L'OMS évoque une « épidémie d'obésité » en Europe
Par Franck Lemarc
L’étude de l’OMS porte sur ce que l’organisation appelle « la région Europe » : il ne s’agit pas de l’Union européenne mais de 53 États, y compris la Russie et de pays de l’ex-URSS. Alors que l’OMS avait fixé pour objectif, il y a plusieurs années, de stopper la progression de l’obésité en Europe en 2025, elle reconnaît aujourd’hui qu’aucun de ces 53 États n’atteindra cet objectif.
60 % des Français en surpoids
Les chiffres sont extrêmement alarmants : 59 % des adultes européens sont en surpoids ou obèses. Ce chiffre a augmenté d’une vingtaine de points depuis 1975, année où il était de moins de 40 %. L’obésité, rappelle l’OMS, augmente le risque de contracter de nombreuses maladies, dont « au moins 12 cancers », des maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, etc. Elle serait à l’origine de 1,2 million de décès par an dans la « région Europe », soit 13 % de la mortalité totale. Pendant la pandémie de covid-19, les personnes obèses ont constitué une partie du public à risque, contractant plus de formes graves et étant plus fréquemment contraintes d’être traitées en soins intensifs.
La France n’échappe pas à cette « épidémie ». Sans être parmi les plus mauvais élèves de la région Europe, l’Hexagone est tout de même, dans tous les tableaux présentés dans ce volumineux rapport (en anglais), assez mal classé. Presque 60 % des habitants y sont en surpoids (53 % des femmes et 67 % des hommes), et 22 % sont touchés par l’obésité. Le phénomène n’épargne pas les enfants : en France, un tiers des enfants de 5 à 9 ans est en surpoids et 11 % sont obèses.
Enfin, sans que le phénomène soit encore chiffrable, l’OMS estime que, de façon certaine, l’épidémie de covid-19 a aggravé la situation. Les confinements, le manque d’exercice physique, le télétravail, les livraisons de nourriture à domicile, sont autant de facteurs qui ne peuvent que favoriser la prise de poids. Les conséquences quantifiables de cette période apparaîtront dans les études des prochaines années.
Mesures « multisectorielles »
Que faire pour enrayer cette « épidémie » ? Le rapport de l’OMS insiste sur le fait qu’il n’y a pas de recette magique, mais que l’obésité étant « un phénomène complexe, avec des déterminants et des conséquences sanitaires aux multiples facettes », cela induit « qu’aucune intervention ne peut, à elle seule, arrêter la progression de l’épidémie » – les mots importants étant ici « à elle seule ». La prévalence de l’obésité, on le mesure parfaitement dans l’étude, est due en effet à des facteurs multiples, dont des critères socio-éducatifs : l’obésité est aujourd’hui un des marqueurs de la pauvreté, notamment pour des raisons nutritionnelles : les produits à très bas prix vendus dans les enseignes de hard-discount sont de loin les plus dangereux de ce point de vue. Le niveau d’éducation est aussi un critère déterminant : les graphiques de l’OMS montrent qu’en France, il y a un différentiel de dix points entre les femmes ayant un « haut niveau » d’études et celles ayant un « bas niveau » d’études, en termes de prévalence de l’obésité.
L’OMS prône donc un faisceau de mesures qui peuvent être prises à tous les niveaux, de façon « multisectorielle » et interministérielle, en cherchant à « s’éloigner des démarches centrées sur l’individu » pour, autre contraire, « s’attaquer aux facteurs structurels de l’obésité ».
Parmi les mesures évoquées, certaines dépendent directement des États, notamment les « mesures fiscales », visant par exemple à taxer les boissons sucrées et les aliments les plus nocifs et, à l’inverse, à « subventionner » les aliments sains pour en faire diminuer le prix. Il relève aussi des politiques nationales de favoriser le sport dans la sphère éducative, de l’école à l’université.
Un rôle réel pour les collectivités
Mais les collectivités locales peuvent évidemment jouer un rôle important dans ce qui ressemble de plus en plus à une lutte contre « la maladie du siècle » : en développant les infrastructures sportives et en encourageant le sport à tous les âges de la vie ; en faisant la promotion du vélo et en en facilitant l’usage ; ou, bien sûr, à travers les cantines scolaires, qui peuvent non seulement proposer des menus variés et de bonne qualité mais y compris procéder à une forme d’éducation aux problèmes de nutrition. Signalons au passage que l’étude de l’OMS indique qu’en France, 55 % des garçons adolescents ne mangent pas au moins un fruit ou un légume par jour.
L’AMF a d’ailleurs, par le passé, conclu plusieurs conventions avec aussi bien des fédérations sportives, comme la Fédération française d’athlétisme, qu’avec l’Anses (agence de sécurité sanitaire) pour mener conjointement des opérations de lutte contre l’obésité. Ce combat devient, prévient l’OMS, une urgence absolue.
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