Projet de loi sanitaire : premier revers pour le gouvernement
Par Franck Lemarc
La crise sanitaire se téléscope avec la crise politique. C’est un texte presque entièrement vidé de sa substance qui a été adopté par les députés cette nuit, puisqu’il ne contient plus qu’un seul article. Ce premier débat sur un projet de loi de la nouvelle mandature s’est soldé, à l’Assemblée nationale, par un revers pour le gouvernement.
Pass sanitaire aux frontières rejeté
Rappelons que ce texte vise à maintenir un certain nombre de mesures de protection contre l’épidémie à compter du 1er août, date à laquelle l’actuel régime, permettant au gouvernement de prendre des mesures dérogatoires au droit commun, aura pris fin. Tel qu’il a été présenté en Conseil des ministres, après approbation par le Conseil d’État, ce texte « maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire » contenait deux mesures : le maintien d’un dispositif de veille (SIDEP et application TousAntiCovid) jusqu’en mars 2023 ; et la possibilité pour le gouvernement, en cas de besoin, d’imposer la présentation d’un pass sanitaire (certificat de vaccination, de rétablissement ou test négatif) pour entrer ou sortir du pays, ou pour entrer ou sortir de Corse ou d’un territoire ultramarin.
En deux séances particulièrement houleuses, hier en fin d’après-midi et cette nuit, l’Assemblée nationale a examiné ce texte et l’a considérablement amendé. Déjà, en commission, les députés avaient demandé que le maintien du système SIDEP ne soit prévu que jusqu’en janvier prochain, et non mars, ce que le gouvernement avait accepté. En séance, l’opposition a également obtenu que le pass sanitaire aux frontières, prévu par le gouvernement à partir de 12 ans, ne soit exigible que pour les majeurs de plus de 18 ans.
Mais plus tard dans la nuit, c’est finalement tout ce dispositif de pass sanitaire aux frontières (article 2 du projet de loi) qui a été supprimé, puisque, quand l’article 2 a été mis au voix, une majorité de députés a voté contre (219 voix contre, 195 pour). C’est le scénario que redoutait le gouvernement : les voix d’une partie de la gauche (Nupes), du Rassemblement national et d’une partie des LR se sont liguées et ont été majoritaires, ce qui est rendu possible par l’absence de majorité absolue au Palais-Bourbon.
Après ce rejet de l’article 2, le projet de loi a été adopté par les députés (221 voix pour, 187 voix contre). À deux heures du matin, la Première ministre, Élisabeth Borne, a réagi sur Twitter en se disant « incrédule » sur ce vote : « L’heure est grave. En s’alliant pour voter contre les mesures de protection des Français face au Covid LFI, les LR et le RN empêchent tout contrôle aux frontières face au virus. » La Première ministre a affirmé qu’elle « se battrait pour que l’esprit de responsabilité l’emporte au Sénat ».
« Vivre avec le virus »
Car c’est dès ce matin, au Palais du Luxembourg, que débutent les travaux sur ce projet de loi, en commençant par des auditions en commission, avec un examen du texte en séance publique mercredi prochain. François Braun, le ministre de la Santé, est venu devant la commission des lois du Sénat dès 8 h 30 pour répondre aux questions des sénateurs.
Après avoir donné un état des lieux de la progression de la 7e vague – et constaté un début de « décélération » de l’augmentation des cas – François Braun a répété, comme il l’avait fait la veille devant les députés, que pour lui « le port du masque doit redevenir la norme dans les transports en commun et les lieux bondés », sans pour autant souhaiter que cette « norme » devienne une obligation. « Nous devons apprendre à vivre avec ce virus sans qu’il soit nécessaire de légiférer à chaque fois », dira-t-il plus tard, lors du débat.
François Braun a également déclaré que les mesures prévues par le projet de loi gouvernemental n’étaient que des mesures « élémentaires » : le système SIDEP est « un thermomètre » permettant de mesurer l’avancée de l’épidémie. Quant au pass sanitaire aux frontières, il ne visait « qu’à nous protéger et protéger la Corse et les territoires ultra-marins » en cas d’apparition d’un variant préoccupant dans un pays étranger. « J’en appelle à la responsabilité collective : nos territoires ont besoin de cet outil », a conclu le ministre, qui a dit sa volonté d’obtenir le rétablissement de l’article 2 au Sénat.
Philippe Bas, sénateur de la Manche et rapporteur du texte, a répondu au ministre en rappelant que les parlementaires « ont le droit de ne pas être d’accord avec le gouvernement » et que le Sénat n’acceptera « aucune pression, d’où qu’elle vienne ». Philippe Bas visait explicitement les propos de la Première ministre et la « dramatisation », jugée « inutile », de la situation. « La France a connu, je crois, des heures bien plus ‘’graves’’ que celles-ci ». Philippe Bas a également interrogé le ministre – sans obtenir de réponse très satisfaisante – sur les « alternatives » à l’article 2 en cas d’apparition d’un variant préoccupant. Mais en rappelant qu’en cas de besoin, le Parlement était capable de se réunir et de légiférer très rapidement : « En 2020, le premier texte de loi [sur l’état d’urgence sanitaire] a été adopté en trois jours. »
François Braun, lors de cette audition, s’est dit ouvert à discuter de « toute nouvelle rédaction de l’article 2 » avec les sénateurs.
Cette séquence, et ce premier échec du gouvernement à l’Assemblée nationale, montrent en tout cas la position très délicate dans laquelle se trouve l’exécutif, qui court le risque de voir son action entravée régulièrement par l’union des oppositions.
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