Transition écologique : le monde rural est « prêt aux changements », selon Familles rurales
Par Lucile Bonnin
« Pas de sinistrose dans la ruralité ! ». Après avoir participé à la plénière d’ouverture du congrès de Familles rurales, Karine Gloanec-Maurin, présidente de la communauté de communes des Collines du Perche, dans le Loir-et-Cher, et co-présidente de la commission Communes et territoires ruraux de l’AMF, salue « le dynamisme, le sens de l’échange et la convivialité » de ces travaux. « Les ruraux sont trop souvent vus comme de pauvres abandonnés. Mais en réalité, sur le terrain, l’état d’esprit est hyper-positif et dynamique. »
Sentiment d’abandon
Certes, le sentiment d’abandon est bien là : dans l’enquête Ifop présentée lors de ce congrès (LIEN), 66 % des répondants estiment que la situation s’est dégradée ces dernières années en milieu rural en matière d’accès à la santé, 60 % en matière d’accès aux services publics, 52 % sur l’accès aux commerces de proximité. À l’inverse – et c’est un vrai succès pour la politique volontariste menée depuis plusieurs années – une très forte majorité des sondés estime que les choses se sont améliorées sur l’accès à internet (67 %) et la téléphonie mobile (58 %).
Logiquement, lorsque l’on interroge les ruraux sur les actions « prioritaires » à mener, la lutte contre la désertification médicale arrive en tête, suivie de la présence des services publics. Il est à noter que contrairement à ce que l’on pourrait croire, l’item « sécurité » n’est coché que par 8 % des répondants.
Ce sentiment d’abandon est particulièrement illustré par une question posée séparément au « grand public » et aux « ruraux » : « Avez-vous le sentiment que la commune où vous résidez bénéficie beaucoup, un peu, pas vraiment ou pas du tout de l’action et de la présence des pouvoirs publics ? ». Si le grand public répond « oui, beaucoup », à 22 %, ce ne sont que 6 % des ruraux qui apportent la même réponse.
Transition écologique : c’est oui
Contrairement, là encore, à une idée reçue tenace, les habitants de la ruralité ne sont pas plus rétifs aux changements imposés par la transition écologique que les urbains. Ils le sont parfois même plus : 66 % des ruraux sont prêts à trier davantage leurs déchets (64 % dans le grand public), 38 % sont prêts à faire des travaux de rénovation énergétique dans leur logement (34 % dans le grand public). Le rapport s’inverse, en revanche, sur au moins un item : la réduction de l’usage des véhicules thermiques et l’utilisation des « mobilités douces » : seuls 11 % des ruraux plébiscitent cette solution (17 % dans le grand public), illustrant le fait que dans les campagnes, la voiture reste le seul moyen de transport utilisable dans bien des cas. Logiquement, les ruraux estiment majoritairement que seule « une offre de transports collectifs plus adaptée à (leurs) besoins » serait susceptible de les inciter à moins utiliser leur voiture.
Mais l’adhésion à la transition écologique est néanmoins bien là : « 60 % des ruraux pensent que les objectifs d’amélioration du pouvoir d’achat et de transition écologique sont conciliables (55% pour le grand public) » .
L’enquête montre également que les ruraux sont plus durement touchés par la hausse des prix et la pauvreté que l’ensemble de la population, essentiellement en raison d’une plus forte exposition à la hausse des prix de l’énergie et du carburant. 55 % des ruraux « déclarent renoncer à des achats alimentaires par manque d’argent (43 % pour l’ensemble des Français), 48 % à utiliser leur voiture individuelle (41 % pour l’ensemble des Français) et 44 % à chauffer leur logement (39 % pour l’ensemble des Français) » .
« Nous sommes prêts »
Karine Gloanec-Maurin se félicite du « regard positif sur la ruralité » qui ressort de cette enquête – depuis le covid-19, en particulier. « Mais quand on gratte un peu, on ne peut que constater que côté pouvoirs publics, les moyens et l’attention ne sont pas à la hauteur ». Élue depuis 30 ans et présidente d’une communauté de communes de 6 500 habitants, Karine Gloanec-Maurin constate chaque jour « l’incroyable dynamisme qui existe sur ces territoires » … mais qui est « freiné par les réglementations et le manque de moyens financiers ».
Exemple typique – les transports collectifs. Alors que le gouvernement parlait, au moment de la LOM, d’en finir avec « les zones blanches de la mobilité », Karine Gloanec-Maurin estime « qu’on en est très loin ». « Chez moi, je n’ai pas pris la compétence mobilités », (c’est-à-dire qu’elle a choisi de la céder à la région), « tout simplement parce que si je l’avais prise, il n’y aurait plus eu de transports scolaires sur ma communauté de communes. Les régions mènent parfois des politiques qui sont en contradiction avec les objectifs de la LOM ».
Pour l’élue, il est donc indispensable de « décomplexifier » et surtout « de donner des moyens financiers aux territoires ruraux ». C’est là où le besoin est le plus fort, « notamment parce que nous n’avons pas d’ingénierie ». Elle salue le programme Villages d’avenir, qui prévoit justement la création de postes de « chefs de projet » dans les sous-préfectures, destinés à être « des assistants techniques locaux ». Mais il ne seront qu’au nombre de 100, ce qui paraît insuffisant à l’élue.
Malgré tout, Karine Gloanec-Maurin retient de ce congrès – qui a réuni quelque 1 200 participants – son caractère « joyeux » et son envie d’agir. « Nous sommes prêts au changement ! Le dynamisme est là. Mais s’il n’est pas entendu, cela générera des colères. L’État doit le comprendre. »
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