Maire-info
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Édition du jeudi 19 décembre 2024
Petite enfance

Petite enfance : le secteur des crèches change de paradigme

L'Observatoire national de la petite enfance (Onape) a été publié cette semaine par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Ce bilan pointe les évolutions qui sont intervenues dans l'offre d'accueil des 0-3 ans entre la forte dynamique du secteur privé et la baisse du nombre d'enfants.

Par Lucile Bonnin

En 2023, sur les 12 815 établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE) financés par Prestation de service unique (PSU) en France hors Mayotte, 420 400 places ont été proposées pour les 0-3 ans. C’est ce que rapporte l’Observatoire national de la petite enfance publié par la Cnaf. 

Alors que de nombreux parents peinent à trouver des places en crèche et que le manque de professionnels de la petite enfance est de plus en plus problématique, la situation évolue avec la forte expansion du secteur privé et la baisse du taux de natalité, ce qui, soulignons-le, ne change pas le fait que le taux de couverture des besoins en places de crèche est encore insuffisant. 

Un taux de couverture de crèches qui progresse 

Il y a, selon les chiffres de la Cnaf, une hausse globale du nombre de places : en 2022, 1 312 000 places d’accueil étaient disponibles, soit une progression de 0,4 % par rapport à 2021. Le taux de couverture atteint désormais 60,3 places pour 100 enfants de moins de 3 ans. Il y a donc du mieux, mais il faut rappeler que l’on part de loin. Selon les chiffres du gouvernement, cette offre d’accueil est marquée par de fortes inégalités et des disparités territoriales très significatives : 12 départements ont des taux de couverture inférieurs à 50 % et 25 % des communes sont dans une situation très tendue en 2023.

Cet accroissement relevé par la Cnaf s’explique donc « principalement par la baisse du nombre d’enfants de moins de trois ans (de - 26 800 en 2022) et par l’augmentation de l’offre de places en micro-crèches financées par la prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) ». En effet, 82 700 familles ont ainsi eu recours à une micro-crèche Paje en décembre 2023. Il faut souligner que ces micro-crèches Paje appartiennent « au secteur privé lucratif (92 %) alors que le secteur associatif n’en regroupe que 8 % ». Le nombre de ces structures privées croît dans la plupart des départements, « y compris dans des départements ruraux », selon la Cnaf.

Rappelons que la micro-crèche a une capacité qui ne peut dépasser 12 places et que « cette particularité est associée à un cadre réglementaire moins exigeant que celui des autres EAJE, et à une modalité de financement qui leur est propre ». 86 % des micro-crèches sont soutenues financièrement de façon indirecte par le Complément de libre choix du mode de garde de la Paje. Les autres « sont financées comme les autres établissements par la prestation de service unique – PSU ». Les élus soulignent régulièrement le coût prohibitif de ces micro-crèches PAJE pour les familles, qui est bien plus élevé que dans les crèches co-financées par la PSU qui sont tenues d’appliquer le barème des participations familiales. 

Le bond du secteur privé depuis 2019

Parmi ces EAJE financés par la branche Famille via la prestation de service unique (PSU), l’effort est de plus en plus porté par le secteur privé. « Le nombre d’EAJE gérés par des collectivités locales baisse depuis 2021, même si elles restent le type de gestionnaire majoritaire (représentant 7 029 équipements, soit 55 % de l’offre) », peut-on lire dans le document. Ce désengagement des collectivités se traduit par la gestion de 30 structures en moins en 2023.

À l’inverse, « le secteur privé a, quant à lui, augmenté de presque 30 % depuis 2019 et de presque 6 % par rapport à 2022, passant de 1 510 en 2019, à 1 839 en 2022 et à 1 943 en 2023 ».
Cette bascule peut facilement s’expliquer au regard du développement des délégations de service public (DSP). « En effet, lorsqu’une collectivité locale délègue la gestion de ses équipements, c’est le statut du délégataire qui est pris en compte et non celui de la personne morale commanditaire. Ainsi, le développement des DSP se traduit mécaniquement par une diminution de la part des collectivités territoriales gestionnaires et une augmentation de la part des associations et des entreprises. Pour autant, il est très probable que les places afférentes continuent de dépendre des commissions d’attribution des collectivités ayant opté pour cette organisation. » 

Nombre de places et nombre d’heures en berne 

Pour autant, le nombre d’heures d’accueil n’a pas retrouvé le niveau d’avant la crise sanitaire et le nombre de places offertes en crèche PSU n’augmente pas. « Rapportée au nombre d’enfants de moins de 3 ans, l’offre de places en EAJE PSU représente 19,9 places pour 100 enfants en 2023, soit 0,6 place de plus qu’en 2022 »  sans oublier que le taux de couverture diffère selon le territoire notamment car « les crèches sont plus souvent présentes en milieu urbain ». 

Enfin, en décembre 2022, la Cnaf estime que « 482 200 enfants ont fréquenté une structure financée par la PSU au moins une heure dans le mois ». Ainsi, « rapportés aux 420 600 places offertes, on obtient une moyenne de 1,1 enfant de moins de 3 ans par place ». En 2019, cette moyenne était de 1,3 enfant par place. Le nombre d’enfants par place baisse donc légèrement en 2022. Cela peut être perçu comme un bon signal notamment pour assurer une meilleure qualité de l’accueil des enfants et pour alléger quelque peu le travail des professionnels qui subissent aujourd’hui des conditions de travail très complexes. 

La Cour des comptes, dans un rapport publié cette semaine (lire Maire info 16 décembre), se dit d’ailleurs favorable à ce que le taux de facturation de la PSU calculé sur un ratio « heures facturées / heures de présence effective »  change. Les magistrats – conformément à la demande de l’AMF faite depuis de nombreuses années – sont en effet favorables à un financement forfaitaire avec le versement d’un forfait à la demi-journée d’accueil qui « devrait alléger les contraintes administratives des structures et modérer la tendance a une hausse du taux d’occupation préjudiciable à la qualité de l’accueil ».

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