Loi immigration : les mesures impliquant les maires ont disparu du texte définitif
Par Franck Lemarc
La loi pour contrôler l’immigration et améliorer l’intégration a été publiée samedi matin au Journal officiel, après qu’environ un tiers de ses articles ont été supprimés par le Conseil constitutionnel, par une décision rendue jeudi 25 janvier (lire Maire info du 26 janvier).
Parmi les 35 articles censurés par les Sages – essentiellement parce qu’ils ont estimé qu’ils n’avaient pas leur place dans ce texte et constituaient ce que le jargon parlementaire appelle des « cavaliers législatifs » – se trouvaient les mesures impliquant les maires, notamment sur les questions de regroupement familial ou de mariage.
Regroupement familial
C’est le cas par exemple de l’article 5 de la loi. Celui-ci disposait qu’en cas de demande de regroupement familial, le maire « de la commune de résidence de l’étranger ou le maire de la commune où il envisage de s’établir » devait vérifier les conditions de logement et de ressources du requérant, dans un délai fixé par décret. En l’absence d’avis rendu dans ce délai, l’avis du maire était réputé défavorable.
Cet article ayant disparu de la loi, on en reste donc au cadre actuel, fixé par l’article R434-23 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile : le maire procède aux vérifications sur les ressources et le logement du demandeur et transmet un « avis motivé » à l’administration. Mais la logique est inverse de celle qui était proposée dans la nouvelle loi : en l’absence d’avis rendu dans un délai de deux mois, l’avis est réputé favorable.
Mariages
Une autre disposition intéressait directement les maires : elle concernait les mariages, et plus précisément les suspicions de mariages blancs.
En l’état actuel des choses (article 175-2 du Code civil), en cas de doute sur la validité d’un mariage, le maire peut saisir le procureur de la République. Dans les 15 jours qui suivent, le procureur est « tenu soit de laisser procéder au mariage, soit de faire opposition à celui-ci, soit de décider qu'il sera sursis à sa célébration, dans l'attente des résultats de l'enquête à laquelle il fait procéder ». Ce sursis ne peut excéder « un mois renouvelable une fois ».
Dans le texte adopté par le Parlement en décembre, à l’article 32, le processus restait le même, à une importante exception : si le procureur ne rendait pas sa décision dans les 15 jours, il était décidé d’office « un sursis de deux mois à la célébration du mariage », lesquels deux mois pouvaient être renouvelés une fois. Autrement dit, dans le cas très fréquent où la saisine du procureur reste sans réponse, le mariage pouvait être retardé jusqu’à quatre mois.
L’article 32 ayant été censuré par le Conseil constitutionnel, on en reste donc à la procédure actuelle.
Logement
Le Conseil constitutionnel a, en revanche, validé les articles 54 et 55 de la loi, qui aggravent les peines contre les « marchands de sommeil » quand les victimes sont des étrangers en situation irrégulière.
Sont visés les délits décrits à l’article L511-22 du Code de la construction et de l’habitation : refus délibéré et sans motif d’exécuter des travaux relatifs à la sécurité et la salubrité d’un logement, mise à disposition de logements « dans des conditions qui conduisent manifestement à leur sur-occupation », dégradation ou détérioration volontaire d’un logement dans le but d’en faire partir les occupants, non-respect d’une interdiction d’habiter ou d’accéder aux lieux. Toutes les peines prévues pour ces délits sont désormais aggravées « lorsque les faits sont commis alors que l'occupant est une personne vulnérable, notamment un ressortissant étranger en situation irrégulière ».
Par ailleurs, l’article 55 a lui aussi été maintenu : il dispose que désormais, des étrangers victimes « de soumission à des conditions d'hébergement incompatibles avec la dignité humaine », s’ils portent plainte, se verront délivrer « une carte de séjour temporaire (…) d’une durée d’un an ». Cette carte « est renouvelée pendant toute la durée de la procédure pénale ».
On peut toutefois douter de l’efficience de ces dispositions, dans la mesure où il est peu probable qu’un étranger en situation irrégulière se rende dans un commissariat pour porter plainte.
Les mesures d’application immédiate
Après la publication de la décision du Conseil constitutionnel, le ministère de l’Intérieur a annoncé qu’il allait transmettre dès la promulgation de la loi « quatre instructions aux préfets » pour faire appliquer immédiatement autant de mesures. Il s’agit d’abord de « l’éloignement des étrangers dont le comportement représente une menace grave à l’ordre public », en réexaminant « l’ensemble des situations individuelles dont l’éloignement n’était pas possible en raison des protections prévues par la loi ». Deuxième mesure immédiate : « mettre un terme au placement en rétention des familles avec mineurs », en le remplaçant autant que possible par une expulsion ou a minima une assignation à résidence.
La troisième mesure « immédiate » prévue par le ministre de l’Intérieur est l’application de l’une des dispositions qui a provoqué les plus âpres débats : la délivrance de titres de séjours provisoires pour les étrangers en situation irrégulière qui travaillent dans un métier ou une zone géographique en tension. Il s’agit de l’article 27 du texte promulgué. Cette carte de séjour d’une durée d’un an portera la mention « travailleur temporaire ». Ce dispositif n’est pas de droit, mais laissé à l’appréciation des préfets, cas par cas. Il est applicable uniquement jusqu’à la fin de l’année 2026. Il sera mis en œuvre immédiatement, explique la place Beauvau, afin notamment de « renforcer l’articulation entre les besoins en main-d’œuvre identifiés dans certains métiers ou zones géographiques et l’accès au séjour par le travail ».
Enfin, le gouvernement entend également lancer immédiatement la « lutte contre les trafics et l’exploitation des étrangers », en faisant appliquer notamment les mesures prévues par la loi contre les marchands de sommeil et en établissant des « contrôles spécifiques » dans les secteurs « particulièrement sujets à l’emploi d’étrangers sans titre de séjour ».
Il reste à présent à savoir si les autres mesures prévues par la loi mais censurées par le Conseil constitutionnel reviendront devant le Parlement sous une autre forme. On se rappelle que la Première ministre Élisabeth Borne s’était engagée à présenter très rapidement un projet de loi pour réformer l’aide médicale d’État – ce dont il n’a, pour l’instant, plus été question depuis l’arrivée de Gabriel Attal à Matignon. Les autres mesures, retoquées par les Sages, seront-elles abandonnées ou présentées à nouveau dans un projet de loi spécifique ? Réponse, peut-être, dans la déclaration de politique générale qui sera présentée cet après-midi par le nouveau Premier ministre.
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