Un Français sur trois est rural selon la nouvelle définition de l'Insee
Par Emmanuel Guillemain d'Echon
Le changement est frappant : selon la nouvelle conception statistique de la ruralité, celle-ci regroupe 88 % des communes et 33 % de la population, contre 22,4 % avec l’ancienne définition.
Jusqu’en 2020, étaient rurales toutes les communes non-urbaines, c’est-à-dire n’appartenant pas a une unité urbaine, « définie par le regroupement de plus de 2000 habitants dans un espace présentant une certaine continuité du bâti ». Désormais, l’Insee s’appuie principalement sur le critère de la densité de la population, en calculant sa distribution sur des carreaux d’un kilomètre carré. Ce critère partage les communes françaises en quatre types : les communes « peu denses » et « très peu denses » forment la ruralité, et les « denses » et « de densité intermédiaire », les espaces urbains.
Cette nouvelle classification correspond à une demande du rapport sur l’agenda rural, acté le 14 novembre 2020 lors du deuxième comité interministériel aux ruralités. Passée alors plutôt inaperçue, elle aura pourtant des conséquences importantes sur la conception de la ruralité et des politiques qui lui sont destinées.
Elle montre notamment que la France est le deuxième pays le plus rural d’Europe après la Pologne, où la population rurale est de 45 %, pour une moyenne européenne de 28 %. 37,9 % de la population vit dans les 774 communes les plus denses, et 45 % vit dans une « city », concept statistique européen définissant une « agrégation de communes qui ont des niveaux de densité et de population comparables et représente le niveau le plus dense de l’urbain ».
Nouvelle classification
Les espaces ruraux ne seront plus définis « en creux » par rapport aux espaces urbanisés, comme l’admet l’Insee dans un mea culpa discret, même si leur caractérisation est encore couplée à leur proximité d’un pôle urbain, ou plutôt à l’influence qu’ont ces pôles sur les espaces ruraux qui les entourent. Quatre catégories sont ainsi définies, depuis « les communes attirant des populations plus jeunes, et dont la dynamique dépasse celle des communes urbaines », jusqu’aux communes du rural « autonome », éloignées des villes et des grands axes de communication.
Les territoires ruraux gardent cependant une particularité commune : les disparités de revenus « y sont nettement plus faibles que dans l’urbain », car dans les communes qui sont « sous influence » d’un pôle d’emploi important, il y a moins de ménages pauvres, et dans les plus isolées… moins de ménages aisés.
De manière globale, les niveaux de vie sont d’autant plus faibles que l’on s’eloigne des pôles. Ainsi, dans le rural sous forte influence des pôles, la moitié des habitants a un niveau de vie inférieur a 23 220 euros par an ; dans le rural autonome très peu dense, ce niveau de vie médian est seulement de 20 040 euros par an. Et la part des personnes vivant sous le seuil de pauvreté passe du simple au double dans les deux catégories : 8,5 % dans le rural sous forte influence des pôles et 17,0 % dans le rural autonome très peu dense, un taux plus élevé que dans l’urbain (15,6 %) - cependant, à la campagne, il s’agit plutôt de personnes âgées avec de faibles retraites, alors qu’en ville, ce sont souvent des jeunes et notamment des familles monoparentales.
La dynamique démographique est aussi différente, illustrant la poursuite du phénomène de périurbanisation. C’est ainsi dans les communes sous forte influence d’un pôle que la croissance de la population est la plus forte (1% par an), suivi des communes sous faible influence (0,8%), tandis que la croissance est bien moindre dans les villes (0,4%) et que la population stagne dans les communes rurales autonomes (+0,3 % dans les « peu denses » et 0 % dans les très peu denses).
Le portrait statistique de la France et de ses territoires offre également des analyses complètes sur d’autres sujets cruciaux et révélateurs des relations entre les espaces urbains et ruraux, comme la mobilité, et d’autres plus conjoncturels comme l’impact du premier confinement et de la crise sanitaire sur les différentes régions du pays.
Inégalités de revenus
Ainsi, économiquement, ce sont les départements de montagne (Alpes et Pyrénées) qui ont été le plus touchés, avec la fin brutale de la saison hivernale, mais aussi les départements industriels (Haut-Rhin, Doubs pour l’automobile, Haute-Garonne pour l’aéronautique.) A l’inverse, dans les départements plus orientés vers l’agriculture et l’industrie agroalimentaire, la baisse d’activité est moins forte. En outre, certains d’entre eux bénéficient de la présence de personnes venues s’y installer pour le confinement.
Le document compile également les inégalités de niveau de vie à l’échelle du territoire : on y apprend ainsi que les habitants des départements du nord de la France, de l’ancienne region Languedoc-Roussillon et d’outre-mer (DOM) disposent d’un niveau de vie médian inférieur au niveau national. Il est par exemple de 18 610 euros par an dans le Pas-de-Calais et de 18 560 euros dans l'Aude. Dans le centre de la France également (Creuse, Indre, Dordogne), le niveau de vie médian est en deça du niveau national, mais pour des raisons différentes : les salaires sont faibles et la proportion de retraités modestes est importante. Le niveau de vie est, sans surprise, plus élevé dans les métropoles, notamment en Île-de-France, mais aussi le long du littoral, dans certaines régions viticoles et dans les zones frontalières, à proximité de la Suisse, de l’Allemagne ou du Luxembourg.
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