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Édition du mardi 23 avril 2024
Logement

Logement des fonctionnaires : devant la « situation insoutenable », un rapport préconise le retour de logements de fonction « d'un nouveau type »

Face aux difficultés d'une partie des agents publics à se loger à une distance raisonnable de leur travail, le député Renaissance David Amiel propose aussi la création d'un « Action Logement du secteur public » et l'extension de la caution gratuite.

Par A.W.

« Il faut un sursaut pour offrir des logements accessibles »  aux agents publics. Dans un rapport remis la semaine dernière au gouvernement et dédié au logement des fonctionnaires, le député Renaissance de Paris, David Amiel, lance « un cri d’alarme »  devant une situation qu’il juge « insoutenable », « une face émergée de la crise du logement qui frappe de plein fouet de nombreux territoires ».

Des agents qui quittent la fonction publique

« Trop longtemps, nous avons collectivement fermé les yeux, fait comme si nos services publics pouvaient durablement fonctionner avec des agents qui ne parviendraient pas à se loger », déplore-t-il, en pointant des politiques de soutien des employeurs publics qui ont été « négligées, parfois même démantelées ».

Relatant le sentiment d’un surveillant pénitentiaire basé à Paris, David Amiel ouvre son rapport symboliquement par ses propos : « Je suis deux fois en prison. Dans la journée, quand je travaille. Le soir, quand je rentre chez moi ». Un exemple parmi d’autres, tant de nombreux agents publics ne parviennent plus à habiter à « une distance raisonnable »  de leurs emplois. 

« On a beaucoup d’infirmiers et d’aides-soignants »  dans ce cas, regrette-t-il dans un entretien à Radio J dans lequel il dénonce leur situation : « Ou bien ils passent des heures dans leur voiture pour se rendre (au travail) ou bien, ce qui arrive de plus en plus souvent, ils jettent l’éponge et quittent l’hôpital. Pour l’APHP, on a perdu plus de 10 % des effectifs infirmiers en trois ans ». 

Dans ce contexte, le député de Paris fait une série de recommandations pour apporter à la fois des aides à court terme et des solutions à moyen et plus long termes. 

Étendre la garantie « Visale » 

Il propose, d’abord, une « réponse immédiate »  avec l’extension, « sans attendre », de la garantie « Visale »  à l’ensemble des agents publics de 31 ans et plus dans les mêmes conditions que pour les salariés du privé, afin « qu’ils ne trouvent plus porte close faute de garanties suffisantes ». 

La mise en place d’une telle « garantie publique »  permettrait ainsi d’aider « ceux qui n’ont pas de garantie familiale ». Celle-ci serait ouverte « aux agents qui gagnent moins de 1 500 euros par mois ou bien à ceux qui sont en mobilité professionnelle, un enseignant qui vient d’être muté par exemple ». L’un des objectifs est donc d’apporter à « beaucoup plus d’agents des premières lignes »  une caution gratuite de ce type, pour « pouvoir louer un logement plus facilement sans dépendre de sa famille ».

David Amiel suggère également de « réserver la possibilité pour les employeurs publics de proposer, en plus de ce socle, des dispositifs complémentaires de garantie (par exemple, pour des revenus supérieurs), s’ils le jugent nécessaire ». 

Il préconise aussi de « concerter avec les collectivités les modalités de l’extension à la fonction publique territoriale ».

Par ailleurs, il estime que « c’est le moment d’encourager, fiscalement et socialement, les employeurs qui souhaiteraient prendre en charge une partie des intérêts des prêts immobiliers de leurs salariés ou agents », au moment même où les taux d’intérêt sont élevés.

Un « Action Logement »  du secteur public

Alors que les employeurs du privé ont aujourd’hui un instrument pour aider leurs salariés, à travers Action logement, le député de Paris estime que « le secteur public doit prendre ses propres responsabilités pour les agents qui dépendent de lui ».

Car, à ses yeux, il « ne fait pas de doute »  que « les salariés du secteur privé bénéficient de financements de leurs employeurs en faveur de leur logement nettement supérieurs aux avantages dont disposent les agents publics ». Dans son rapport, David Amiel a ainsi calculé que les salariés du privé bénéficient ainsi d’avantages qui peuvent être « estimés entre 122 et 162 euros par salarié, soit entre + 43 % et + 89 % par rapport aux 86 euros estimés (...) pour la fonction publique de l’État, en tenant compte de la valeur du contingent préfectoral de 5 % ».

Il juge donc nécessaire « une réforme profonde »  du pilotage de la politique du logement des agents publics. Pour cela, il recommande la construction d’un « Action Logement du secteur public »  qui devra, « sans se substituer aux employeurs publics, proposer une stratégie d’ensemble pour le logement des agents publics, porter des projets communs aux différents employeurs et fournir l’aide en ingénierie sur le terrain ». 

Sa mise en place « progressive »  se ferait « en concertation avec les représentants des personnels et les employeurs publics des trois versants », détaille l’élu qui estime que « nous n’avons plus le droit d’ignorer les besoins précis des agents, de tolérer des inégalités injustifiables selon les employeurs publics, de laisser des réflexions en jachère et des initiatives locales sans appui, de disperser les efforts financiers ». 

Des logements de fonction « d’un nouveau type » 

Par ailleurs, il préconise des « réponses structurelles »  en demandant au gouvernement de produire des logements destinés spécifiquement aux agents publics, « des sortes de nouveaux logements de fonction ».

Face à l'importante crise du logement qui frappe le pays, « il faut qu’on produise des logements supplémentaires (en créant) de nouveaux logements sociaux (et) intermédiaires, pour s’adapter aux différents niveaux de revenus »  et dont « l’usage, dans un cadre précisément défini et délimité, pourrait désormais être lié à l’exercice d’une fonction ». Ce serait des « sortes de logements de fonction d’un nouveau type », à l’image de ce que « l’on avait dans le temps », mais qui ont « été progressivement démantelés », a-t-il expliqué sur France info.

Il souhaite ainsi « retrouver une politique moderne de logements de fonction »  qui permette de « répondre aux délais d’attente monstrueux (pour le logement social), mais qui seraient particulièrement fléchés vers ses agents de premières lignes », tels que les soignants, ou les policiers. 

Afin d’être « adaptée à toutes les situations », elle devrait aussi « inclure un programme de résidences temporaires, agissant comme un sas pour les agents en mobilité », ajoute l’élu dans son rapport.

Une plateforme lancée « avant l’été » 

Que fera le gouvernement des conclusions de ce nouveau rapport ? Le ministre de la Fonction publique Stanislas Guérini, a déjà indiqué, à l’occasion du troisième Comité du logement des agents publics qui s’est tenu au CHU de Bordeaux la semaine dernière, que ce sujet est considéré comme « prioritaire »  par l’exécutif. 

Dans ce cadre, les propositions du rapport seront « étudiées et discutées avec tous les partenaires sociaux »  et pourront « être reprises dans le projet de loi pour l'efficacité de la fonction publique ».

Il a ainsi annoncé, sur X, la « création d'une délégation interministérielle au logement des agents publics »  et le lancement « avant l’été »  de la plateforme d’offres de logement et d’information dédiée aux agents publics.

Consulter le rapport. 

 

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