« Nourrir le débat public sur l’organisation de la sécurité dans nos territoires. » C’est à cet objectif – et non à celui de « faire un rapport sur l’efficacité des polices municipales » – que répond cette enquête, explique en introduction André Laignel, président de l’OFGL. En effet, malgré la très forte progression du nombre de polices municipales ces dernières années, il n’existait pas jusqu’à présent d’étude sérieuse sur « leur impact budgétaire » pour les collectivités.
Et cet « impact » est considérable, selon les calculs de l’OFGL : les dépenses de fonctionnement pour l’ensemble des polices municipales sont estimées à 2,2 milliards d’euros en 2023, et « 155 millions d’euros en moyenne par an depuis 2018 » pour les dépenses d’investissement.
Les auteurs de l’étude rappellent que 11 % des communes se sont dotées d’une police municipale, mais que cette proportion monte à plus de 80 % pour les communes de plus de 3 500 habitants. Au-delà de 20 000 habitants, les communes ont presque toutes fait le choix de se doter d’une police municipale, la proportion oscillant, selon les strates, entre 96 et 99,7 %.
Il y a aujourd’hui quelque 28 100 policiers municipaux employés par 3 613 communes.
Pour réaliser son étude, l’OFGL a sélectionné un échantillon de 1 446 communes représentatives de l’ensemble des communes de plus de 3 500 habitants (celles-ci ne sont en effet que 3 % à avoir fait le choix de se doter d’une police municipale). L’Office a ensuite extrapolé les résultats à l’ensemble des communes concernées pour aboutir aux chiffres mentionnés plus haut.
Premier constat : les dépenses de fonctionnement des polices municipales sont en hausse régulière depuis 2017, avec un pic en 2022 (+ 9 %). En six ans, elles ont augmenté de 33 %, soit trois fois plus que l’augmentation moyenne des autres dépenses locales. Cette augmentation plus massive à partir de 2022 est logique : deux ans après les élections municipales, les maires qui avaient mis la création d’une police municipale à leur programme sont passés aux actes.
Ce service a ceci de particulier que les charges de personnel sont prépondérantes dans l’ensemble des dépenses de fonctionnement : elles représentent 91 % des charges. Ce chiffre est « particulièrement élevé », note l’OFGL, quand on le compare à d’autres postes : les dépenses de personnel ne représentent que 67 % des coûts de fonctionnement des piscines municipales, 80 % dans le périscolaire, 81 % pour les bibliothèques. Pour les polices municipales, les fournitures et achats ne représentent que 2 % des dépenses de fonctionnement.
L’Office relève une autre « spécificité » de ce secteur : le poids du volet indemnitaire. Du fait de la grande tension de la filière, les maires tentent de rendre leur offre plus attractive en jouant sur les indemnités diverses (primes). De plus, ces agents sont plus fréquemment que les autres amenés à faire des heures supplémentaires (comptabilisées comme des indemnités). Résultat : alors que dans l’ensemble des services hors police municipale, les indemnités ne représentent que 12,5 % des frais de personnel, ce chiffre est du double (23,6 %) pour les polices municipales. Logiquement, plus la tension est forte, plus les indemnités sont élevées : en région parisienne, où existe un forte « concurrence territoriale dans le recrutement », le poids des indemnités dans les frais de personnel monte à 31 %.
Conséquence, en partie, de ce qui précède : le niveau de dépense par habitant est très variable d’une commune à l’autre pour ce qui concerne les polices municipales, allant du simple au double : 25 % des communes dépensent moins de 23 euros par habitant sur ce poste, et 25 % plus de 51 euros par habitant.
L’OFGL tente d’expliquer les causes de ces fortes disparités. Dans certains départements, le poids des polices municipales dans les dépenses totales de fonctionnement est inférieur à 1 %, quand il atteint presque les 7 % dans d’autres, notamment dans « l’arc méditerranéen ».
L’une des explications de ce dernier point tient à la forte proportion de communes touristiques dans cette région. En effet, l’OFGL a établi que « le caractère touristique [d’une commune] impacte très significativement et à la hausse les dépenses par habitant consacrées à la police municipale », en particulier parce que les communes touristiques emploient en général un plus grand nombre d’agents que les autres.
Autre facteur de différenciation – assez logique : la richesse de la commune. Tout simplement, plus une commune est riche, plus elle peut se permettre d’employer un nombre important de policiers. Le niveau de centralité entre également en ligne de compte : « Plus la commune est considérée comme centrale et a des équipements, plus ses dépenses par habitant pour la police municipale sont importantes ».
L’Office note également une différenciation de nature « politique » : si l’existence d’une police municipale ne dépend plus, aujourd’hui, de la couleur politique d’une mairie, les communes étiquetées à droite « ont tendance à dépenser plus par habitant dans leurs polices municipales » que celles étiquetées à gauche (46,9 euros par habitants en moyenne contre 38,7 euros).
L’étude établit également que l’armement d’une police municipale (qui, rappelons-le, est un libre choix du maire) a un impact avéré sur les dépenses de fonctionnement. Exemple dans les communes non touristiques de moins de 20 000 habitants, le coût moyen d’une police municipale armée est de 40,7 euros par habitant contre 23,7 euros pour une police non armée. Ce surcoût s’explique certes par les frais afférents aux munitions, à l’entretien des armes, aux boîtiers sécurisés, etc., mais surtout aux frais de formation continue imposés par la loi pour les agents habilités.
L’OFGL s’est enfin penchée sur les dépenses d’investissement liées aux polices municipales. Les dépenses les plus importantes tiennent à la construction et la rénovation des bâtiments (32 %), au matériel et à l’outillage technique (22 %).
Ces dépenses, sur la période 2018-2023, sont estimées à quelque 155 millions d’euros par an en moyenne. Elles ont augmenté régulièrement (sauf pendant l’épidémie de covid-19), jusqu’à atteindre un pic de 260 millions d’euros en 2023.
L’étude relève donc qu’en fonctionnement aussi bien qu’en investissement, les dépenses sont fortement à la hausse. C’est l’un des enseignements de cette étude, note André Laignel : « Ces données doivent nous alerter sur les dynamiques inflationnistes de ces dépenses de polices municipales afin que le ‘’continuum de sécurité’’ ne se transforme pas en transfert de charges asphyxiant pour les finances du bloc communal. »
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