Services publics : l'impact des inégalités d'accès sur le vote des Français
Par Emmanuelle Quémard
Les Français demeurent très attachés à l'égalité d'accès aux services publics, mais ils constatent que leurs rapports avec les administrations sont de plus en plus difficiles. Un double sentiment qui n’est pas sans conséquence sur leur vote lors des derniers scrutins électoraux. C’est en substance ce que montre un sondage réalisé par OpinionWay pour le groupe de réflexion Le Sens du service public, en partenariat avec la Fondation Jean-Jaurès. Publiée le 4 février, cette enquête en ligne basée sur un échantillon représentatif de 2 061 personnes met tout d’abord en évidence le regard très critique porté par la population française sur la qualité des services publics. Plus de six répondants sur dix (61 %) se déclarent, en effet, « pas satisfaits » de la qualité des services rendus par les différentes administrations ; 18 % d’entre eux indiquant même qu’ils ne sont « pas du tout satisfaits ». Ce désamour vis-à-vis des services publics est assez partagé dans l’Hexagone, mais des pics d’insatisfaction apparaissent dans les régions Grand-Est (70 % d’insatisfaits), Centre-Val de Loire (67 %), Île-de-France (66 %) et Occitanie (64 %).
À l’inverse, sans se montrer enthousiasmés par leurs services publics, les habitants des régions Bretagne (51 % de satisfaits), Bourgogne Franche-Comté (51 %), Provence-Alpes-Côte d’Azur (49 %) et Corse (49 %) portent un jugement un peu moins négatif sur le travail des administrations. À noter que parmi les Français se déclarant les plus satisfaits, les hommes (39 %) et les femmes (40 %) sont équitablement représentés, tandis que les jeunes (47 % des 18-24 ans et 45% des 25-34 ans) portent un regard plus positif sur les services publics que les répondants plus âgés (seulement 32% de satisfaits chez les 50-64 ans). Le sondage indique, par ailleurs, que les personnes appartenant aux catégories sociales supérieures se montrent plus critiques (60 % des CSP+) vis-à-vis de la qualité des services publics. Une proportion quasiment identique à celle que l’on rencontre chez les inactifs (59 %).
OpinionWay analyse, en outre, l’impact de cette insatisfaction sur le vote des Français. L’institut de sondage montre ainsi que ce sentiment prédomine fortement chez les électeurs d’extrême droite (69% de mécontents contre 31 % de satisfaits). Même tendance chez les abstentionnistes (61% contre 38 % de satisfaits). À l’opposé, on trouve les plus importants contingents d’électeurs satisfaits des services publics parmi les supporters de la majorité présidentielle (63 % de satisfaits), de ceux d’Europe écologie-Les Verts (57 %) et des votants en faveur du Parti Socialiste (41 %). Parmi ceux qui se déclarent les plus insatisfaits, les plus nombreux sont les électeurs du Rassemblement National (70 %), de La France Insoumise (69 %) et des Républicains (63 %).
Les fractures s’aggravent dans les territoires ruraux et les centres des villes en déclin
L’enquête d’opinion met également en évidence le rapport entre le niveau de satisfaction exprimé vis-à-vis des services publics et la typologie des territoires où vivent les répondants. Ainsi, les Français les plus satisfaits de leurs relations avec les administrations sont implantés dans une zone géographique « périphérique en développement ou expansion » (53 %), tandis que les plus insatisfaits habitent et travaillent dans un secteur « rural en stagnation ou déclin » ou dans un « centre en stagnation ou déclin » (respectivement 70 %).
La défiance des Français vis-à-vis des administrations repose bien souvent sur une mauvaise expérience vécue sur le terrain. Le sondage indique que 74 % des personnes interrogées éprouvent personnellement des difficultés dans leur relation avec les services publics, alors que 43 % d’entre elles ont ce sentiment « au moins de temps en temps » et que 25 % des répondants n’ont jamais connu de problèmes à l’occasion de leurs démarches administratives.
Selon la « proximité partisane » observée par OpinionWay, les répondants ayant eu une mauvaise expérience se trouvent en plus grand nombre parmi les électeurs de La France Insoumise (90 %), d’Europe écologie Les Verts (80 %), du Rassemblement National (78%) et du Parti Socialiste (75 %).
Questionnés sur les causes de leur mauvaise expérience vis-à-vis des services publics, les Français citent d’abord « les délais de traitement trop longs » (50 %). Viennent ensuite la complexité des démarches administratives (39 %), les sous-effectifs dans les services (31 %) et des réponses « inadaptées à la situation personnelle » ou « incomplètes » (30 % dans les deux cas).
La possibilité d’accéder plus ou moins facilement aux services publics constitue également un sujet majeur pour les répondants. Ces derniers considèrent majoritairement qu’ils ont un accès facile aux administrations (75 %), mais dans certaines régions, de fortes proportions de répondants jugent cet accès plus difficile. C’est le cas des personnes interrogées dans le Centre-Val-de-Loire (40 %), dans les Pays--de-la-Loire (32 %) ou dans le Grand-Est (31 %).
Des administrations moins accessibles que d’autres
Enfin, le sondage montre que, sur le terrain, certains services sont plus accessibles que d’autres. L'école primaire (88 %), le collège (87 %), le lycée (80 %), la Poste (78 %), la police ou la gendarmerie (78 %) sont aisément accessibles aux Français. En revanche, les crèches ou les autres structures collectives de garde de jeunes enfants sont jugées d’accès difficile par 43 % des personnes interrogées. Le tribunal (40 %), les administrations de Sécurité sociale (CAF, CPAM, MSA...) (40 %), les Maisons France Service (35 %), les transports publics (30 %), l’'hôpital (30%) et France travail (28 %) figurent parmi les entités publiques avec lesquelles le contact s’avère le plus difficile pour l’usager.
Parmi les principaux obstacles à l’égalité d’accès aux services publics cités par les répondants, ces derniers évoquent principalement l’éloignement géographique avec les administrations (48 %), la méconnaissance des démarches à effectuer (41 %), les délais d'accès (41 %) et les horaires d’ouverture des guichets et des permanences téléphoniques (40 %). Les Français se prononcent pour certaines pistes d’amélioration possibles. Il s’agit d’abord d’aller vers la simplification des démarches administratives (91 %), de renforcer l’accompagnement de l’usager par une personne compétente et disponible (91 %), de développer les services publics de proximité (90 %), d’améliorer l'information sur les services disponibles (90%) ou encore d’encadrer l'installation des médecins sur le territoire (89 %).
Au regard des enseignements qui se dégagent de l’étude réalisée par OpinionWay, Le sens du service public estime que ce sondage « démontre l'attachement des Français à l'égalité d'accès aux services publics quels que soient les proximités partisanes et leur lieu d'habitation ». Pour le collectif animé par le DGA adjoint de la ville de Rennes et de Rennes Métropole, Johan Theuret, par ailleurs ancien président de l'Association des DRH des grandes collectivités, « il y a nécessité de se réapproprier l'enjeu de l'égalité d'accès en veillant à la proximité géographique des services publics avec les usagers et en garantissant des fonctionnements adaptés aux besoins ».
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