Maire-info
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Édition du mardi 23 septembre 2025
Santé publique

Accès aux soins : les inquiétudes autour du modèle économique des pharmacies

Le gouvernement a acté l'abaissement du plafond des remises sur les médicaments génériques. Cette réduction est depuis largement dénoncée par les professionnels et certains parlementaires, car elle risque de conduire à la fermeture de pharmacies, notamment dans les petites communes rurales.

Par Lucile Bonnin

L’affaire commence au printemps dernier. Le ministère de la Santé annonce un projet de réduction de moitié des remises commerciales sur les médicaments génériques, en les plafonnant entre 20 % et 25 %, contre environ 40 % actuellement. Alors que l’État cherche à faire des économies, cette décision a immédiatement était jugée « inacceptable »  notamment par la Fédération des pharmaciens d’officine françaises (FSPF).

En mai, un arrêté a été publié étendant le plafond de 40 % aux remises sur les médicaments uniquement jusqu’au 1er juillet . Un autre arrêté a été publié, au Journal Officiel du 3 juillet, pour prolonger le plafond de 40 % des remises génériques, mais uniquement jusqu'au 1er août cette fois.

Après la publication de ces deux arrêtés de prolongation des remises sur les génériques, la décision a pourtant été entérinée par la publication de l’arrêté modifiant le plafond de remise sur les médicaments génériques au Journal officiel du 6 août. Concrètement, il prévoit la baisse du plafond de remises commerciales pour les médicaments génériques de 40 à 30 % à partir du 1er septembre, avant un passage à 25 % en 2026, puis à 20 % en 2027.

Ces remises accordées par l’industrie pharmaceutique aux pharmaciens d'officines à l'achat de médicaments génériques représenteraient pas moins de 600 millions d'euros, « une ressource légitime et indispensable au fonctionnement du réseau officinal »  du point de vue des professionnels mais aussi de certains parlementaires.

Mobilisation des professionnels 

Le 18 septembre dernier, les organisations de pharmaciens comme la FSPF, mais aussi l’Union de syndicats de pharmaciens d'officine (Uspo) ou encore l’Union Nationale des Pharmacies de France (UNPF) ont appelé les pharmaciens à fermer boutique pour protester contre cette décision – comme il l'avaient déjà fait le 1er juillet et le 16 août. Toutes les pharmacies, à l’exception de celes qui ont été réquisitionnées par les préfectures pour assurer les gardes, ont donc fermé leurs portes, placardant parfois une affiche indiquant « L’État veut fermer votre pharmacie » 

La polémique a été résumée avec clarté par la sénatrice PS du Calvados Corinne Féret, à l'occasion d'un question écrite : « La marge des pharmacies, composée d'une part réglementée et d'une remise commerciale, jusqu'ici plafonnée à 40 %, est essentielle à l'équilibre des officines. »  Ainsi, cette réduction de moitié instaurée par l'arrêté « fragiliserait irrémédiablement ces dernières, alors qu'elles subissent déjà une hausse continue de leurs charges et doivent faire face à des pénuries croissantes de médicaments. » 

Dans un communiqué datant de juin, la FSPF dénonce une décision qui assène un « coup de grâce tout particulièrement à plus de 800 pharmacies en difficulté ». 

Menace pour les communes 

Si le secteur pharmaceutique est fragilisé, certaines communes risquent d’en payer le prix fort. Déjà, depuis dix ans, la France a perdu plus de 10 % de ses officines et environ 200 à 300 pharmacies ferment chaque année, selon le Conseil national de l'Ordre des pharmaciens.

La situation est encore plus critique dans les zones rurales qui font face, dans le même temps, à une désertification médicale inquiétante et qui peine à être résorbée. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), le rythme annuel moyen des fermetures d’officines a presque quintuplé dans les bourgs ruraux, entre les périodes 2015-2019 et 2019-2021.

Le risque de fermetures de pharmacies inquiète aussi du point de vue de l’accès aux soins pour les citoyens, alors même que de nouvelles missions ont récemment été confiées aux pharmaciens en matière de dépistage, prévention, coordination des soins à domicile ou vaccination, comme l’a souligné le sénateur LR du Haut-Rhin Christian Klinger. « Les pharmacies assurent une fonction d’amortisseur dans les déserts médicaux et de locomotive dans les petites communes en perte d’attractivité, insiste le sénateur RDSE du Lot Raphaël Daubet. Ces pharmacies, accessibles sans rendez-vous, délivrent des conseils et des premiers soins indispensables, parfois vitaux, pour la population. Elles sont un filet de sécurité sous-estimé pour la santé publique. » 

Un « geste »  du gouvernement qui reste insuffisant 

Au lendemain de la mobilisation du 18 septembre, le gouvernement a souhaité faire « un geste » , annonçant une réduction des baisses de prix imposées sur les médicaments génériques. Selon un communiqué l’Union de syndicats de pharmaciens d’officine (USPO), l’État a accepté de réduire à 198 millions d’euros l’effort de baisse des prix demandé, dont 177,3 millions d'euros sur les médicaments génériques, contre 241,5 millions d’euros initialement prévus. 

Mais l’annonce est loin de satisfaire les représentants des pharmaciens d'officines qui jugent cette annonce insuffisante. L’USPO dénonce « une double peine »  pour « le réseau officinal » « puisque la baisse du plafond des remises génériques s'accompagne en plus d'une baisse de prix des médicaments génériques »  qui doit entrer en vigueur dès le 1er octobre sur une cinquantaine de médicaments.

Philippe Besset, président de la Fédération des syndicats de pharmaciens d'officine (FSPF) a expliqué à l’AFP qu’il fallait avant tout « revoir le modèle économique des pharmacies, qui ne peut plus survivre avec de tels à-coups » . En attendant, la mobilisation continue et les fédérations demandent toujours une suppression de l'arrêté sur le plafond de remise des médicaments génériques. 

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