Le Sénat adopte le projet de loi Mayotte avec de nombreuses modifications
Par Franck Lemarc
Après deux jours de débats en séance publique, lundi et mardi, les sénateurs ont adopté le projet de loi d’urgence pour Mayotte présenté par le gouvernement pour œuvrer à la reconstruction de l’archipel, après le passage du cyclone Chido.
« Assurer le respect de la libre administration »
En commissions, une soixantaine d’amendements a été adoptée, et encore une quarantaine d’autres en séance publique, dont 15 issus du gouvernement. Le texte a donc été assez sérieusement remanié, sans toutefois en altérer la philosophie générale, qui consiste à simplifier au maximum les procédures afin d’accélérer la reconstruction de l’archipel.
Sur un certain nombre de points, les sénateurs ont d’ailleurs voulu aller plus vite encore : par exemple, l’ordonnance qui doit être prise par le gouvernement pour mettre en place un établissement public chargé de la reconstruction devrait l’être désormais un mois après la promulgation de la loi, et non trois. Les sénateurs ont souhaité garantir la présence d’élus locaux au conseil d’administration de cet établissement public : en commission, il a été voté que le président de l’association des maires de Mayotte fasse obligatoirement partie de ce conseil d’administration, ainsi que « les représentants de 5 EPCI ». En séance, le gouvernement a remplacé cette dernière formule par « 5 représentants des communes et des EPCI », afin de laisser aux élus mahorais la liberté de choisir eux-mêmes leur mode de représentation.
Les sénateurs ont également décidé que cet établissement public devrait rendre un rapport d’activité annuel et public.
L’article 2 du texte, qui a fait l’objet de discussions particulièrement animées à l’Assemblée nationale, permet à l’État de se substituer aux communes pour réparer, construire ou reconstruire des écoles. L’Assemblée avait déjà obtenu que ces opérations ne puissent se faire qu’après « avis conforme » des communes concernées. En commission, les sénateurs sont allés plus loin, en décidant qu’elles ne se feraient que « à la demande » des communes, ce afin de « mieux assurer le respect de la libre administration des collectivités territoriales ».
Urbanisme, marchés publics, TGAP…
En commission, les sénateurs avaient durci l’article du texte relatif à l’achat de tôles par les particuliers, en subordonnant celui-ci à la présentation non seulement d’un titre d’identité mais même d’une « autorisation d’urbanisme ». Jugeant cette condition « trop restrictive », le gouvernement a rétabli, à la place, l’obligation de produire un justificatif de domicile.
Autre modification importante apportée par le Sénat (en commission) : afin de faciliter les travaux de réfection « d’ampleur limitée », ceux-ci, à titre dérogatoire, ne devront pas faire l’objet d’une autorisation d’urbanisme mais d’une simple « déclaration en mairie ».
Afin de faciliter la tâche aux services urbanisme des mairies et de la préfecture, le Sénat a porté à « huit jours ouvrés » le délai maximum après réception d’une demande de permis ou d’une autorisation préalable pour « notifier au demandeur que son dossier est incomplet ». Ce délai, initialement fixé à 5 jours, était intenable « compte tenu du nombre de demandes », ont estimé les sénateurs.
Le Sénat a maintenu la suppression de l’article 10 du texte, qui avait fait l’objet de violentes passes d’armes avec le gouvernement à l’Assemblée nationale (lire Maire info du 22 janvier). Cet article donnait au gouvernement de grandes latitudes pour procéder à des expropriations sur l’île, ce qui avait été interprété par les élus mahorais comme une volonté de l’État de faire « main basse sur le foncier ». Il est à noter que le gouvernement n’a pas cherché à rétablir par amendement ces dispositions au Sénat, sous une forme ou sous une autre, alors que le ministre Manuel Valls, à l’Assemblée, avait promis de récrire cet article lors de la navette parlementaire.
L’article 12 du texte, lui aussi très débattu, a finalement été supprimé en séance publique au Sénat. Il concerne la commande publique : le gouvernement avait initialement prévu que les marchés publics concernant la réparation des dégâts causés par le cyclone puissent déroger aux règles de l’allotissement, et puissent donc « faire l’objet d’un marché unique ». Les sénateurs ont rappelé que les très petites entreprises et les entreprises artisanales composent une grande partie du tissu économique local à Mayotte, et que déroger aux règles d’allotissement « priverait ces entreprises d’un accès aux marchés liés à la reconstruction ».
Le Sénat a également décidé d’une exonération complète de la TGAP (taxe générale sur les activités polluantes) sur tous les déchets générés à Mayotte jusqu’au 31 décembre 2026.
Enfin, le gouvernement a introduit dans le texte un nouveau dispositif pour permettre un engagement plus rapide des travaux de reconstruction des logements : un nouvel article du texte prévoit la création d’un prêt à taux zéro « pour le financement des travaux de reconstruction, de réhabilitation ou d’amélioration ». Ce prêt pourrait être accordé à des personnes physiques ou à des sociétés civiles immobilières. Il sera plafonné à 50 000 euros par logement et sera remboursable sur 20 ans maximum, sauf pour « les publics les plus fragiles » pour lesquels cette durée sera portée à 30 ans. Ce dispositif sera mis en œuvre jusqu’à la fin 2027.
Cette annonce a déçu un certain nombre d'élus mahorais, qui auraient préféré que l'engagement d'Emmanuel Macron de créer un fonds d'indemnisation soit tenu, plutôt que de le remplacer par un prêt à taux zéro auquel beaucoup de Mahorais pauvres ne pourront accéder, faute de garanties suffisantes.
Il reste maintenant à réunir une commission mixte paritaire pour élaborer un texte commun aux deux chambres. Cette CMP aura lieu lundi prochain à 10 heures.
Suivez Maire info sur Twitter : @Maireinfo2

Cybersécurité : les inquiétudes des collectivités sur la directive NIS 2
Services publics : l'impact des inégalités d'accès sur le vote des Français
