députés, c’est à laisser les collectivités locales travailler. N’allons pas fixer une norme nationale, n’allons pas nous substituer à des associations d’élus qui sont en train de travailler pour nous proposer un dispositif. Je trouve souhaitable, en termes de confiance, qu’on laisse toutes celles qui ont déjà initié des process de ce type sans y être contraintes par la loi de faire remonter leurs bonnes pratiques. » L'AMF est en train de mener, en ce moment même, un travail sur ce sujet avec I4CE.
Revenant sur la question de l’investissement, l’ancien maire d’Angers s’est dit favorable à « une forme de ‘’quoi qu’il en coûte’’ d’investissements ». « L’argent public ne pourra pas tout, parce que le mur d’investissements que nous avons devant nous dépasse les capacités budgétaires des collectivités et de l’État. » Il convient donc de « débrider la capacité d’investissement », autrement dit : trouver « comment on peut engager des investissements sans épargne et sans avance ».
Tiers financement et « dette verte »
Sur ce sujet, le ministre croit fermement au « tiers financement » : « On fait des travaux tout de suite, et ils sont remboursés pendant la durée d’amortissement par les économies de fonctionnement qui sont rendues possibles ». On parle de tiers financement lorsque le coût des travaux est assumé par un tiers, qui est ensuite remboursé grâce aux économies générées – ce système est, par exemple, tout à fait applicable aux travaux de rénovation thermique des bâtiments. Le ministre s’est félicité de l’adoption récente par l’Assemblée nationale d’une proposition de loi sur ce sujet (lire Maire info du 20 janvier) et a espéré que les sénateurs suivront les députés.
Reste que ce dispositif pose un problème financier, qu’a détaillé le ministre : « À partir du moment où vous faites un investissement qui n’est pas gagé sur une recette mais par une baisse de dépenses, il doit être aggloméré dans vos ratios et dans votre capacité de désendettement, ou dans votre ration d’endettement. Et cela peut représenter un frein, puisque le niveau de dette par habitant fait partie des indicateurs du débat politique local. » En d’autres termes, un maire pourrait hésiter à faire jouer ce type de leviers pour éviter de se voir taxé de faire exploser le niveau de dettes de sa commune.
Le ministre souhaite donc « réhabiliter une dette qui permette d’éviter des dépenses à venir et qui permette des gains climatiques immédiats, c’est l’idée de la ‘’dette verte’’ ». Christophe Béchu a appelé les députés à « travailler » sur ce sujet.
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