Retard dans le déploiement de la fibre : le gouvernement et l'Arcep mettent la pression sur les opérateurs
Par Lucile Bonnin
La grande déception qui avait été exprimée l’année dernière lors de la conférence annuelle de l’Arcep à la fois de la part des élus et du régulateur a laissé place cette année à de l’inquiétude, voire de l’impatience. Alors que, depuis plusieurs années déjà, des dysfonctionnements et des malfaçons ont été signalés dans le déploiement de la fibre, désormais le temps ne semble plus être aux négociations.
Comme l’a rappelé Laure de la Raudière, présidente de l’Arcep, plusieurs plans de reprise des réseaux accidentogènes ont été menés et les opérateurs se sont engagés sur un plan au service de la qualité des réseau et raccordement. « Des actions ont été menées par le opérateurs, certes, mais les résultats ne sont pas encore visibles ni perceptibles », a déploré la présidente du gendarme des télécoms.
Ce sont surtout les résultats du suivi du marché des services fixes à haut et très haut débit à fin juin 2023, publiés par l’Arcep début septembre (lire Maire info du 11 septembre), qui ont fait l'objet de toutes les préoccupations. Les conclusions sont plutôt préoccupantes, puisque le rythme de déploiement dans les zones très denses est « très insuffisant », selon le régulateur des télécoms. Les opérateurs semblent maintenant rechigner à la tâche et même changer leurs engagements en cours de route alors que la fin du plan de fermeture du réseau cuivre d’Orange est fixée à 2030. Pour le moment, 83 % des locaux sont raccordables dans l’Hexagone.
Pression sur les opérateurs pour améliorer la qualité des réseaux
Cette situation qui stagne – voire régresse dans certains territoires – a poussé l’Arcep a rappeler aux opérateurs que si des résultats concrets de leurs engagements ne se font pas sentir, l'autorité « n’hésitera pas à passer à un autre mode d’action ». En 2022, l'Arcep mettait en demeure l'opérateur Orange de respecter ses engagements de déploiement de la fibre dans les zones AMII. C'est ce type de sanction qui menace à présent les autres opérateurs.
Jean-Noël Barrot, ministre chargé du Numérique a également tenu hier un discours ferme à l’égard des opérateurs : « Des actions ont été mises en œuvre mais les changements concrets (..) tardent à se matérialiser et cela affecte le crédit de la fibre dans les yeux des citoyens. Faut-il pointer du doigt les opérateurs commerciaux ? Pour l’attribution des routes optiques, ils doivent dépendre des opérateurs d’infrastructures et il arrive bien souvent que le problème se situe là. La réalité est complexe, les responsabilités entremêlées, personne n’est le seul responsable de l’état de la qualité sur les réseaux d’ores et déjà déployés. Mais (…) les contraintes économiques ne semblent pas être assez fortes pour motiver les acteurs à se saisir de cette situation d’urgence. Aujourd’hui il peut être trop peu coûteux pour la filière dans son ensemble de laisser des usagers sans solution cela devra changer. »
Le ministre a enfin invité les opérateurs à expérimenter le mode OI (sans sous-traitance) dans les réseaux accidentogènes pour voir si, oui ou non, le mode Stoc joue un rôle dans ces problèmes de qualité. Pour mémoire, le mode Stoc est pointé du doigt par l’Avicca et son président Patrick Chaize qui explique que les sous-traitances en cascade détériorent sensiblement la qualité des raccordements. « Il faut que chacun se prête à l’exercice », a lancé le ministre.
La Fédération française des télécoms a présenté hier , dans un communiqué, des mesures complémentaires pour assurer la qualité et la pérennité des raccordements dans le cadre du plan qualité fibre. Les opérateurs ont notamment proposé « de partager en temps réel entre opérateurs d'infrastructures et opérateurs commerciaux (..) les interventions sur le réseau » et d’alourdir « les sanctions pénales contre les actes de vandalisme ».
Déploiements et complétude
Le nouveau point de crispation réside dans la situation en zone Amii et en zone très dense qui « actuellement [font] l’objet d’un ralentissement voire même d’un arrêt des déploiements ». Le ministre a donc indiqué que son ambition était « de voir reprendre les déploiements dans les zones moyennement denses et les zones très denses pour atteindre l’engagement présidentiel d’une généralisation de la fibre à l’horizon 2025 ».
Sur cette question, le ministre a indiqué « faire face à deux options », bien que le choix semble déjà fait. « La première (consisterait à) mettre en demeure Orange sur le deuxième jalon du déploiement de la zone Amii. L’opérateur serait sanctionné et obligé de déployer mais nous n’obtiendrons collectivement rien de plus de l’opérateur. La deuxième option est celle d’une discussion avec l’opérateur pour obtenir le déploiement dans la zone Amii et très dense avec des engagements sur le maintien de tarifs sociaux et le traitement des raccordements complexes. C’est cette deuxième option qui permettra de garantir la promesse présidentielle ». Les discussions sont engagées et le ministre a indiqué que la priorité était de « rattraper les déploiements dans les EPCI les plus en retard ».
Le ministre a enfin rappelé « la nécessité de répondre à terme à chaque demande de raccordement à la fibre » pour que « chaque Français qui le demande puisse avoir la promesse d’un déploiement sous six mois ». Cette question du raccordement à la demande est en train d’être discuté notamment avec Orange. Nicolas Guérin, secrétaire général du groupe, a reconnu hier que les expérimentations sur l'arrêt du cuivre révèlent ce qu’il appelle « les petites difficultés » qui peuvent devenir de « grosses difficultés » si elles ne sont pas anticipées. Quelques exemples : « Un local peut avoir besoin de plusieurs liaisons, plusieurs fibres » ; « des bâtiments accueillent plusieurs utilisateurs comme les Ehpad donc il faut dans chaque chambre une prise fibre » ; « les châteaux d’eau ont aussi des besoins de connexion et il faut prévoir ce qui va être fait avec les compagnies d’eau et les collectivités » … Les cas particuliers doivent aussi être pris en compte.
Le secrétaire général d’Orange a enfin tenté de rassurer les participants : « On n’arrête pas et c’est l’objet des discussions qui sont menées avec le gouvernement pour savoir comment finir. Quand on dit que le satellite peut être une solution alternative, on dit que c’est en attendant [la fibre]. » Reste maintenant pour lui à « convertir les clients », « finir les raccordements qui vont devoir traiter les derniers mètres en domaine public et les derniers mètres en domaine privé », et entamer les « discussions sur les retards pour ne pas créer une forme de fracture numérique » entre les territoires.
Dans une prochaine édition, Maire info fera le point sur ce qui a été partagé à propos du New Deal mobile et de la connectivité mobile dans les territoires.
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