Réforme des taxes locales sur la consommation d'électricité : le décret est paru malgré l'opposition des élus
Par A.W.
« Nationalisation », « nouvelle perte d’autonomie fiscale », harmonisation « regrettable » à la hausse des taux… Le décret d’application visant à réformer les taxes communale et départementale sur la consommation finale d'électricité (TCCFE et TDCFE) a été fortement critiqué par les collectivités lors de son examen, en novembre dernier, par le Conseil national d’évaluation des normes (Cnen). Il a néanmoins été publié dimanche.
Taux unique
Pour rappel, le gouvernement a inscrit dans la loi de finances pour 2021 la suppression de ces deux taxes locales et décidé de leur regroupement, de manière progressive, en trois ans, au sein de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) dans le but de se conformer au droit européen.
En regroupant l’ensemble de ces trois taxes pour en confier la gestion à la Direction générale des finances publiques (DGFiP) et en fixant un taux unique à l’échelle nationale d’ici 2023, le gouvernement souhaitait également simplifier la fiscalité et limiter le nombre de contentieux avec les fournisseurs d’électricité, en augmentation depuis l’ouverture du marché de l’électricité à la concurrence en 2010.
Résultat, à échéance 2024, l’ensemble des bénéficiaires des anciennes taxes locales sur l’électricité se verront donc verser en substitution une part de la TICFE déterminée au niveau national.
Dans ce cadre, le décret publié dimanche détermine les modalités de calcul des produits de TIFCE revenant aux communes, EPCI et départements. Il indique notamment que les montants qui seront pris en compte pour les années 2022, pour la part départementale, et 2023, pour la part communale, sont ceux inscrits aux comptes dédiés à la « taxe sur la consommation finale d’électricité » dans les comptes de gestion établis au titre de l’année précédente.
Libre administration des collectivités : un principe « dénaturé »
Conséquence, au terme de la réforme, les collectivités territoriales ne pourront plus modifier ni le taux ni l'assiette de la part qui doit leur revenir, ce pouvoir revenant exclusivement à l’Etat.
Ce qui a valu, fin novembre, à ce décret (encore à l’état de projet à ce moment) de recevoir l’avis défavorable de la part des membres du Cnen, saisis pour l’occasion via la procédure « d’extrême urgence » (sur décision du Premier ministre, le Cnen doit se prononcer dans un délai maximal de 72 heures).
Le collège des élus s’est ainsi « opposé » unanimement à la « nationalisation » des taxes communale et départementale sur l'électricité « sous couvert de simplification et de sécurisation juridique, notamment à l’égard du droit de l’Union européenne ».
Ses représentants ont fait valoir que, d’une part, « alors que les taux étaient jusqu’alors très variables entre les collectivités territoriales, la présente réforme induit une harmonisation à la hausse de ces taux, ce qui est regrettable ». D’autre part, « ces mesures, qui concernent pourtant des recettes non négligeables pour le bloc communal et les départements, induisent une nouvelle perte d’autonomie fiscale pour ces derniers, […] le risque étant qu’à terme l’empilement de ces réformes ne conduise à dénaturer le principe même de libre administration des collectivités territoriales […] compte tenu de la suppression progressive de la quasi-totalité des marges de manœuvre locales sur le plan fiscal ».
Lors de l’examen de la réforme par l’Assemblée, fin 2020, dans le cadre du projet de loi de finances (PLF) pour 2021 (lire la discussion sur l’article 13), le ministre chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, avait d’ailleurs reconnu une perte d’autonomie en matière de taux pour les collectivités… « d’un point de vue théorique, mais plus nuancée d’un point de vue pratique ». En effet, « plus de 80 % des collectivités appliquent soit le taux maximal, soit un taux situé dans une fourchette entre 95 % et 100 % du taux maximal », seuls treize départements affichant « un écart qui pourrait être considéré comme relativement important ».
Cette gestion unifiée de ces trois taxes par la DGFiP aurait toutefois pu être décidée « sans pour autant supprimer le pouvoir de taux », avait défendu la députée du Puy-de-Dôme, Christine Pires Beaune (PS). Le député de la Marne Charles de Courson (Libertés et territoires) avait également estimé, à cette occasion, qu’il aurait été possible de « modifier le mode de recouvrement en maintenant l’autonomie des taux, que ceux-ci soient fixés par les collectivités territoriales ou par leur syndicat », dénonçant la « logique hypercentralisatrice » du gouvernement.
Facture en hausse dans 13 départements
Reste qu’en alignant les niveaux de taxe de toutes les collectivités et notamment celles qui appliquaient les taux les plus faibles - voire parfois un taux nul - , le bénéfice pour ces dernières était évalué à l’époque à 100 millions d’euros. « Mais ce sont bien les Français qui devront les payer », n’avait pas manqué de pointer la députée du Puy-de-Dôme.
Si le risque d’une augmentation de la facture d’électricité pour les particuliers était évalué par le gouvernement à 55 euros maximum dans « moins de 1 % des communes » (plus globalement, treize départements étaient concernés par « une hausse très faible du tarif de l’électricité » et « 21,6 % des communes » par des hausses ciblées de tarifs, selon l’étude d’impact - à partir de la page 465), Charles de Courson avait remis en cause ce calcul et mis en garde sur de potentielles hausses pouvant aller jusqu’à 240 euros, dans certains cas. « Le chiffre [de 55 euros] correspond à la consommation d’électricité d’une famille - papa, maman, deux enfants - qui n’est pas chauffée à l’électricité. Celles qui le sont devront payer 120 euros pour une maison bien isolée… et jusqu’à 240 euros supplémentaires par an […] si elle vit en classe E ou F ».
Pour les « 5,2 % des communes – il y en a 1 800 – qui sont à taux zéro » et pour lesquelles l’effet de la réforme sera le plus marqué, elles sont « principalement situées dans le département de la Moselle et de la Meurthe-et-Moselle, c’est-à-dire dans l’est de la France ». « L’effet sera très concentré sur quelques territoires, et pénalisera les familles », avait estimé l’élu.
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