Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du lundi 24 juin 2024
Nouvelle-Calédonie

Regain de violences en Nouvelle-Calédonie

La Nouvelle-Calédonie connaît un regain de violences depuis hier, après l'arrestation des leaders de la CCAT et leur envoi en métropole. Alors que les écoles devaient rouvrir aujourd'hui, beaucoup resteront finalement fermées, ainsi que les services municipaux de plusieurs villes. 

Par Franck Lemarc

Sur la Grande terre, l’île de Maré et celle des Pins, barrages, incendies et même échanges de tirs entre des émeutiers et les forces de l’ordre ont repris, ce week-end. La décision du gouvernement d’arrêter et d’incarcérer en métropole les dirigeants de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), accusés d’avoir fomenté les émeutes du mois dernier, a semble-t-il remis le feu aux poudres.

Décision suprise

C’est mercredi dernier, le 19 juin, que onze militants et responsables de la CCAT ont été arrêtés et placés en garde à vue – deux ont depuis été laissés en liberté sous contrôle judiciaire et neuf placés en détention provisoire. La CCAT, qui émane de plusieurs partis indépendantistes kanaks, a été accusée pendant les graves troubles liés au dégel du corps électoral d’être l’instigatrice des violences qui ont fait, à ce jour, 9 morts et au moins 1,5 milliard d’euros de dégâts. Les représentants du gouvernement, qu’il s’agisse du Haut-commissaire de la République ou du ministre de l’Intérieur lui-même, n’ont pas hésité, pendant les émeutes, à qualifier ses dirigeants de « mafieux »  voire de « terroristes ». 

Plusieurs des cadres arrêtés le 19 juin sont des figures connues du mouvement indépendantiste, dont le chef de la CCAT, Christian Tein, qui avait déjà été assigné à résidence pendant les émeutes. Certains d’entre eux sont des figures officielles, comme Frédérique Muliava, directrice de cabinet du président du Congrès de Nouvelle-Calédonie, ou Joël Tjibaou, fils du leader kanak Jean-Marie Tjibaou assassiné en 1989. 

La décision d’envoyer les cadres de la CCAT en métropole a été prise lors d’une audience à huis-clos avec le juge des libertés et de la détention, samedi 22 juin, sans que leurs avocats aient été prévenus de cette possibilité en amont. « Stupéfaits »  et « abasourdis » , ceux-ci n’ont pu que constater qu’un avion miliaire était déjà prêt sur le tarmac de l’aéroport de Nouméa pour emmener aussitôt les prévenus en métropole, à 17 000 km de leur famille. Précaution supplémentaire : les prévenus seront répartis dans des prisons très éloignées les unes des autres (Riom, Bourges, Dijon, Blois, et Mulhouse pour Christophe Teint). 

Cette décision judiciaire apparaît aussi surprenante que risquée. Surprenante, parce qu’elle est exceptionnelle et donne des arguments aux indépendantistes qui parlent déjà de « justice coloniale » . Risquée, parce que la situation était loin d’être calmée dans l’archipel, que le feu couvait sous la cendre et qu’il aurait été bien surprenant que cette décision ne le réactive pas. 

Incendies, écoles et mairies fermées

Cela ne s’est pas fait attendre. Dès l’annonce de la décision, de nouveaux barrages ont été mis en place sur les routes de Nouvelle-Calédonie et de nouveaux incendies volontaires ont éclaté. Les troubles se poursuivent depuis dimanche, en particulier dans la deuxième ville de Nouvelle-Calédonie, Dumbéa, où les locaux de la police municipale ont été incendiés, tout comme dans le quartier Magenta à Nouméa. Selon le point de situation diffusé ce matin par le Haut-commissariat, des émeutiers ont également tenté de mettre le feu à la mairie de Koumac et « des exactions, destructions et tentatives d’incendie »  ont eu lieu à Païta. La nuit dernière, les blindés des forces de l’ordre ont dégagé de nouveaux barrages édifiés sur les routes et un homme a été blessé par balle, sans que l’on ait plus d’informations à cette heure. 

Résultat, de nombreuses communes ont annoncé que la réouverture des écoles, qui devait se poursuivre aujourd’hui, ne se ferait pas. C’est le cas à Dumbéa, où la mairie annonce que « en raison des événements survenus cette nuit, toutes les écoles primaires publiques seront fermées ce lundi », ou à Païta, où la fermeture des écoles « maternelles et élémentaires »  est annoncée jusqu’à mercredi inclus. Quatre réouvertures d’écoles de Nouméa qui devaient avoir lieu aujourd’hui sont reportées. Les écoles resteront également fermées à Boulouparis, Sarraméa, La Foa, Moindou, Bourail, Thio et Yaté, selon la chaîne Outremer la 1e. 

Le réseau de transports publics Tanéo, dans l’agglomération de Nouméa, reste suspendu. La mairie de Nouméa ainsi que « l’ensemble des structures municipales »  seront fermées, en raison, communique la mairie, « de l’incapacité de l’État à assurer la sécurité sur la commune ». 

Dans ce contexte de regain de tension, il y a lieu de s’inquiéter sur la tenue du premier tour des élections législatives, dimanche prochain. Des élections qui semblent bien loin des préoccupations des néo-calédoniens. En fin de semaine dernière, la correspondante du Monde dans l’archipel indiquait que « pas un panneau électoral »  n’a été installé.

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