Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du vendredi 4 novembre 2022
Budget

Encadrement des dépenses : les élus locaux dénoncent un « passage en force » du gouvernement

L'AMF et Régions de France critiquent un nouveau dispositif « encore plus contraignant » que les contrats de Cahors, tandis que le gouvernement souligne son aspect « provisoire ». D'autres amendements au projet de loi de finances (PLF) qui ont été sélectionnés par l'exécutif sont également à retenir.

Par A.W.

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© Ass. nationale

« Mécanisme punitif aveugle », « nouvel acte de défiance envers les collectivités », « libre administration atteinte » … Les réactions n’ont pas tardé, après le discret rétablissement dans le PLF, mercredi, via le 49-3, d’un dispositif d’encadrement des dépenses des collectivités locales qui s’apparente à des nouveaux contrats de Cahors, bien que Bercy réfute cette idée et continue à privilégier l’appellation de « contrats de confiance ». 

La constitutionnalité du dispositif en question 

Du côté des associations d’élus d’abord, l’AMF a dénoncé un « passage en force »  du gouvernement, « passant outre le rejet par le Parlement »  de ce dispositif. Initialement, ce mécanisme, qui prévoit de limiter la progression de la dépense locale, avait été intégré dans le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP) entre 2023 et 2027, avant d’être rejeté en première lecture par l'Assemblée nationale, puis par le Sénat.

« Par rapport aux premiers contrats de Cahors, l’encadrement des budgets locaux est encore plus contraignant, s’applique à plus de collectivités, celles dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros », s'alarme l’association qui le trouve d’autant plus « injustifié »  qu’il est fondé sur « une hypothèse d’évolution de l’inflation très inférieure à la plupart des estimations, qui la chiffrent au-delà de 5 % en 2023 ».

Outre le fait qu’il porterait « atteinte à la libre administration des collectivités locales », l’association rejette l’argument avancé par le gouvernement selon lequel « nos engagements européens »  imposeraient la mise en place d’un encadrement des dépenses des administrations publiques locales « puisqu’au sein de l’Union européenne, la dette des collectivités françaises et le poids des dépenses locales dans les dépenses publiques sont nettement inférieurs à la moyenne européenne ».

Par ailleurs, l’AMF s’interroge sur « la constitutionnalité même du dispositif au regard du respect du principe d’annualité budgétaire régissant les projets de lois de finances ». Or le projet de loi de finances pour 2023 fixe, pour ces « Cahors 2 », une trajectoire et un objectif sur cinq ans, jusqu’en 2027.

De la même manière, Régions de France critique un dispositif « plus contraignant encore »  que le précédent et considère cette mesure comme « inutile », puisque « les collectivités ne participent pas au déficit public ». Sa présidente, Carole Delga, demande ainsi « un changement de méthode basé sur la confiance pour investir dans nos territoires ». 

« Un dispositif provisoire », selon le gouvernement 

Du côté de l’Assemblée, la députée du Puy-de-Dôme spécialiste des collectivités, Christine Pires Beaune (PS), estime que la réintroduction de ces nouveaux contrats est « une très mauvaise nouvelle »  pour ces dernières.

Son groupe a d’ailleurs publié un communiqué dans lequel il considère que ces dispositions « réintroduites de manière dissimulées »  par l’exécutif dans le PLF pour 2023 est « un nouvel acte de défiance envers les collectivités » : « Le message du gouvernement est clair, qu’importe les associations d’élus locaux, l’avis du Sénat, ou le vote négatif de la majorité des députés, il imposera sa trajectoire de rigueur budgétaire aux collectivités et le mécanisme punitif aveugle qui l’accompagne ».

Reste que, dans son amendement, le gouvernement souligne rapidement que le dispositif tel qu’il est présenté dans le projet de budget n’est que « provisoire » … « dans l’attente des débats sur le PLPFP au Sénat et d’échanges complémentaires avec les associations d’élus ». Il laisse donc entendre qu’il pourrait possiblement encore évoluer.

DGF, Fpic, DETR… les autres amendements retenus

Bien que la mission consacrée aux « collectivités »  n’a pas été débattue en séance (seulement en commission), le gouvernement a retenu toute une série d’autres amendements les concernant.

Concernant la DGF, le gouvernement a décidé « qu’aucune minoration ne sera appliquée à la dotation forfaitaire des communes en 2023 »  malgré l’augmentation de la DSR et de la DSU. « Les attributions individuelles au titre de cette dotation n’évolueront donc, à périmètre constant, qu’en fonction de la population », précise l’exécutif. « Afin de répartir l’abondement de DGF sur le plus grand nombre de communes », il ajoute que « la hausse de la DSR en 2023 sera réparti au minimum à 60 % sur sa deuxième fraction dite « péréquation », qui bénéficie à la quasi-totalité des communes ».

Enfin, l’amendement du gouvernement ne prévoit pas de suspendre le dispositif de minoration sur la dotation de compensation des EPCI, celle-ci devrait donc s’appliquer en 2023 pour financer les impacts de la progression de la population. Ainsi, « les éventuelles minorations liées, par exemple, au coût de l’augmentation de la population, seront prélevées sur les montants intercommunaux correspondant aux montants antérieurement perçus au titre de la compensation part salaires (CPS) ».

S’agissant de la dotation biodiversité, le gouvernement propose d’élargir la dotation aux communes situées dans un parc national, alors que seules les communes situées en cœur de parc national bénéficient jusqu’à présent de la dotation. Pour les communes situées dans un parc naturel régional, il prévoit également d’augmenter le nombre de communes éligibles, en relevant le plafond fixé en terme de potentiel financier de la commune.

Afin de verdir la DETR et la Dsil, le caractère écologique des projets sera pris en compte lors de la fixation des taux de subvention.

Du côté du Fpic, une garantie pérenne de sortie plus progressive est créée. Celle-ci s’effectuerait sur quatre années (90 %, 70 %, 50 % puis 25 % du reversement perçu l’année précédant la perte d’éligibilité). L'objectif est de permettre aux collectivités qui perdraient leur éligibilité au fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales d’amortir plus progressivement ces pertes (notamment du fait des évolutions des indicateurs financiers).

Au regard des difficultés posées par le partage de la taxe d’aménagement (TA) entre les communes et leur intercommunalité, un assouplissement des modalités de partage de la TA est acté en laissant les élus « définir librement »  la clé de répartition. Il est également prévu de supprimer les nouveaux délais de délibération.

En ce qui concerne les communes nouvelles, il a été décidé de maintenir la dotation « élu local »  des communes nouvelles créées à compter du 1er janvier 2023 en basant son mode de calcul sur chacune de ses communes déléguées. Le but est de lever un frein au regroupement des plus petites communes en termes de population, puisque, comme l'expliquent les députés LIOT à l'origine de l'amendement, « certains projets de regroupement de communes en commune nouvelle ont été freinés - voire annulés - du fait de la perte inévitable de la dotation élu local »  dans certains cas.

Il a, par ailleurs, été décidé de réformer la dotation pour les titres sécurisés (DTS) dans le but d’apporter un soutien financier supplémentaire de 20 millions d’euros aux communes chargées du recueil des demandes de titres. 

On peut aussi retenir la revalorisation de 10 %  des salaires des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) à partir de septembre 2023.

À noter également l’ouverture d’une nouvelle période de candidature à l’expérimentation du compte financier unique pour les comptes de l’exercice 2023 qui seront produits au cours du premier semestre 2024. « Le premier appel à candidatures lancé en 2019 a mobilisé plus de 500 collectivités et le second appel à candidatures lancé en 2021, près de 2 000 collectivités supplémentaires », selon l’amendement concerné.

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