Petite enfance : les maires sonnent l'alarme et posent leurs conditions
Par Emmanuelle Stroesser
« Désengagement, désamour et désaveu » . L'expression résume l'ampleur du problème numéro un des maires : la pénurie de personnel. « C'est pour nous le premier frein à la création de places. C’est notre gros souci » pointe Clotilde Robin, adjointe au maire de Roanne et vice-présidente de Roanne agglomération, co-présidente du groupe de travail Petite enfance de l'AMF avec Xavier Madelaine, maire d'Amfreville (14). Les élus sont d'autant plus inquiets que le problème ne se limite plus depuis deux ans à l'Île-de-France ou aux grandes villes.
L'urgence : la pénurie de personnel
Il faudra encore attendre la fin juin pour découvrir précisément les résultats de l'enquête menée par la Cnaf pour « objectiver » ces besoins en professionnels de la petite enfance (lire Maire info du 4 avril). Cela n'empêche pas de connaître les réformes qu'il faut engager. Les maires militent pour « le développement de nouvelles filières de formations accessibles financièrement et créées en priorité à proximité des zones où les besoins sont les plus importants » , explique Clotilde Robin. Ils souhaitent qu’un travail étroit puisse être engagé avec les régions afin de réfléchir à des pistes opérationnelles.
Autre priorité pour les élus : la mise en place « d’un réel plan métier de la petite enfance » , afin « de créer et de renforcer les liens et passerelles entre les différents métiers de la petite enfance aujourd’hui trop cloisonnés ».
Le précédent gouvernement avait lancé en mars un protocole « insertion dans l’emploi/petite enfance » pour espérer relancer le recrutement et la formation de personnel dans ce secteur. Mais l'AMF n'a pas été associée à cette réflexion et n'a pas eu de retour sur l'initiative et ses éventuels effets.
L'attractivité de ces métiers passe aussi par leur revalorisation. Mais il est visiblement encore trop tôt pour mesurer l'impact de l'augmentation liée au passage des auxiliaires de puériculture de la catégorie C à la catégorie B.
Les risques sur une baisse de l'offre d'accueil
Si les élus insistent sur cette pénurie de professionnels, c'est parce qu'elle constitue le premier frein à l'augmentation de l'offre d'accueil pour les 0-3 ans. Elle « empêche l'ouverture, entraine le gel de berceaux de structures qui fonctionnent avec moins de possibilités d’accueil » .
Comme le rappelle l'AMF, « après un net développement jusqu’en 2015, la capacité d’accueil a baissé et l’augmentation du nombre de places en accueil collectif (notamment du fait du secteur privé) ne compense plus la baisse de l’accueil par les assistants maternels, qui représentent encore le premier mode d’accueil avec 33 places pour 100 enfants de moins de 3 ans » . La Cnaf avait fixé l'objectif « ambitieux » de 30 000 places d’accueil du jeune enfant à créer entre 2018 et 2022. Seules 40 % l'ont été.
Le chantier de la COG
La relance d'un nouveau plan et l'actualisation des modalités de financement de ces modes d'accueil de la petite enfance, c'est justement l'autre grand dossier ouvert avec la négociation de la prochaine convention d'objectifs et de gestion (COG) entre l’État et la Cnaf. Les maires ont obtenu d'être invités à la table des négociations. « Nous avions demandé à être associés à la rédaction de la COG, cette demande a été entendue et nous ferons partie des groupes de travail », assure Clotilde Robin. Une « première » que les élus comptent mettre à profit.
Si le calendrier de cette négociation reste encore à préciser, les représentants des maires ont là encore une liste précise des sujets qu'ils veulent remettre sur la table. De la prestation de service unique (PSU) aux différents bonus qui conditionnent l'offre de moyens supplémentaires. « Bonus mixité, territoire, handicap, nous demandons de les retravailler. Par exemple d'élargir le bonus mixité à l'échelle d'un bassin de vie plutôt que de la seule structure » .
Pas de service public obligatoire sans conditions
La solution à la pénurie de personnel est aussi ce qui conditionne l'avancée du troisième sujet, le service public de la petite enfance. Le Conseil économique, social et environnemental (Cese) a rendu ses préconisations il y a quelques semaines. Mardi matin, l'AMF était une nouvelle fois entendue par la Cour des comptes. La position du bureau de l'AMF est ferme et « non négociable » sur les conditions pour qu'un service public de la petite enfance soit « éventuellement confié au bloc communal », exposent Clotilde Robin et Xavier Madelaine. La première serait « la compensation intégrale de l'ensemble des dépenses » de cette compétence qui serait nouvelle, puisqu'elle n'est aujourd'hui que facultative, rappellent une nouvelle fois les élus. Avec une condition liée : que « les modalités de compensation » soient « co-construites avec les acteurs locaux ».
Dans un communiqué publié hier, l'AMF a confirmé que « des pré-requis indispensables [sont] à lever avant [la] mise en place » d'un service public de la petite enfance : « Compensation financière intégrale de l'État, prise en compte des contraintes liées au foncier ou résorption des difficultés de recrutement des professionnels de la petite enfance. » David Lisnard, président de l'AMF, ajoute : « Il sera indispensable de laisser de la souplesse aux maires, fins connaisseurs des besoins des administrés, quant aux modalités d'organisation de ce service de la petite enfance, qu'il s'agisse de l'offre proposée aux familles (assistant maternel, crèche) ou du mode de gestion retenu, sans fragiliser les efforts des acteurs engagés depuis des années. »
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