Protection sociale complémentaire : un premier accord collectif national « historique »
Par Bénédicte Rallu
D’ordinaire, les négociations entre employeurs territoriaux et organisations syndicales étaient noyées dans des discussions nationales où l’État avait la main. L’ordonnance du 17 février 2021 relative à la négociation et aux accords collectifs dans la fonction publique a ouvert de nouvelles perspectives pour la territoriale : désormais, collectivités locales et agents territoriaux peuvent négocier des accords collectifs nationaux et locaux qui leur soient propres.
Hier, les employeurs territoriaux représentés par les principales associations d’élus (1) et cinq des syndicats représentatifs dans les collectivités sur six (CGT Services publics, CFDT Interco, Force Ouvrière, Unsa, FA-FPT) ont saisi cette opportunité en signant le premier accord collectif de portée nationale : il s’agit d’un accord de méthode pour négocier le versant territorial de la réforme de la protection sociale complémentaire (PSC).
Poursuite des pourparlers
En 2025, pour le volet prévoyance, et en 2026, pour la santé, chaque employeur territorial devra participer à la PSC de ses agents (lire Maire info du 21 avril). L’ordonnance du 17 février 2021 a posé le cadre de la réforme de la PSC pour les trois versants de la fonction publique et le décret du 20 avril 2022 a listé les garanties minimales de protection sociale complémentaire et le taux minimal de participation obligatoire des collectivités territoriales et de leurs établissements publics au financement de cette PSC.
Mais lors des pourparlers sur le décret début 2022, les organisations syndicales ont estimé cette participation trop basse et certaines n’étaient pas du tout satisfaites du texte règlementaire. De leur côté, les employeurs territoriaux ont insisté sur le respect de la libre administration des collectivités territoriales. Aussi, les parties ont convenu de poursuivre les discussions après la publication du décret et se sont rencontrées à trois reprises depuis février dernier.
Trois points de discussion
Elles sont parvenues à un accord de méthode, le 12 juillet. Employeurs territoriaux et organisations syndicales se donnent jusqu’31 mars 2023 pour négocier une réforme plus approfondie de la PSC dans la fonction publique territoriale. Les discussions vont porter sur trois points : la réaffirmation des garanties « socles » au bénéfice des agents qui constitueront le cadre des futures négociations locales ; la proposition de dispositions nationales venant encadrer les pratiques contractuelles et les différents régimes de participation, en particulier au profit de la solidarité entre bénéficiaires (l’objectif est de proposer une nouvelle écriture du décret du 8 novembre 2011 sur la participation financière des employeurs à la PSC) ; et la définition des conditions de pilotage et de portage social des dispositifs de participation.
Une forme de « décentralisation politique »
Il s’agit là d’un « événement historique, inédit », a commenté la maire de Lampertheim (Bas-Rhin) et secrétaire générale de l’AMF, Murielle Fabre, qui accueillait pour l’occasion les signataires de l’accord de méthode dans les locaux de l’Association, à Paris. « Nous avons franchi une première marche. » Un sentiment partagé à l’unisson par les employeurs territoriaux et les organisations syndicales de la territoriale présents. C’est en effet la première fois que les acteurs de la FPT discutent entre eux, sans présence de l’État. Pour le plus grand bénéfice des agents territoriaux.
« Le gouvernement a compris cette démarche. C’est un progrès important. C’est une forme de décentralisation politique », s’est réjoui Philippe Laurent, maire de Sceaux (Hauts-de-Seine), président du Conseil supérieur de la fonction publique territoriale, et porte-parole de la Coordination des employeurs territoriaux. Philippe Laurent, membre du bureau de l’AMF et ancien secrétaire général de l’Association, est à l’origine de la Coordination des employeurs territoriaux créée en 2018 qui a permis aux employeurs territoriaux de parler d’une seule voix. Il s’est dit « ému » par « cet événement à marquer d’une pierre blanche dans le dialogue social local. C’est un grand pas dans la conscientisation d’employeur territorial. Je suis ravi que cela ait pu être fait ».
Nouvelle ère
Mais tous les participants ont aussi admis que « le plus dur reste à faire », comme l’a souligné Emmanuelle Rousset, conseillère municipale de Rennes (Ille-et-Vilaine), représentante de France urbaine, qui a mené ces premières négociations. Il ne s’agit que d’un accord de méthode, le fond reste à négocier.
Malgré la perspective des élections professionnelles de fin d’année (elles auront lieu le 8 décembre), les syndicats (les deux syndicats majoritaires en tête : CGT et CFDT) ont assuré vouloir avancer sur le sujet de la PSC au profit des agents.
« Cette réforme impliquera ensuite des négociations locales », précise le communiqué publié à l’issue de cette première signature. L’accord national donnera un « cadre de référence » minimal. Tout l’enjeu des discussions à venir est de laisser « une marge de manœuvre » aux acteurs locaux pour éventuellement aller plus loin dans la protection sociale des agents, s’ils le souhaitent.
Commence ainsi une nouvelle ère : les signataires de l’accord espèrent pouvoir dialoguer régulièrement sur d’autres sujets comme le temps de travail, les conditions de travail, les perspectives salariales, l’attractivité de la fonction publique territoriale… Les sujets de discussion ne manquent pas. Tous assurent que ces échanges permettent de « montrer les spécificités de la fonction publique territoriale » et d’être ainsi « mieux entendus » au niveau national.
(1) AMF, Association des maires ruraux de France, Association des petites villes de France, Départements de France, Fédération nationale des centres de gestion, France urbaine, Intercommunalités de France et Régions de France
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