Toujours de vives inquiétudes sur les festivals de l'été 2024
Par Franck Lemarc
C’est Gérald Darmanin, le ministre de l’Intérieur, qui a allumé la mèche la semaine dernière en expliquant, devant une commission du Sénat, que la mobilisation massive des forces de l’ordre pendant les Jeux olympiques de 2024 allait conduire à reporter ou annuler « tous les événements en France qui demandent des unités de force mobile ou qui demandent la présence très forte de nombre de policiers » (lire Maire info du 2 novembre). Le ministre a également annoncé, ce qui en a surpris plus d’un, qu’il n’y aurait « pas de CRS sur les plages cette année-là ».
L’AMF avait vivement réagi à ces propos en s’inquiétant de la perspective d’annulation des festivals, « événements (…) essentiels à la vie culturelle du pays, (qui) alimentent l’économie et l’emploi local, et participent au rayonnement de la France » . L’association avait également soulevé les graves risques posés par une éventuelle absence des CRS sur les plages.
Quatre phases de tension
Avant-hier, les organisations professionnelles liées à l’organisation des festivals ont été reçues par la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak. On a appris à cette occasion que, bien avant les déclarations de Gérald Darmanin, ce sont les professionnels eux-mêmes qui ont fait remonter le problème au ministère, et dénoncent aujourd’hui le « manque d’anticipation » du gouvernement, alors que la programmation des grands festivals de 2024 est déjà lancée depuis longtemps.
La ministre de la Culture a expliqué aux fédérations, lors de cette réunion, que l’été 2024 connaîtrait « quatre phrases de tension » : le passage de la flamme olympique à partir du 23 juin, les Jeux eux-mêmes (le village olympique ouvrira le 18 juillet). Puis, sans lien avec les Jeux, les festivités liées à la commémoration des 80 ans de la libération de Paris ; et enfin les Jeux paralympiques en septembre.
Hormis ce calendrier, aucune information concrète n’a été donnée, si ce n’est que les décisions seront prises au « cas par cas » . Une nouvelle réunion a été prévue en décembre. Il a été évoqué, lors de cette réunion, une question indépendante de celle des forces de l’ordre, mais non moins préoccupante : celle de la disponibilité des moyens techniques et techniciens pendant cet été. Là encore, il est probable qu’une très grande partie des professionnels du son et de la lumière vont être mobilisés sur les JO – et les professionnels se demandent ce qui leur restera.
Cas par cas
La question est arrivée dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale, hier, avec une interpellation du député breton Paul Molac. Il a rappelé l’importance économique des festivals pour les territoires, et jugé que les Jeux olympiques seront, eux, un événement « qui bénéficiera surtout à la région parisienne ». Paul Molac a donc demandé au gouvernement si celui-ci pouvait « garantir que les grands événements festifs et culturels pourront se dérouler à l’été 2024 dans nos régions ».
La ministre des Sports, Amélie Oudéa-Castéra, a répondu que les JO seront « une formidable fête populaire pas seulement en Île-de-France » , mais a assuré que « nous souhaitons tous qu’il y ait des festivals en 2024 ».
La ministre a confirmé une démarche de « cas par cas » : « Nous allons évaluer, en lien avec les acteurs, les élus et les préfets (…), pour chacun des festivals directement concernés par le calendrier des Jeux, les aménagements ou les alternatives que nous devons trouver en matière de date, de format et de modalités de sécurisation. » Une réponse qui n’a guère plus rassuré le député Molac que la réunion de la veille avait rassuré les professionnels.
Explosion des coûts
Le débat est d’autant plus sérieux que les festivals font face à de multiples difficultés, d’abord liées aux deux années blanches du covid-19. Mais c’est maintenant l’inflation qui s’invite dans la discussion : les festivals d’automne font tous état, d’une part, d’une flambée des coûts et, d’autre part, d’un déficit de public lié à la perte de pouvoir d’achat des festivaliers eux-mêmes.
Plusieurs exemples de la hausse des frais d’organisation sont donnés par la presse locale. Ainsi, le festival Yzeures n’rock à Yzeures-sur-Creuse, en août dernier, a compté une augmentation de 250 000 euros de ses frais par rapport à la précédente édition. Le festival Terre de son, en Indre-et-Loire, a coûté 500 000 euros de plus qu’en 2019.
À quoi il faut ajouter une diminution de la fréquentation : la plupart des festivals enregistrent une baisse de 15 à 20 % de la fréquentation. Ce qui s’explique en partie par les retombées du covid-19 – une partie du public a perdu l’habitude d’aller dans les festivals et n’y retourne plus – et, par ailleurs, par la baisse du pouvoir d’achat liée à l’inflation qui fait que de nombreux citoyens modestes ne peuvent plus se permettre la dépense d’un festival.
Tout porte à croire qu’il y a une certaine urgence, pour le ministère de la Culture, à prendre ces problèmes à bras le corps. Une annulation de tout ou partie des grands festivals, en 2024, serait, selon tous les professionnels, un coup fatal dont certains festivals ne se relèveraient pas.
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