8 mars : Ã quand des listes paritaires dans toutes les communes ?
À l’occasion du 8 mars – qui n’est, il faut encore le rappeler, ni « la journée de la femme » ni encore moins « la fête des femmes » mais la Journée internationale des droits des femmes – le Sénat a organisé, la semaine dernière, une table ronde dédiée à la question de la place des femmes dans les exécutifs locaux ruraux. L’occasion pour les associations d’élus d’affirmer leur volonté d’avancer vers une réelle parité.
Parité : où en est-on ?
Il faut d’abord rappeler les chiffres avec, tout de même, des raisons de se réjouir : mandat après mandat, la parité progresse dans les exécutifs locaux. À l’occasion des élections municipales de 2020, le nombre de femmes élues dans les conseils municipaux a encore un peu augmenté, s’établissant à 42,2 % : il y a aujourd’hui quelque 216 000 élues pour 294 000 élus. La loi de 2014 imposant la parité sur les listes des communes de plus de 1000 habitants est passée par là ; et il faut rappeler qu’en 1960, la proportion de femmes élues était de 3 %.
Il faut noter que même dans les communes de plus de 1000 habitants, où la parité est obligatoire, il y a quand même plus d’hommes que de femmes élus, (51,5 % d’hommes), les têtes de liste étant plus souvent des hommes que des femmes.
Dans les communes de moins de 1000 habitants, il n’y a que 37,6 % de femmes élues (chiffre qui est tout de même en hausse de plus de 3 % par rapport au scrutin précédent).
Si le nombre d’élues se rapproche, lentement, de la parité, la situation est bien plus préoccupante pour ce qui concerne le taux de femmes maires. Certes, il a encore un peu progressé en 2020, pour s’établir à presque 20 % (19,8 %), quand il était de 13,9 % en 2008. Mais, côté verre à moitié vide, cela veut dire que 80 % des maires sont toujours des hommes. Il faut tout de même retenir quelques chiffres encourageants : en 2020, mille communes de plus sont dirigées par des femmes par rapport à 2014. Et, contrairement à une idée reçue, la proportion de femmes maires est plus importante dans les petites communes que dans les grandes : dans les communes de moins de 100 habitants par exemple, il y a 22,5 % de femmes maires, contre 17 % dans celles de 10 000 à 50 000 habitants.
Enfin, c’est bien l’intercommunalité qui reste le mauvais élève de la parité. Lors de la table ronde organisée au Sénat jeudi dernier, Danièle Bouchoule, présidente de l’association Elles aussi, a rappelé les chiffres : il n’y a que 36 % de femmes dans les conseils communautaires, seulement 25 % de vice-présidentes, 11,6 % de présidentes.
Ce dernier chiffre, de plus, diminue encore au fur et à mesure que la population des EPCI augmente : seulement 8,7 % des EPCI de plus de 300 000 habitants sont présidés par des femmes, contre 12,5 % de ceux de moins de 15 000 habitants.
« Le panachage est d’un autre temps »
Pour faire avancer la parité, il y a au moins une mesure sur laquelle une forme de consensus semble se dessiner : le fait d’étendre l’obligation de parité à toutes les communes, y compris celles de moins de 1000 habitants. L’AMF y est favorable, comme l’a rappelé jeudi dernier au Sénat Cécile Gallien, maire de Vorey (Haute-Loire) et co-présidente du groupe de travail de l’AMF sur la promotion des femmes dans les exécutifs locaux : « Il nous paraît essentiel de passer à un scrutin de liste dans les communes de moins de 1000 habitants, parce que le panachage est d’un autre temps. » Édith Gueugneau, maire de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire), elle aussi co-présidente du groupe de travail de l’AMF, a abondé dans le même sens : « Dans les petites communes, il est faux de prétendre qu’il est plus difficile de trouver des femmes que des hommes qui veulent s’engager ». Elle a toutefois rappelé qu’un important travail devait être mené sur la conciliation de la vie personnelle et familiale avec le mandat des élues.
Au nom de l’Association des maires ruraux de France (AMRF), Nadine Kersaudy, maire de Cléden-Cap-Sizun (Finistère), a été parfaitement claire : « Nous sommes évidemment favorables à ce que le scrutin de liste démarre au premier habitant. Nous avons plus de 74 % de communes où les lois sur la parité ne sont pas appliquées. Il est nécessaire, et je le dis haut et fort, de garantir l’équité pour l’ensemble des citoyennes de notre pays. » Cela semble représenter une évolution réelle de la position de l’AMRF, dont le président, il y a un an, estimait que la question de la parité « ne pouvait se régler par l’obligation, [remède] qui serait pire que le mal ».
Une forme de consensus semble donc maintenant régner sur ce sujet. Et plusieurs propositions de loi ont été déposées au Parlement dans l’objectif d’aller vers une obligation des listes paritaires dans toutes les communes pour les élections de 2026. Ce qui, évidemment, ne suffira pas à régler le déséquilibre existant entre le nombre d’hommes et de femmes maires : la loi ne peut évidemment pas obliger à présenter des femmes en tête de liste. Un réel progrès pourrait néanmoins venir – comme le souhaite l’AMF – d’une obligation de parité entre le maire et le premier adjoint, en imposant que ceux-ci soient forcément de sexe différent.
Le problème des exécutifs intercommunaux
Le problème sera nettement plus complexe à régler dans les intercommunalités. En effet, dans la plupart des cas, ce sont les maires qui sont représentants de leur commune au sein des conseils communautaires, et tant que 80 % des maires seront des hommes, cette situation se reflètera, mécaniquement, dans les EPCI.
Lors de la table ronde du Sénat, la représentante de l’ADCF (Assemblée des communautés de France), Catherine Louis, présidente de la communauté de communes Forêts, Seine et Suzon (Côte-d’Or) a commencé par se réjouir de la progression du nombre de femmes dans les nouveaux conseils communautaires, 35,8 % en juillet 2020, un chiffre jugé « encourageant ».
Reste que les « déséquilibres » sont toujours flagrants : « Le mode de désignation des conseillers communautaires ne favorise pas la parité », souligne Catherine Louis. L’élue a rappelé que l’ADCF est elle aussi favorable aux scrutins de liste étendus aux communes de moins de 1000 habitants.
Sur la parité dans les conseils communautaires, une solution pourrait venir d’une obligation légale que chaque commune soit représentée par au moins deux élus dans les EPCI. Pour la représentante de l’ADCF, cette solution améliorerait la parité mais poserait également « des problèmes de gouvernance, en augmentant sensiblement les effectifs de certains conseils communautaires, et elle bousculerait les équilibres trouvés en matière de représentation des communes ».
Rappelons que le Haut conseil à l’égalité femmes-hommes (HCEfh), dans un communiqué publié en juin dernier, a défendu l’idée de nouvelles obligations paritaires dans les conseils communautaires, en mettant en avant l’idée d’une élection du président et des vice-présidents « au scrutin de liste paritaire par alternance ».
L’AMF, quant à elle, a lancé plusieurs pistes depuis 2018, dont l’idée d’une obligation de réserver le poste de premier vice-président à un candidat de sexe différent de celui du président ou de la présidente.
Les réflexions et les discussions continuent dans les associations d’élus et au Parlement. Beaucoup espèrent que des solutions efficaces pourront être mises en œuvre dès les prochaines élections municipales.
Rappelons que l’AMF, en mars dernier, a publié un mémento consacré à « la commune et l’égalité femme-homme », qui, au-delà des questions de parité dans les exécutifs, aborde la question de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les politiques publiques (actions à mener dans les domaines de la culture, de l’école, du sport…) et celle de la prévention et de la lutte contre les violences faites aux femmes, consacrée « grande cause du mandat » lors du 102e congrès de l’AMF, en 2019.
Franck Lemarc
Revoir la vidéo de la table ronde du 4 mars au Sénat.
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