Le Sénat presse pour un virage résolu vers le maintien à domicile des personnes âgées dépendantes
Par Emmanuelle Stroesser
Le Danemark a arrêté de construire des Ehpad en 1987. C'est l'exemple retenu par les rapporteurs, la sénatrice Michelle Meunier (Loire-Atlantique), ancienne adjointe au maire de Nantes, et le sénateur de la Loire, Bernard Bonne, pour montrer qu'un autre choix est possible concernant la prévention de la dépendance. Cet exemple inspire largement le rapport. Car c'est également au Danemark que « les seniors ressortent régulièrement des sondages comme les plus heureux du monde », insiste Bernard Bonne.
Virage domiciliaire
Les élus réclament « que soit enfin pris le virage domiciliaire dont il est si souvent question ». Ils posent un certain nombre de propositions réunies dans 11 recommandations générales, développées dans un rapport de 145 pages. Cela commence donc en se « fixant un objectif d'arrêt de construction d'Ehpad à un horizon raisonnable », a expliqué Bernard Bonne, lors de la présentation du rapport en commission des Affaires sociales du Sénat. Citant encore le Danemark, il décrit : « Les prises en charges, là-bas, se font par défaut à domicile ; l'adaptation du logement est plus aisée, grâce aux visites domiciliaires obligatoires chaque année ; les Danois peuvent aussi rejoindre un logement adapté ou un habitat partagé et pourvu de services médicalisés, qui n'est pas un établissement fermé ».
Une politique de prévention brouillonne
Le constat sur les stratégies et plan d'actions pour prévenir la dépendance - ou prolonger l'autonomie - qui se succèdent depuis une petite quinzaine d'années est sévère : tout cela « manque de coordination » comme « d'ambition » : « La part qu'occupe l'action sociale dans le budget de la Cnav ne cesse de diminuer depuis vingt ans, la part qu'occupe l'adaptation des logements dans le budget de l'Anah diminue depuis cinq ans au profit des aides à la rénovation énergétique... Il manque à ces actions l'ampleur qu'appellent les projections démographiques ».
Remettre le département et les communes au centre
Les élus reprennent l'idée « de systématiser les visites à domicile à partir de 70-75 ans, comme le proposait déjà le rapport Broussy de 2013 ». L'enjeu est de « mieux dépister les risques », pour ensuite mieux adapter et personnaliser la réponse. Les départements auraient, dans ce cadre, un rôle renforcé, « en lien avec les communes et les centres communaux d’action sociale : pour organiser les visites à domicile et coordonner les acteurs, simplifier les démarches des usagers souhaitant adapter leur logement, et servir une aide personnalisée dont la CNSA devrait engager la réforme sur la base d’outils d’évaluation de la perte d’autonomie renouvelés ».
Cela oblige aussi à « expérimenter de nouvelles formes de tarification des services d'aide à domicile, sous l'égide de la CNSA (Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie) », revoir la conférence des financeurs (dans chaque département), etc. Mais aussi revoir la grille d'analyse qui permet de mesurer le degré de dépendance d'une personne. Le rapport propose que « la CNSA mette de l'ordre dans les outils d'évaluation dans un délai raisonnable. Mieux, à présent que la CNSA gère la branche chargée du risque de perte d'autonomie, c'est une prestation universelle personnalisée évolutive et estompant les frontières entre les GIR ».
Repenser l'habitat et ne pas oublier l'outre-mer
« L'adaptation des logements est un autre sujet crucial de prévention de la perte d'autonomie », insistent les auteurs, qui souhaitent des aides plus lisibles. Ils sont favorables au développement de résidences autonomie (les anciens foyers-logement), et à ce sujet pointent d'ailleurs le manque de ces structures en outre-mer. D'où l'appel à « un volet spécifique à l'outre-mer » . Car ces territoires, « surtout la Guadeloupe et la Martinique », « passeront dans les trente prochaines années directement des départements les plus jeunes aux départements les plus âgés de France ».
Enième rapport
La réforme du grand âge a été repoussée de plusieurs mois par le gouvernement. Ce rapport est le dernier d’une longue liste. « Notre mission porte toutefois sur un aspect particulier, peu étudié à ce jour, qui est celui de la prévention de la perte d’autonomie. C’est un pan de l’action publique encore sous-estimé, pourtant essentiel pour une population dont le vieillissement sera tiré par les tranches d’âge les plus élevées, les plus de 75 ans », défend Michelle Meunier.
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