Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux

Édition du mardi 21 mai 2024
Santé publique

Ehpad publics menacés : des maires attendent une réponse forte de la part du gouvernement

Jeudi 16 mai, une délégation de six élus bretons a symboliquement remis à la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, Fadila Khattabi, les 15 premières « demandes indemnitaires préalables ». Les dossiers ont été envoyés le même jour avec accusé de réception. Le délai de deux mois donné aux autorités pour répondre à ces 15 demandes a donc commencé à courir.

Par Emmanuelle Stroesser

Des personnes âgées obligées de porter des couches même si elles ne sont pas incontinentes, des douches programmées une fois par semaine, des personnes décharnées faute d'être stimulées par quelques exercices ou simplement la marche : ces exemples font partie de la masse de faits compilés dans chacun des 15 dossiers déposés sur le bureau de la ministre la semaine dernière, et dans la quarantaine d'autres qui devraient être déposés ces jours-ci devant les tribunaux administratifs. 

« Tout cela devient courant, nous l'avons dit à la ministre, le financement des établissements d'hébergement des personnes âgées dépendantes ne permet pas d'avoir le personnel suffisant et cela a des conséquences sur les droits fondamentaux des personnes âgées qui y vivent », expliquent Jean-Louis Even, maire de La Rauche-Jaudy (22) et Guy Pennec, maire de Plouron-les-Morlaix (29). Eux, ne le supportent plus. « Il y a bien sûr la question financière, et les difficultés budgétaires dans lesquelles sont plongés 85 % des EHPAD publics, mais il y a aussi les souffrances et mal être du personnel, des résidents, et des familles », indiquent les élus. 
 
Dans leur agenda, ils ont donc déjà entouré la semaine du 15 juillet car, à défaut de réponse satisfaisante de l’État à leur demande, la justice tranchera. Comme les maires l'expliquent depuis des mois (lire Maire info du 3 mai), leur objectif n'est pas uniquement de récupérer les sommes qui leur permettront de sortir du rouge les comptes de leurs établissements mais d'obtenir une inflexion en profondeur de la politique en direction des personnes âgées dépendantes. « Nous devons obtenir les moyens qui permettront d'augmenter le personnel dans les établissements pour retrouver ce « temps humain »  à dépenser auprès des plus vieux » , comme d'éviter à certains établissements de n'avoir d'autre choix que « de mettre la clé sous la porte ». 

Appel au courage politique

Une autre date est inscrite à l'agenda des élus cette semaine : celle du jeudi 23 mai. Le « club des six »  à l'origine de ce mouvement, en mai 2023, invite tous les maires, directeurs d'EHPAD, syndicats, députés ou sénateurs, etc. à les rejoindre dans la commune de Plouah. « Déjà pour faire le bilan de l'année de mobilisation. Mais aussi organiser la suite », résume Jean-Louis Even. Le collectif compte se structurer sous forme d'association, pour donner plus de visibilité à leur mouvement, soulager les équipes municipales mises à contribution pour constituer les dossiers, et fédérer toujours plus de communes. Le mouvement se répand déjà bien au-delà des départements bretons initiaux. Les appels se sont multipliés ces dernières semaines du Maine-et-Loire, aux Bouches-du-Rhône, en passant par le centre de la France, et il commencent également à rallier des fédérations professionnelles. 

Interrogé mercredi dernier, au Sénat, sur la réforme envisagée pour le financement des EHPAD (par la sénatrice Maryse Carrère), le Premier ministre Gabriel Attal, a reconnu les « difficultés structurelles »  des EHPAD, assurant que le gouvernement prenait « le problème à bras-le-corps ». Ce dernier a rappelé l'augmentation de la dotation aux EHPAD publics de 5 % cette année et la mise en place d'un suivi des EHPAD en difficulté par les ARS. Cela n'a pas suffi pour rassurer les élus qui se sont également plaint à la ministre déléguée chargée des personnes âgées et des personnes handicapées, Fadila Khattabi, jeudi dernier du « manque de transparence »  des ARS sur la répartition de ces coups de pouce. « La ministre nous a écoutés, dans un premier temps avec les présidents des départements bretons, sauf le Morbihan, et l'agence régionale de santé. Puis, en petit comité, avec son directeur de cabinet, ce que nous avons beaucoup apprécié. Mais ce que nous avons compris, c'est qu'aucun nouveau prélèvement social n'est envisageable. Ce qui pose évidemment problème... », commente Jean-Louis Even.

Quant aux mesures telles que les tarifs hébergement différenciés selon les revenus, instaurés par la loi Bien vieillir, ou l'expérimentation proposée aux départements que l’État finance la dépendance à laquelle « un quart des départements ont candidaté » , elles ne peuvent que décevoir. « On manque de courage politique, c'est d'une grande loi de programmation grand âge dont nous avons besoin, c'est tout », concluent-ils. 
                                                                                                                 

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