Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mercredi 19 juillet 2023
Outre-mer

Outre-mer : des annonces fortes mais des sujets encore insuffisamment traités

La Première ministre a réuni hier un Comité interministériel des Outre-mer (Ciom), avec à la clef 72 mesures concernant aussi bien la vie quotidienne que l'économie, l'environnement, l'éducation, le logement ou les infrastructures.

Par Franck Lemarc

« Initier un renouveau de l’Outre-mer. »  C’est l’objectif qu’a fixé, en septembre dernier, le président de la République. Le Comité interministériel des Outre-mer (Ciom) qui s’est tenu hier, en présence de tous les ministres, autour d’Élisabeth Borne, se veut « la traduction concrète »  de cet engagement. Plus de 70 mesures ont été validées, avec plus ou moins de précisions. Plusieurs de ces mesures répondent, au moins en partie, aux vœux émis par l’Association des communes et collectivités d’outre-mer (ACCDOM) et la délégation Outre-mer de l’AMF. 

« Réflexe outre-mer » 

Celles-ci mettent en avant, avant tout, un besoin de « droit à la différenciation » , notamment en termes de normes, pour adapter celles-ci aux situations locales. En introduction de la présentation des 72 mesures adoptées hier, la Première ministre a répondu à ce souhait, en expliquant que la « méthode »  du gouvernement s’appuie sur « la prise en compte des réalités locales, pour bâtir des solutions adaptées à chaque territoire ».

Un chapitre entier du dossier de presse présenté hier est consacré à la « garantie d’un environnement normatif adapté aux spécificités des Outre-mer » . Il y a indiqué que le gouvernement souhaite « généraliser le réflexe Outre-mer dans la fabrication de la norme »  : tous les ministres ont reçu instruction « d’être attentifs à la nécessaire adaptation outre-mer des dispositions législatives et réglementaires qu’ils proposent ». 

Fiscalité et économie

L’une des annonces les plus importantes de ce Ciom est également l’une des moins précises : le gouvernement va réformer l’octroi de mer, « dans un objectif de baisse des prix des produits de grande consommation ». Mais il ne donne presque aucune indication sur ses intentions, à part une seule – cruciale pour les élus : « La refonte proposée garantira le même niveau de recettes des collectivités locales » . La réforme, promet le gouvernement, se fera en concertation avec celles-ci, et ses modalités seront définies dans le projet de loi de finances pour 2025, avec une mise en œuvre au plus tard « fin 2027 ». 

Par ailleurs, le Ciom a validé « un soutien renforcé élargi à l’activité industrielle et la possibilité de créer des zones franches portuaires » , ainsi qu’une vaste « évaluation »  des dispositifs de défiscalisation. Une réforme de la régulation des prix du carburant en Martinique, en Guadeloupe et en Guyane sera proposée « sous neuf mois ». 

En revanche – et c’est assez notable – le dossier de presse de plus de 60 pages n’aborde à aucun moment la question de la fiscalité locale : les questions des bases fiscales, de la dotation de péréquation, de l’avenir de réforme de la Dacom (Dotation d’aménagement des communes d’outre-mer), sont absentes de ce document. Rappelons pour mémoire que si la Dacom a bien été augmentée (de 155 millions d’euros entre 2016 et 2023), cette augmentation s’est fait à enveloppe de DGF constante, c’est-à-dire qu’elle a été financée par les autres communes et non par l’État. 

Logement et eau

Autres sujets sans doute insuffisamment traités dans ce plan : le logement et l’eau. 

Sur le logement, et en particulier le logement social (seulement 15 % des ultramarins résident dans un logement social, alors que 80 % d’entre eux y sont éligibles), il n’y a que peu de mesures précises. Le gouvernement annonce certes son intention de « relancer la politique du logement outre-mer », mais reste relativement flou sur les moyens : il indique seulement que « Action logement mobilisera une capacité de prêts à des taux attractifs de 780 millions d’euros »  entre 2023 et 2027, et que seront renforcés « les leviers d’action pour l’aménagement urbain du Fonds régional d’aménagement foncier et urbain pour les « petites opérations » . Le gouvernement ne prévoit pas, comme le demande l’AMF, une adaptation de la loi SRU dans les communes d’Outre-mer. 

Des mesures positives à retenir : le Ciom a validé l’augmentation de l’aide à la rénovation de logements de l’Anah pour les propriétaires modestes et l’extension du crédit d’impôt pour la rénovation des logements sociaux hors des quartiers prioritaires de la politique de la ville. 

Sur la question absolument cruciale de l’eau – en particulier aux Antilles et à Mayotte – là encore le plan semble en-dessous des besoins. Le Ciom indique simplement que « le plan eau DOM sera renforcé » , sans donner guère plus de détails. L’État va par ailleurs « sécuriser le financement d’une deuxième usine de désalinisation d’eau à Mayotte ». 

Rappelons que la préfecture de Mayotte vient de décider de la coupure de l’approvisionnement en eau des communes les plus peuplées pendant 16 heures par jour (de 16 h à 8 h), chaque jour de la semaine. Et que la situation est si tendue que le gouvernement a dû publier, ce matin, un décret pour bloquer le prix des bouteilles d’eau minérale au prix « constaté le 3 juillet » , pour mettre fin à la spéculation. 

ZAN

Le gouvernement a accepté de répondre à la demande des associations en « différenciant »  l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) dans les Outre-mer : « Les zones d’habitat informel (bidonvilles) seront intégrées dans le calcul des surfaces initiales artificialisées »  et « l’objectif de réduction de consommation d’espaces naturels »  sera « allégé pour tenir compte des enjeux de rattrapage » . Quant à la mise en conformité des Sar (Schémas d’aménagement régional), elle sera repoussée « d’au moins six mois ». 

Deux autres mesures importantes sont à noter : premièrement, la décision de mobiliser « 2,3 milliards d’euros »  dans le cadre des futurs « Contrats de convergence et de transformation »  (CCT), équivalents outre-mer des Contrats de plan État-régions en métropole. Ces fonds devront permettre d’investir « dans les infrastructures et services publics indispensables ». 

Enfin, en matière de risques, le Ciom a décidé de rendre éligible au Fonds Barnier les Agences des 50 pas géométriques. Cette mesure a pour but « d’accélérer la mise à l’abri et le relogement de toutes les populations vulnérables aux risques naturels de la bande des 50 pas géométriques ». 
 

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