Maire-info
Le quotidien d’information des élus locaux
Édition du mardi 30 janvier 2024
Logement

Meublés de tourisme : les députés adoptent un texte accordant des pouvoirs étendus aux maires

Outre la révision des niches fiscales, l'Assemblée a décidé de donner aux élus locaux la possibilité d'abaisser à 90 jours par an la durée maximale d'une location saisonnière ou de créer des zones réservées aux résidences principales.

Par A.W.

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« Cela ne résoudra peut-être pas tout, mais il s’agit d’un premier pas. »  Il aura donc fallu attendre près d’un an pour que la députée du Finistère Annaïg Le Meur (Re) voit son texte – déposé avec le socialiste Iñaki Echaniz (Pyrénées-Atlantiques) – être adopté, en première lecture, à l’Assemblée nationale.

Dans un contexte où les 800 000 meublés de tourisme recensés en France sont accusés d’accentuer la pénurie de logements qui frappe le pays et d’entretenir par là-même ce que certains décrivent comme une « bombe sociale ».

« Une grande victoire pour nos territoires » 

Particulièrement attendue, la proposition de loi transpartisane visant à « remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue »  a, toutefois, connu plusieurs écueils depuis qu'elle a été déposée en février 2023. Mise une première fois à l'agenda au printemps dernier, elle a d’abord été reportée sine die, avant que son examen complet dans l’hémicycle, débuté en décembre, ne soit avorté, les députés LR et RN ayant multiplié les manœuvres pour ralentir les discussions. 

Le texte a donc finalement été adopté, hier, par 100 voix contre 25 grâce aux oppositions de gauche, au groupe Liot et à la quasi-totalité du camp présidentiel. L’essentiel des députés LR et des RN ont voté contre, invoquant la défense de « petits propriétaires »  et déplorant « la contrainte et la punition »  avec « encore plus d’impôts ».

En l'absence – remarquée – d'un ministre dédié au logement, le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, s’est réjoui de l’adoption de ce texte « nécessaire et utile »  et de « la capacité laisser aux élus locaux d’ajuster le dispositif à la réalité locale ».

C'est « une grande victoire pour nos territoires et pour le logement permanent », a de son côté salué Iñaki Echaniz, sur X.

Niche fiscale supprimée

Ce texte s’attaque, en premier lieu, à la fameuse niche fiscale des locations saisonnières, sa mesure emblématique. « Qu’est-ce qui justifie qu’un propriétaire de meublé de tourisme classé bénéficie d’un abattement de 71 % jusqu’à 188 000 euros de chiffre d’affaires […] alors que les propriétaires qui louent, à l’année, leur bien à une famille […] ne bénéficient que de 30 % d’abattement ? », a feint d’interroger ses collègues de séance le député des Pyrénées-Atlantiques, avant de répondre sèchement : « Rien ! » 

Pointant le fait que « 50 % du parc locatif est détenu par 3,5 % des propriétaires », il a balayé l’argumentaire des députés opposés au texte : « Le "petit propriétaire", que nos collègues […] prétendent défendre, est donc bel et bien un mythe ».

Si le rapporteur général de la commission des finances, Jean-René Cazeneuve (Re), a défendu – avec les LR – l’idée d’« attendre les conclusions de la mission sur la réforme de la fiscalité locative avant de prendre toute décision », son amendement de suppression de la mesure a été rejeté.

« [On] nous demande d’attendre. Mais quand on me dit cela, je pense à l’infirmière de l’hôpital de Bayonne, à l’éboueur de l’agglomération du Pays basque qui dorment dans leurs voitures. Telle est la réalité ! Pendant que nous réfléchissons à la possibilité de réclamer un peu plus d’impôts à certains propriétaires, les vrais perdants sont ceux qui vivent dehors, ceux qui n’ont pas de toit du tout », a rétorqué Iñaki Echaniz.

Résultat, l’Assemblée nationale a décidé d’aligner la fiscalité des locations de courte et de longue durée, en fixant ainsi un même taux d’abattement fiscal de 30 % (contre 71 % jusqu'à présent pour les meublés de tourisme), dans la limite d’un plafond de 30 000 euros (et 15 000 euros pour ceux non classés). Seules exceptions à la règle, ceux situés en « zone rurale très peu dense ou en station classée de sport d’hiver »  pourront continuer de bénéficier d’un taux d’abattement de 71 % (dans la limite de 50 000 euros). 

Une disposition dont le gouvernement ne voulait pas et qui rappelle un amendement des sénateurs (plus dur encore puisqu’il prévoit notamment un régime dérogatoire dans les zones rurales de 51 %) que l’exécutif avait retenu, « par erreur », dans le budget 2024. Celui-ci avait ainsi annoncé, fin décembre, vouloir revenir sur cette « erreur »  et assuré que l'article serait « modifié à l'occasion d'un prochain vecteur législatif au plus tard dans le budget 2025 », la disposition n'ayant « pas vocation à s'appliquer dans l'intervalle ».

« Le rôle de la navette avec le Sénat sera crucial, mais nous attendons aussi le rapport [sur la réforme de la fiscalité locative] qui permettra d’étudier les moyens de parvenir à un point d’équilibre. Dans cette période, nous aurons à nous interroger sur le taux, sur la base et sur les règles à appliquer pour atteindre la solution la plus complète possible », a indiqué Christophe Béchu, dans l’hémicycle.

DPE, zones réservées, changement d’usage, quotas…

Parmi les autres dispositions inscrites dans le texte, plusieurs d’entre elles ouvrent la voie à l'extension des pouvoirs des maires via une série de nouveaux outils dont le but est de mieux réguler localement l’offre de meublés touristiques et de « lutter contre la spéculation locative ».

D’abord, les députés ont accordé la possibilité pour les communes d'abaisser de 120 à 90 jours par an la durée maximale durant laquelle une résidence principale peut être louée en tant que meublé de tourisme. Elles pourront également prendre des sanctions administratives en cas de fausse déclaration.

Alors que le texte adopté n’était toujours pas en ligne ce matin, Annaïg Le Meur a indiqué que « les autres dispositifs de la boîte à outils ont été conservés et renforcés : simplification et sécurisation du régime de changement d’usage, extension aux personnes morales du régime de changement d’usage temporaire, possibilité d’instaurer un quota de changements d’usage… » 

Sans compter la possibilité qui pourrait être accordée à certaines communes de créer des zones réservées aux résidences principales. Dans ces zones, « toutes les nouvelles constructions devront être des résidences principales ».

Par amendement, les députés ont ainsi potentiellement ouvert cette faculté à « 9 316 communes ». Une faculté qui bénéficierait aux communes dont « le taux de résidences secondaires est supérieur à 20 % »  et à toutes celles « où est applicable la taxe annuelle sur les logements vacants et où une majoration de la taxe d'habitation sur les résidences secondaires est permise ».

La proposition de loi intègre, par ailleurs, une autre disposition phare puisqu'elle vise à conditionner la mise en location d’un meublé de tourisme à la réalisation préalable d’un diagnostic de performance énergétique (DPE). Le texte « associe une obligation de réaliser un DPE au régime de l’autorisation de mise en location temporaire d’un meublé de tourisme, lorsque celui-ci est défini par la commune », s’est félicitée la corapporteure du texte, rappelant qu’il subordonne également « toute location d’un meublé de tourisme à une déclaration préalable soumise à un enregistrement auprès d’un téléservice national, avec numéro d’enregistrement ». 

Le texte doit désormais passer par le Sénat, à une date encore indéterminée. Sur X, Iñaki Echaniz a souhaité le voir « rapidement inscrit »  à l’ordre du jour de la Chambre haute.
 

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